Hell
L’enfer thaï est un film de Ruggero Deodato.
Un ivrogne qui bat sa femme, une jeune femme enceinte abandonnée par son homme – et collègue - au profit des fesses d’une stagiaire... je ne sais pas trop comment Mask Mass, société de production, recrute ses employés, mais gageons que c’est sur péché uniquement. N’empêche que tout ce petit monde prend la route ensemble pour se rendre sur un lieu de tournage, et au diable les trahisons sexuelles. Je ne crois d’ailleurs pas si bien dire : le conducteur du van s’endort au volant et percute un camion de plein fouet. Alors que leurs corps comateux sont acheminés à l’hôpital, les membres de l’équipe se retrouvent... en enfer ! Si la plupart sont effectivement là pour payer leurs égarements, deux d’entre eux n’ont pas mérité de châtiment. Peut-être peuvent-ils aider leurs camarades à quitter cet ocre tableau de tortures ?
On ne peut pas dire que je sois très convaincu par le cinéma horrifique thaï. Bien souvent, celui-ci nous promet, au travers d’affiches et trailers racoleurs, monts et merveilles d’écœurement qui finissent par être bien peu de choses. Dans le lot, se détache tout de même le premier Art of the Devil signé Tanit Jitnukul (Bang Rajan), pas excellent mais tout de même vilain à souhait ; la présence du bonhomme au poste de producteur – et, si l’on en croit certaines ressources online, de co-réalisateur – de Hell laisse donc entrevoir une lueur d’espoir. Et si le film est une fois de plus trompeur au niveau marketing, avec son affiche sublime et dénudée, il offre tout de même autre chose, et ce avec force générosité.
Masses, tenailles, hameçons, enfants et nains cannibales.
Fils spirituel du Jigoku de Nakagawa et de ses relectures (Tatsumi Kumashiro – 1979 et Teruo Ishii 1999), Hell délaisse au maximum le contexte humain pour se concentrer sur la mise en scène du territoire infernal. Sa narration n’est pas réellement motivée par la culpabilité – même si celle-ci est esquissée au cours de quelques flash back -, mais par l’exploration d’un lieu effrayant. L’enfer de Teekhayu Thammanittayakul et Sathit Pratitsahn est un endroit poussiéreux façon zone de combat tokusatsu dotée de cieux numériques, qui juxtapose cavernes bleutées et champs extérieurs rougeâtres où se multiplient tortures et douleurs, au pieds d’arbres tortueux et épineux. Sous la vigilance d’une horde de barbares hérités de la fantasy italienne, les âmes égarées subissent coups de maillet à répétition, ingestion de liquides bouillants et autres lacérations mécaniques. L’ambiance générale du film est d’ailleurs très italienne, avec des traces de films cannibales et autres zombies de bas étage – sans mauvais jeu de mots voulu envers les petites personnes non mortes qui y brillent le temps d’un repas humain. Une filiation inattendue, pas très craspec mais tout de même efficace, et surtout plaisante. Car si ses confrères basent leur réputation sur de simples bribes gore montées en épingle, Hell tout entier est dévoué au tableau appliqué de ces horreurs.
Du coup, on pardonne aisément au scénario ses errances et aberrations, le groupe de condamnés s’éclatant et se recomposant sans cesse, sans la moindre logique. Les effets visuels sont inégaux mais témoignent d’une volonté réelle de donner chair à l’outre-monde, avec ses tourbillons de flammes et autres vortex infernaux. Alors que le ciné thaï mainstream est un peu frileux en matière d’érotisme, Hell s’abandonne même à quelques images d’orgies huileuses à grande échelle, et nous offre un trio de sympathiques bimbos mortes-vivantes. Pas très consistant dans sa narration, cette production Jitnukul l’est nettement plus dans son approche, débridée et englobante, d’un fantastique façon Bosch transalpin adapté aux croyances bouddhistes. Train-fantôme gentiment sale, stupide et dépaysant, Hell vaut donc très largement votre coup d’œil bisseux !
Hell est disponible en VCD et DVD Thaï, sans sous-titres, ainsi qu’en DVD zone 2 UK sous titré-anglais chez Anchor Bay pour une bouchée de pain.