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Japon

Hold Up Down

aka Hôrudo appu daun | Japon | 2005 | Un film de Sabu (Hiroyuki Tanaka) | Avec Junichi Okada, Gou Morita, Hiroshi Nagano, Masayuki Sakamoto, Yoshihiko Inohara, Ken Miyake, Yu Kashii, Ayumi Itou

Deux hommes en voiture semblent partager la même angoisse, la même appréhension ; et pour cause : après s’être grimés en Pères Noël, Sagawa Yutaka et Kimata Chouji braquent une banque à main armée. Alors que le premier vide le coffre, le second tient en joue les clients, parmi lesquels une jeune femme dont il s’éprend sur l’instant. Ressortis, les joyeux voleurs voient passer leur voiture, en route pour la fourrière... Ils détalent et s’enfoncent dans une station de métro, paniqués, et décident de planquer leur butin dans l’un des casiers de la consigne contre la somme de 300 Yens. Seulement voilà : leurs costumes sont trop étriqués et n’ont pas de poches, et leurs portes-monnaie sont restés dans la voiture... Coincés, ils évoquent même la solution de rendre l’argent et de s’excuser, en prétextant une blague maladroite, mais ils savent que c’est trop tard ; c’est pourquoi ils dérobent la monnaie de Sawamura Koichi, SDF musicien, pour payer la consigne. Celui-ci les prend en chasse, et au moment où les voleurs pénètrent dans le métro pour le semer, ils perdent la clé de la consigne en sa faveur... Le SDF tente de porter plainte contre eux dans un commissariat de quartier, mais prend soudain conscience que la chance lui a sourit. Dommage qu’il se fasse renverser par Hoshino Yuusuke, policier adepte des sports mécaniques et incapable de conduire autrement que pied au plancher. Son partenaire, Kiba Masamu, voit là l’occasion idéale de faire chanter le père de six enfants, qui pourrait par exemple lui offrir un nouveau flingue. A contrecoeur, Yuusuke accepte, et c’est alors qu’ils roulent à tombeau ouvert vers une forêt pour enterrer le malheureux que celui-ci se réveille en disant qu’il a soif. La surprise provoque un nouvel accident - avec un forcené muni d’une batte, recherché par la police - et le SDF est ejecté hors de la voiture. C’est Hiramatsu Masaru, prètre sur le point de mettre fin à ses jours parce qu’il se considère comme un échec - peut-être parce qu’il a mis le feu à une église ? -, qui récupère le corps du SDF dans une rivière, persuadé d’avoir reçu un signe du ciel en cette réincarnation de Jesus son sauveur...

Hold Up Down est la deuxième collaboration de Sabu avec les V6 après l’excellent Hard Luck Hero ; jeu de mot facile, le groupe constitue un moteur efficace pour le cinéma en mouvement du réalisateur, qui trouve ici, au sein de ses schémas classiques de courses et collisions, une voix religieuse nouvelle.

Bien qu’il reprenne le motif de couples de Hard Luck Hero, Hold Up Down ne traite pas tant, comme sans prédecesseur, de désir, que de regret et de pardon. Les trois couples protagonistes sont en effet, dans des géométries et proportions différentes, des pécheurs au degré de repenti variable. Yutaka et Chouji, qui ouvrent le film, en viennent très rapidement à regretter leur hold up, mais omettent qu’ils ont abusé de la personne de Koichi. Chouji pour sa part, en vient même à oublier qu’il a commis le moindre crime que ce soit, lorsqu’il rencontre Akai Rinko pour la seconde fois, son coup de foudre qui s’avère être flic et chargée de leur interrogation. Dans un twist assez inhabituel, tout deux sont des « densha otaku » - des fans de trains - et s’affirment comme des âmes sœurs, en marge de toute considération sociale. Yuusuke et Masamu eux, sont très clairement du mauvais côté de la barrière ; Masamu du moins, avec ses véléités « yakuziennes » et sa propension au chantage et à la violence armée - dans un pays qui ne l’est pas - n’est pas vraiment une figure trouble, et encore moins de repenti. Yuusuke est plus hésitant, schizophrène héritier de Tex Avery, père aimant mais monstre au volant, capable de regretter d’avoir renversé Koichi lorsqu’il est hors de son véhicule, comme de cracher sur le malheureux dès qu’il se retrouve dans la peau du conducteur. Masaru et Koichi enfin, constituent le couple le plus étrange du film. Le premier est un prêtre qui fait le mal, plus ou moins accidentellement, à chaque fois qu’il veut faire le bien. Mais il préfère se flageller et penser au blasphème que représente le suicide plutôt que d’oser implorer le pardon. Koichi enfin, n’est pas vraiment un pêcheur. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’il est simple d’esprit ? Il est néanmoins celui par lequel la nature des cinq autres s’affirme - et ce même s’il passe le gros du métrage congelé (et sentant le poisson, véridique), dans une posture effectivement très christique. Sans oublier que, quoiqu’il advienne, Koichi ne meurt jamais.

Pourquoi Sabu s’intéresse-t-il de si près à cette collision de culpabilités, admises ou non, reliées par Koichi certes, mais aussi par des protagonistes extérieurs comme Rinko ? Sans aucun doute pour emmener Hold Up Down vers son dénouement singulier, habile déclinaison de Shining dans un équivalent japonais de l’Overlook (l’occasion pour la magnifique Eihi Shiina de nous faire un clin d’œil en tant que fantôme sur le départ), où la rémanence d’une violence, incarnée dans tous et explicitée par Koichi, amène les V6 à extérioriser leurs culpabiltiés et frustrations et à s’affronter dans un combat dantesque de près d’un quart-d’heure. C’est l’une des premières fois que Sabu s’essaye de la sorte à l’action, et le moins que l’on puisse dire est que la scène tient du tour de force, jouant de l’architecture des lieux pour proposer plusieurs niveaux de combat simultanément, sans oublier d’utiliser Koichi, toujours congelé, en tant que surf humain... Virtuose, cette séquence est aussi l’une des plus singulières de l’œuvre de Sabu, la plus folle et onirique ; un paradoxe certains pour des combats qui lorgnent vers le cinéma grand public. C’est sans doute elle qui justifie le titre du film, que l’on peut interpréter en tant que retournement (« tenir le haut vers le bas »). Un revirement du réel vers le surnaturel, du vivant vers le transitoire, du paradis terrestre, spolié, vers un bien étrange purgatoire, précipité par la rencontre méprisante de tous les protagonistes avec un innocent authentique, et prétexte à la folie fantastique du réalisateur... A moins que ce combat pluriel ne soit que l’étirement démentiel de cette collision qui clôt régulièrement les oeuvres de Sabu.

Hold Up Down, assurément surréaliste, n’est peut-être pas le meilleur film de Sabu, mais il reste incroyable. De toute façon moi, dès que ses protagonistes se mettent à courir - ce qu’ils font généralement assez rapidement - je tombe sous le charme. Les V6 jouent bien leur rôle, Sabu nous donne l’occasion de revoir Yu Kashii (aaaaaah...), la scène de l’hôtel est merveilleuse... Ce n’est pas la première fois que nous le disons dans ces pages, mais loufoque ou simplement merveilleux, le cinéma de Sabu, c’est le cinéma du bonheur !

Hold Up Down est disponible en DVD au Japon, dans deux éditions sous-titrées en anglais : l’une standard, l’autre collector comprenant notamment le CD de la BO du film.

- Article paru le mercredi 23 mai 2007

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