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Taiwan | Rencontres

Hou Hsiao Hsien

"Je veux filmer, capter le sillage de la vie."

Quelques jours après la projection du Voyage du ballon rouge, dont le naturel m’avait charmé, j’ai rencontré Hou Hsiao Hsien dans un bistro du treizième arrondissement au nom de circonstance, L’entracte. Le réalisateur taiwanais est revenu sur son expérience parisienne et plus généralement sur sa méthode de travail.

Sancho : Comment avez-vous découvert le film original, Le Ballon rouge, et pourquoi avoir décidé de l’adapter ?

Hou Hsiao Hsien : Quand j’ai commencé à préparer ce projet, je ne connaissais pas ce film. Mais lors de mes recherches, j’ai lu le livre d’un Américain, De la lune à Paris, dans lequel il raconte son séjour à Paris. Dans cet ouvrage, il parle du film d’Albert Lamorisse et du lien unissant le ballon rouge à l’enfant. J’ai trouvé qu’il s’agissait d’une bonne idée. C’est comme un esprit vieux de 50 ans qui viendrait habiter mon film.

A propos de la préparation du scénario, comment vous êtes vous approprié la vie des parisiens ?

J’ai d’abord trouvé les trois interprètes principaux : la mère, Juliette Binoche, le fils, Simon Iteanu, et la baby-sitter, Fang Song. Pour les lieux de tournage, j’ai vu l’appartement du producteur François Margolin, qui m’a plu avec ses deux étages. Il m’a aussi raconté ses relations difficiles avec son locataire. Une fois le décor choisi, je me suis promené dans le quartier pour trouver le café, l’école... J’ai ensuite poursuivi mes recherches en lisant beaucoup de livres d’étrangers ayant vécu à Paris. Dans De la lune à Paris, l’écrivain américain évoquait les flippers, les manèges, le ballon rouge. Un autre m’a inspiré la scène avec les déménageurs de pianos. Lors de mes déambulations dans Paris, j’ai aussi vu ces dessins de ballon rouge. A partir de tous ces éléments, j’ai créé une histoire. J’ai consacré entre trois et quatre mois à écrire le scénario, dont les deux premiers à lire dans un café, car j’adore lire. Je me suis beaucoup intéressé à la littérature française contemporaine, comme Trois jours chez ma mère et un livre de nouvelles se déroulant dans le métro.

J’ai beaucoup apprécié le naturel qui se dégage de votre film. Comment avez-vous travaillé avec les acteurs ?

Au départ, j’ai écrit le découpage de chaque scène, c’est-à-dire sa situation et son contenu. En revanche, je n’ai pas préparé de dialogues, ce qui était déjà le cas pour Café lumière, car je ne sais pas comment les français s’expriment. Le dialogue, c’est la réaction des acteurs. Sur le tournage, comme je ne parle pas français, un membre de l’équipe écoutait les dialogues et m’expliquait les phrases prononcées sur le plateau. Même quand je fais un film à Taiwan, Millenium Mambo par exemple, je n’écris jamais les dialogues. C’est ma méthode de travail avec les acteurs.

J’image que vous faites un travail de préparation avec eux avant le tournage ?

J’écris une histoire très détaillée des personnages. Pour que Juliette Binoche rentre dans la peau de Suzanne, je lui ai ainsi expliqué que sa mère avait beaucoup voyagé en 1968 et était partie en Belgique. Là-bas, il y avait une ancienne salle de cinéma où passaient beaucoup de films de la nouvelle vague française. Elle y a fait la connaissance d’un homme avec lequel elle a eu Suzanne. Mais comme sa mère aime bien bouger, ils se sont séparés. Dans le film, Suzanne raconte son enfance, sa vie dans la mezzanine et la séparation de ses parents. Suzanne a rencontré son premier grand amour à l’université et a donné naissance à Louise, que son grand-père a élevée à Bruxelles. Simon, lui, est né de sa liaison avec le deuxième homme de sa vie. Je lui ai également dit que le grand-père de son personnage était marionnettiste.

Pourquoi, une nouvelle fois, un de vos personnages principaux est un marionnettiste ?

Au cours des repérages, j’ai vu le théâtre de marionnettes au jardin du Luxembourg. J’ai ainsi découvert qu’en France, il existait une longue tradition de marionnettes. Mais comme pour le théâtre, nos façons de faire sont différentes. Chez nous, le théâtre de marionnettes, c’est comme l’opéra de Pékin. Les règles sont très strictes, on ne peut pas créer tout ce que l’on veut. J’ai trouvé cela intéressant et j’ai donc fait du grand-père de Suzanne un marionnettiste. Elle a beaucoup voyagé avec lui dans son enfance et s’est également engagée dans cette voie.

Pourquoi centrer de nouveau votre film sur une femme ?

Je trouve qu’actuellement les femmes sont plus intéressantes que les hommes. En Asie, nous n’avons découvert que récemment les femmes qui se marient très tard ou qui n’ont pas envie d’avoir d’enfants. Ces évolutions m’intéressent.

Pouvez-vous nous parler de votre manière de filmer ?

Je veux filmer, capter le sillage de la vie. Comment les gens vivent tous les jours. Par exemple, le petit garçon qui va à l’école, ce qu’il fait après l’école... Ainsi dans la première scène, Suzanne est allée chercher Simon et il y a un petit garçon qui regarde tout le temps la caméra. J’ai fait plusieurs prises, mais la première était la meilleure et je l’ai donc conservée.

Comment se passe votre collaboration avec votre chef opérateur, Lee Ping Bing ?

Je travaille depuis des années avec Lee Ping Bing. Nous n’avons pas discuté avant le film. Mais juste avant de tourner, en fonction du décor et de la présence ou non du soleil, nous décdioins de ce que nous allions faire. Et en général, nous avons utilisé très peu de lumière.

Quels sont vos projets après avoir tourné deux de vos trois derniers films à l’étranger ?

Je voudrais adapter une page d’une nouvelle à propos d’un assassinat. Cet événement se déroule sous les Tang. Je fait des recherches pour savoir ce qui se passe à cette époque afin de trouver la base de l’idée. A partir de là, je pourrais créer quelque chose de plus proche de la réalité.

J’ai trouvé qu’il s’agissait de votre film le plus accessible. Quelle est votre opinion ?

Un de mes amis est d’accord avec vous. Il m’a dit que depuis Three Times, mon cinéma est plus proche des gens. C’est peut-être parce que je vieillis.

Interview réalisée par Kizushii.

Remerciements à Matilde Incerti pour avoir rendu possible cette interview et à Chang Chu-Ti, assistante d’Hou Hsiao Hsien pour la traduction.

- Article paru le jeudi 31 janvier 2008

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