Have a Nice Day
Have a Nice Day est une variation réussie sur le thème de la cupidité qui s’est emparée de la société chinoise avec la libéralisation de l’économie. Si le cinéma indépendant chinois en a souvent fait son beurre, ce film d’animation l’illustre d’une façon plus crue sous la forme d’une comédie noire décapante.
Have a Nice Day nous plonge dans une banlieue chinoise miteuse où le conducteur d’un courrier transportant une forte somme d’argent pour un mafieux s’empare de la sacoche contenant les billets. Un acte désespéré, mais il a besoin de ces yuans car sa fiancée a été victime d’une opération de chirurgie esthétique qui a mal tourné. Il veut qu’elle aille se faire soigner en Corée du Sud pour réparer les dégâts. Le mafieux lance un tueur à ses trousses, mais la nouvelle du vol se répand dans le cercle des connaissances des différents protagonistes. La chasse est ouverte pour l’argent et le conducteur, mais rien ne se déroule comme prévu.
Le film comporte quelques belles piques adressées à la Chine actuelle. Selon l’un des personnages, la liberté se définirait pour un individu par le type de marché – traditionnel, un supermarché et Internet – sur lequel il pourrait acheter sans avoir à se soucier de la dépense. Les célèbres citations de la sagesse chinoise et de Mao ont été remplacées par celles des nouveaux gourous, ceux des affaires, Jack Ma, fondateur du géant de l’e-commerce chinois, Alibaba – ici le cinéaste Liu Jian est plus intéressé par les 40 voleurs - et Steve Jobs, qu’il n’est plus nécessaire de présenter.
Have a Nice Day abonde par ailleurs de références filmiques - No Country for Old Men étant la plus évidente - et artistiques. Des affiches de propagande communiste sont, elles, remises au goût du jour dans ce film qui se veut aussi arty.
Visuellement, le film est une réussite. L’animation reste minimale, combinant un arrière-plan immobile que vient faire vivre brièvement un détail, comme un chien dans un plan moyen. Le mouvement est aussi communiqué par le montage et l’environnement sonore, comme le très réussi accident final. L’action est ancrée dans un contexte réel - les faubourgs peu engageants d’une ville chinoise - laissant la force de la stylisation s’exprimer. L’intrigue sert de prétexte à la présentation d’un monde vert de gris où l’absurde se mêle au surréalisme. Le cinéaste s’offre aussi quelques plans hors pistes, qui pourront désorienter le spectateur.
Cette vision de la Chine n’est évidemment pas du goût des autorités et a valu à Have a Nice Day d’être déprogrammé du festival d’Annecy en 2017 à la suite de pressions. Il a désormais retrouvé sa place : dans un cinéma. Have a good movie.
Have a Nice Day sort sur les écrans français le 20 juin.
Remerciements à Stanislas Baudry.





