Haunted Karaoke
Vous tous qui êtes sans aucun doute des amateurs de CAT III - comme nous (n’est-ce pas ?) - connaissez certainement la propension des producteurs Hong-Kongais à sauter sur les faits divers les plus scabreux pour tenter de faire rentrer quelques HK$ dans leurs poches. L’exemple le plus aberrant, à ce titre, reste certainement le doublet There’s a Secret in my Soup (épouvantable navet avec une poupée "Hello Kitty" pixelisée) / Human Pork Chop : deux films tournés à peu de choses près en même temps, à peine un mois après l’incident réel (une jeune fille séquestrée, torturée et violée pendant plusieurs jours, avant d’être mangée). La classe, non ? Pas vraiment...
Mais bon, l’attitude produit aussi - parfois - des bonnes choses ; comme cet immense chef-d’oeuvre difficile qu’est The Untold Story de Herman Yau (HK Film Award du Meilleur Acteur pour Anthony Wong en 1994, ne l’oublions pas !). Et puis parfois, des scénaristes déterrent un souvenir douloureux et en font la base d’un film délirant, à la fois provocateur et respectueux. C’est le cas de l’étrangeté qui nous intéresse ici : Haunted Karaoke de Billy Tang. Pourtant, le palmarès haut-de-gamme du réalisateur (Dr. Lamb, Run and Kill, Red to Kill, Casino et j’en passe...) nous amenait à douter amplement, a priori, de la morale du film. Mais bon, Herman Yau n’a-t-il pas finalement réalisé aussi bien Ebola Syndrome que Master Q 2001 ?
La réalité derrière la fiction, tout d’abord : en janvier 1997, l’un des locaux de la chaîne Top One Karaoke, situé dans le quartier de Tsim Sha Tsui, a été bombardé de cocktails molotov. Résultat de l’opération : 17 jeunes personnes tuées. Haunted Karaoke est sorti en salles en octobre cette même année ; comme le précise un internaute asiatophile (www.kowlooninside.com), le film n’a sans doute pas fait la joie des parents, mais celle des spectateurs, si ! Force m’est d’être d’accord avec cette déclaration...
Les deux héros de notre histoire sont deux flics, Jor (Michael Tiu) et Chicken Wing (Wayne Lai). Le premier est un dragueur invétéré, réputé pour être tout aussi incontrôlable que le Tequila de Hard Boiled. Le second, à l’inverse, se fait maltraiter par se femme à qui il passe mensonges, tromperies et adultère (ou presque... voir ci-dessous !). Bref : un balèze et son sidekick, comme il se doit. Travailleurs "irréguliers", nos deux héros sont priés d’accelérer le pas pour arrêter un truand répondant au nom de Big Eye Kuen. Linda - une "masseuse" quant à elle tellement acharnée que sa main tremble toute la journée suite à la masturbation de ses nombreux clients ( !!!) - appelle ses amis pour les prévenir de l’arrivée du truand sur sa table de travail. Fausse manipulation aidant, Linda se retrouve otage de Big Eye Kuen. Commence alors une course poursuite qui se terminera dans un étrange karaoke... hanté. Après le décés de Linda et Big Eye, Jor et Chicken Wing s’apercevront que la karaoke en question n’est autre que celui qui a brulé un an auparavant. L’un des fantômes leur ordonne alors de ramener les deux autres coupables de l’incendie, sans quoi nos héros mourront le 14 juillet (le jour de la fête des fantômes)...
Je ne sais pas si j’ai vraiment le droit de dire que Haunted Karaoke est un film d’horreur. C’est vrai qu’il y a quelques passages très réussis, au niveau ambiance, qui pourraient presque faire peur au spectateur. Mais l’ensemble baigne dans trop d’humour second degré pour que le rire ne l’emporte pas à chaque fois.
Et oui, ici Billy Tang nous fait rire sans que nous en ayions honte ! Quelques exemples ? La fabuleuse scène d’intro pendant laquelle Chicken Wing découvre sa femme en train d’emballer un autre homme en boîte de nuit. Il intervient mais celle-ci prend tout de suite le-dessus, lui demandant de la laisser respirer un peu. "Soit un homme, pour une fois", qu’elle lui dit. Qu’à cela ne tienne, Chicken Wing nous offre une imitation de Bruce Lee et lui balance quelques coups de pieds spectaculaires avant de la terminer à la main ! Oops, j’ai choisi un exemple tendancieux... Mais par la suite, il y a vraiment de tout : les apparitions du fantôme de Linda - qui tente désespérement de faire peur à tout le monde, des ordinateurs qui se transforment en WC, une scène d’amour avec un fantôme, des dialogues délirants, la scène où Chicken Wing se fait couper le pouce et ne cesse de perdre son sang...
Bref, un délire excellent et incessant, jusqu’à la fin du film qui, en l’espace de dix minutes, rend hommage aux grands classiques du film de zombies. Chicken Wing arrose les revenants de balles "spirituelles" dans la tête à l’aide d’un fusil à pompe, un truand se fait déchiquetter et dévorer "Dawn of the Dead style", nos héros se retrouvent acculés derrière une porte barricadée, à portée de bras des apparitions vengeresques... tout y passe, pour notre plus grand plaisir - et pour terminer le film en grande pompe !
N’oublions pas pour autant que tout ça est un peu opportuniste, soit. Mais bon, ça n’empêche pas Haunted Karaoke d’être un très bon petit film et c’est comme ça !
Haunted Karaoke est diponible en VCD / DVD (pas vu) HK chez Universe.


