Hokori Takaki Chosen
La Nouvelle Vague version Fukasaku !!
Projection de cendres d’un volcan et le triangle de la Toei. Musique psychédélique : "You’re my man...". D’entrée de jeu, on sent que ça va swinguer !!
Kuroki est un journaliste d’investigation, à l’apparence de gangster. Bien campé sur ses jambes et sur ses principes, Kuroki a en horreur les japonais qui fricotent comme les américains ou pire avec les américains. Quand il croise de nouveau Takayama, homme influent et trafiquant notoire, il sent que quelque chose se trame sur les docks. D’autant plus que ses indics disparaissent et que son entourage plus proche est menacé.
Kuroki n’est pas du genre à se laisser faire. Toujours en vadrouille (il ne quitte jamais son imper !!), il enquête sans relâche, récupère toutes les informations qu’il peut, jusqu’à ce qu’il se rende compte que toutes ses pistes mènent à Takayama. Dès lors, un bras de fer titanesque s’engage entre le journaliste et le malfrat.
Kuroki est une espèce de Philip Marlowe, un homme bon qui n’hésite pas à aller risquer sa vie pour le grand black qui le renseigne et dont la compagne est japonaise. Le mélange des races et des couleurs tient à cœur Fukasaku puisqu’il en avait déjà fait la démonstration dans son premier long-métrage Hakuchu no Buraikan, avec la fin tragique que l’on connaît.
Mais ce qui est frappant dans Hokori Takaki Chosen c’est cette ambiance très Faucon Maltais qui y règne ; on a même parfois l’impression de croiser au détour d’une rue, Lino Ventura ou Michel Constantin !! Il y a déjà le noir et blanc qui procure l’atmosphère générale du film. Ensuite, il y a le costume deux pièces, la gabardine, et les lunettes de Kuroki. De plus, les comportements de Takayama et Kuroki alimentent l’ambiance. Puis il y a le reste, les mouvements de caméra, le montage, les cadrages, la musique qui ne peut nous faire penser qu’à celle de Pistol Opera du maître de l’Olympe Seijun Suzuki.
On assiste souvent à des décadrages et à un plein emploi de la profondeur de champ avec travelling circulaire et parfois, parfois des contre-plongées totales et excessives. Les raccords sont audacieux, les 180° sautent allégrement pour faire place à un travelling ou un pano ou tout autre mouvement de caméra totalement fou. Et quel final messieurs-dames, avec enlevage de lunettes et larmes (de compassion et d’humanité) aux yeux !
Pour le journaliste Kuroki, Kinji a fait appel (quoique vu la renommée du bonhomme, il fut sans doute imposé !!) à l’immense Koji Tsuruta qui s’entraîne pour le futur Guerre des Gangs à Okinawa (Bakuto Gaijin Butai /1971), à enlever et mettre ses lunettes de soleil en toutes occasions. Geste qui sera poussé à son paroxysme au lit dans la dite guerre des gangs. Kuroki devient journaliste au bout de 72 minutes d’enquête, c’est ce qui s’appelle vérifier ses sources !! Mais pour y parvenir il se conduira tel un policier, mais aux méthodes plus qu’expéditives, puisqu’il n’hésitera pas à menacer verbalement Takayama, corriger des américains saouls au passage, et à affronter les compatriotes gangsters de ces derniers, beaucoup mieux implantés et surtout organisés que les malfrats nippons.
En face, c’est un Tetsuro Tanba en petite forme, certes, mais qui reste à lui tout seul un monument du cinéma nippon. Acteur fétiche de Kinji Fukasaku, il participera à bon nombre de ses films. Le cerveau du hold-up international de Hakuchu no Buraikan, pêcheur revanchard dans Jyakoman to Tetsu, mercenaire pour l’honneur dans Yagyu Ichizoku no Inbo.
Plus maîtrisé que Du Rififi chez les truands (Hakuchu no Buraikan /1961), et moins anti-américain ou en tout cas anti-envahisseur, Hokori Takaki Chosen est un coup d’essai pour Fukasaku. En effet, pour ma part je conçoit la carrière de Fukasaku en plusieurs "cinémas". Il y a le cinéma de yakuzas (ce que pour quoi il est le plus célébré de par le monde), son cinéma blockbuster (Virus, Le Samouraï et le Shogun, Satomi Hakkenden et Battle Royale), le cinéma d’auteur (Kataku no Hito, Dotonborigawa, Omocha) et ses premiers films, noirs, empreints de références : Hakuchu no Buraikan, Okami to Buta to Ningen (Hommes, porcs et Loups /1964), Jyakoman to Tetsu (1964 et bientôt dans nos archives). C’est précisément cette dernière partie de son œuvre qui a servi au jeune réalisateur à faire ses armes et à peaufiner son art, jusqu’à parvenir au chef d’œuvre qu’est Okami to Buta to Ningen.
Une réalisation très risquée qui verse régulièrement dans l’expérimental, sert divinement bien le propos de Hokori Takaki Chosen. D’ailleurs j’aime à penser que tout ce que le cinéma possède comme subterfuges, Kinji en a fait sa propriété, l’a malaxé, l’a digéré et l’a régurgité pour nous livrer ce film. Bien qu’extrêmement référencé aux œuvres de la Nouvelle Vague, Hokori Takaki Chosen a une meilleure identité japonaise que le précédent long-métrage du maître. Film au scénario finalement pauvre en rebondissements, Hokori Takaki Chosen n’est clairement pas un chef d’œuvre à proprement parler, mais en définitive il insiste sur pas mal de théories qu’il développera dans la majeure partie d’une carrière exemplaire.
Hokori Takaki Chosen c’est par moment 10 secondes de cris stridents accompagnées de musique jazzy saturée, le tout illustré par des plans truqués et quelquefois assemblés à l’aide d’un montage névrotique. En tout cas, on est heureux de savoir que quand une japonaise fait sa valise, elle n’y met que des bas, des déshabillés transparents et une écharpe en fourrure.
Et puis un film dans lequel il y a une séquence avec des femmes en prison, c’est quoiqu’il arrive un bon moment de passé, n’est-il pas ?!!
ET VIVE MORZINI !!!!
DVD japonais (zone 2) édité par la Toei.
Un pressage anamorphique au noir et blanc superbe. Un excellent mono (d’origine) et pourtant ça gueule dans le film !! Il n’y a aucun sous-titres de proposés sur ce DVD.
Suppléments :
Une bande annonce ;
Une galerie de 10 photos originales ;
Le privilège d’avoir un Fukasaku en plus chez soi.




