Histoires de fantômes chinois

Ning exerce un métier qui, quelles que soient les époques et quelles que soient les civilisations, n’a jamais été apprécié. Et pour cause, il collecte les impôts. Quand la pluie efface une partie de ses registres, il n’a d’autre choix que de se réfugier dans un temple abandonné pour les reconstituer. Il y rencontre un maître d’armes taoïste qui le met en garde contre la présence d’êtres venus de l’au-delà. Ning est attiré au milieu de la nuit par une musique enchanteresse, qui le conduit vers un pavillon où l’attend une Vénus (ou une Circé) chinoise, Hsiao-tsing. Mais la belle n’est plus de ce monde et un démon la force à séduire les hommes de passage pour qu’il puisse s’en repaître.

Dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, accéder au cinéma de Hong Kong dans ma bonne ville de Brest relevait de la gageure. Heureusement, au CE de la société pour laquelle mes parents travaillaient, je pouvais emprunter quelques titres en VHS, dont La Hyène intrépide, avec Jackie Chan. Il me restent quelques images d’un film, dont je ne me souviens plus du nom, mais dans lequel les acteurs portaient des capes et chevauchaient des voitures !

Les sorties en salles étaient rares, et chaque été, j’attendais avec impatience le Jackie Chan de l’année. Police Story est ainsi projeté sur les écrans de l’Hexagone en juillet 1987, soit près de 18 mois avant la sortie d’Histoires de fantômes chinois. Ce dernier film représente ma première rencontre avec le cinéma de Tsui Hark, dont on connaît l’influence en tant que producteur, tant sur ses productions que sur l’industrie de Kong Kong. Mélangeant folklore, fantastique et action grâce à des effets spéciaux alors dernier cri, le réalisateur/producteur hongkongais renouvelle les genre(s). Mais autant dire que pour moi à l’époque, je n’avais jamais entendu parlé de lui.

Revoir Histoires de fantômes chinois reste un plaisir intact. Film restauré ou pas, fantôme ou en chair et en os, Joey Wong, qui interprète Hsiao-tsing, envoûte Leslie Cheung et pas seulement lui. Elle continuera d’hanter les cinéphiles pendant encore des générations.

La maestria visuelle de la production Film Workshop, un choc à l’époque, reste impressionnante. Le duo Tsui Hark-Ching Siu-tung insuffle à ce film une vivacité et une énergie typiques de la belle époque du cinéma hongkongais de ces années. Cet aspect foisonnant, parfois excessif, de ce cinéma est ce qui fait tout son charme. Histoires de fantômes chinois passe de la comédie slapstick au film d’épée, en passant par la bluette romantique (même si le film possède une dimension érotique) et le film d’horreur, parfois passablement hardcore.

Mais cette technique et cette générosité, si agréables à l’écran, ne seraient rien sans les personnages, qui donnent toute son âme au film — y compris Hsiao-tsing. Si cette dernière captive d’abord par sa beauté envoûtante, sa relation avec Ning finit par nous toucher profondément. Elle est séduite par la naïveté touchante et la sincérité désarmante de Ning, à qui Leslie Cheung, décidément à l’aise dans tous les registres, prête tout son talent.

Le troisième personnage principal, le maître d’armes taoïste - aka pao-yeh pao-lo-mi - est le détonateur des scènes d’action. Arbitre du bien et du mal, sa présence renforce la dimension spectaculaire du récit. Son rap déjanté sous influence alcoolique est l’une des scènes cultes du film.