Hôtel Singapura
Le dernier film du réalisateur singapourien raconte les histoires intimes des occupants de la suite 27 de l’hôtel Singapura, de 1942 à un future proche. Les clients viennent de pays divers et variés (Japonais, Coréens, Chinois…) et leur rapport au sexe diffère d’une époque à l’autre : amants homosexuels, japonaise trompant son mari... La plupart de ces histoires sont observées par le fantôme d’un musicien de pop mort d’une overdose dans l’hôtel dans les années 60. Son souvenir hante encore la femme de chambre qu’il avait charmée à l’époque et qui est le témoin de la transformation de l’hôtel.
Eric Khoo poursuit son exploration de la difficulté de la condition humaine. L’amour sous ses diverses formes est déjà très présent dans son œuvre ; Be With Me montrait ainsi le comportement amoureux de personnages à trois âges différents, mais aussi sa version compassionnelle en la personne de Theresa Chan. Hôtel Singapura traite plus particulièrement de la dimension charnelle de l’amour, le sexe étant le point commun de toutes ces histoires.
En effet, fidèle à ses habitudes, le réalisateur singapourien compose son film en racontant plusieurs histoires différentes et indépendantes - comme toujours certaines sont plus intéressantes que d’autres - et cette forme s’avère parfaitement adaptée pour ce projet.
Chaque histoire se déroule à une époque particulière et bénéficie d’un style spécifique, de l’épisode très flamboyant des années 1950 à celui bien plus glauque et seedy de notre futur. Ces contrastes entre les épisodes contribuent à la réussite de Hôtel Singapura.
En filigrane de son film, Éric Khoo raconte la brève histoire de la cité-Etat, ce qui échappera à la quasi-totalité des spectateurs. Mais certains épisodes s’inscrivent aussi parfois dans des phénomènes mondiaux, comme l’épisode de l’amour libre situé dans les années 60 et mettant en scène un groupe de pop. Les questions d’amour, de désir et de sexe abordées sont, elles, bien évidemment universelles. L’évolution historique est parallèle à celle de notre comportement vis-à-vis du sexe : l’homosexualité passe du placard au grand jour, le porno influence notre manière de faire l’amour...
Autre caractéristique du film portant la marque du cinéaste de Singapour, l’amour dans le film possède un côté chair triste. La difficulté de la condition humaine est en effet l’un, voire le thème majeur de son œuvre. Le film baigne dans une mélancolie certaine, véhiculée par le fantôme du musicien et la femme de chambre, seuls personnages vraiment récurrents et témoins muets de la transformation de la société et des mœurs.
Hôtel Singapura s’inscrit clairement dans la lignée de ses précédents films et les spectateurs qui les connaissent remarqueront plusieurs clins d’œil à ses œuvres antérieures. Un manga de Yoshihiro Tatsumi, sujet de son dernier film Tatsumi, apparaît ainsi dans la première histoire comprenant la femme japonaise infidèle. Et il me semble que Francis Bosco, le magicien de My Magic, fait son apparition vers la fin du film.
Hôtel Singapura sort sur les écrans français le 23 août.
Remerciements à Matilde Incerti et Jérémie Charrier.





