Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Malaisie

Histeria

Malaisie | 2008 | Un film de James Lee | Avec Liyana Jasmay, Noris Ali, Ainul Aishah, Ady Putra, Kazaar Saisi, Vanidah Imran, Adlin Aman Ramli, Adman Salleh, M. Rajoli, Ramli Hassan, Ako Mustapha

En dépit d’une certaine appétence, quoique mesurée, de l’occident pour les cinémas d’Asie, le cinéma malaisien reste globalement méconnu, rarement représenté dans nos salles et nos festivals, et pour cause : la Malaisie, empêtrée dans une censure drastique, ne produit qu’une vingtaine de films par an. Exception à cette méconnaissance, la bannière dressée par la société Da Huang Pictures témoigne régulièrement du talent de ses fondateurs indépendants qui, de James Lee à Liew Seng Tat, jouent de restrictions, de budget et d’expression, pour affirmer leur passionnante singularité. James Lee justement, est certainement le réalisateur malaisien le plus en vue des festivals internationaux, en dépit de sa faculté à diviser les spectateurs, entre fascination et ennui. Si son cinéma épuré évoque une affection pour les genres, du fantastique métaphorique de The Beautiful Washing Machine au substrat du film de gangsters qu’incarne Call If You Need Me, nous n’imaginions pas forcément le retrouver derrière la caméra de Histeria, film d’horreur à part entière qui s’efforce de délaisser l’apparat comique d’ordinaire réservé aux frayeurs malaisiennes.

Un groupe de jeunes lycéennes pensionnaires, auto-proclamées les « pink ladies », sont punies le temps d’un week-end de nettoyage pour leurs frasques de mauvais goût. Un soir qu’elles jouaient à invoquer un esprit démoniaque, elles ont en effet tenté de faire croire à la direction de l’école et au sorcier local, que l’une d’elles était possédée... Surveillées par un enseignant et une nouvelle venue, chargée de s’assurer de l’accomplissement de leurs tâches ménagères, Murni et ses ainées déclinent paresseusement leur adolescence, toute en ascendance mesquine et sexualité latente, dans les salles et dortoirs déserts de l’établissement, avant de se retrouver confrontées à la créature meurtrière qu’elles pensaient avoir échoué à invoquer.

Un scénario convenu, des personnages et situations qui sont autant de clichés, une première partie un peu lente et une créature, issue du folklore local, un tantinet statique et ridicule... Il est nécessaire de faire preuve d’une certaine ouverture d’esprit pour apprécier l’entreprise de James Lee hors des murs de Da Huang, évocation couleur locale (les écoles asiatiques et leurs esprits) et paradoxale, à la fois passéiste et contemporaine, du slasher. Construit comme un gigantesque flashback autour d’une Murni ensanglantée, soupçonnée par la police d’avoir assassiné ses camarades au cours d’une crise d’hystérie démoniaque qui donne son titre au film, Histeria ne serait certainement rien d’autre qu’une anecdote à nos yeux, si ses origines et le principal travers qu’elles engendrent ne finissaient par jouer en sa faveur.

Le film ne laisse jamais en effet, la violence exprimée dans ses terrifiants clichés promotionnels, s’incarner en action véritable à l’écran. Lacune pour certains, tromperie pour d’autres, cette absence, imposée, entérine pourtant bien malgré elle - bien plus que la punition des écarts de conduite d’une étudiante avec son professeur, et autres propensions lesbiennes ou simplement fornicatrices – la récupération des canons du slasher, qui se joue toujours, sous couvert de propagande de bonnes mœurs, d’un puritanisme hypocrite.

Puisque la censure malaisienne ne tolère pas plus les meurtres que le sexe à l’écran, James Lee, par obligation interprétée, substitue la mort elle-même à son exécution de rigueur, constate ses cadavres outragés avec une froideur toute médico-légale, et rend son film, bien que passif, plus violent qu’il n’y parait. Entre le massacre orchestré hors champs, ou dans un tremblement illisible, de quelques chipies gentiment lubriques par une créature polymorphe que l’on découvrira en carton-patte, et les instantanés morbides saisissants qui s’en suivent ainsi à plusieurs reprises, se crée un déséquilibre inattendu, suffisamment fondateur pour faire office, même involontairement, d’affirmation stylistique, d’une violence montrée au travers de ses seules conséquences.

Hors contexte et pour quiconque se repaît de l’outrage live et explicite, cette dualité, simple contournement d’un carcan très rigide, a certainement tout d’une maladresse, preuve flagrante d’un cinéma qui n’a pas les moyens d’expression de ses ambitions. S’il est évident que, à l’instar de ses jeunes actrices, Histeria renferme plus de charme désuet que de terreur ; s’il est plus attendrissant que remarquable ; j’y perçois tout de même pour ma part une preuve supplémentaire, de la capacité de James Lee à s’arranger des contraintes, à y puiser la force tranquille et l’identité, inévitablement culturelle, de son cinéma.

Histeria est disponible depuis peu chez nous grâce à Emylia. Je ne saurais trop vous conseiller de regarder le clip vidéo qui fait office de bonus sur le DVD !

- Article paru le lundi 4 octobre 2010

signé Akatomy

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