Hoy no tuve miedo
Deux sœurs, Ara et Marianela, et leur amie Lulù. Un père qui brille par son absence, et un quotidien qui ne brille en rien. Un film qui décide de s’en faire le reflet tout aussi terne, quitte à faire passer Ken Loach, à ses débuts, pour le mentor de Michael Bay. Voilà comment nous pourrions décrire, si nous étions mauvaises langues, la première partie de Hoy no tuve miedo (d’ailleurs, non seulement nous n’avons pas eu peur, mais nous n’avons rien ressenti du tout, si ce n’est de l’exaspération). Et nous sommes mauvaises langues, parce que ce résumé subjectif – encore que – omet de mentionner l’incroyable projet universitaire – et donc chiant – de ce deuxième long-métrage d’Iván Fund. Dans sa seconde partie, Hoy no tuve miedo propose de s’éloigner de cette ultra-réalité en gros plan, de délaisser le peu de trame à l’écran, pour observer le tournage de cette intimité qui explose donc, qui l’eut cru, en tant qu’authentique œuvre de fiction documentalisante. De la mise en abime, de l’artifice cinématographique, de l’ennui – tout un traité.
Je déteste pourtant dire du mal, et surtout ne dire que du mal, d’une œuvre, quelle qu’elle soit – n’est-ce pas l’un des reproches souvent fait à Sancho ? Néanmoins, face à un tel édifice, je me retrouve pris au dépourvu, partagé entre l’envie de discuter avec le réalisateur (pour comprendre) et celle de l’expédier ad patres. Il faut dire aussi que pour couronner le tout, je me suis retrouvé lors de la projection du film – en compétition dans un festival de renommée internationale, damnède ! – dans la situation décrite à l’occasion de la vision de P-047 ; à savoir, luttant contre l’endormissement. Mais, Sieur Fund étant présent, et comme je suis bien élevé, j’ai combattu une heure durant le sommeil, pour finalement voir mes efforts réduits à néant. Fier d’avoir recollé les morceaux assez peu intéressants de cette intimité bizarrement amoindrie, presque méprisée par la proximité ternissante, j’explose lorsque, armé de son protocole expérimental, Fund l’envoie paître au nom d’une quelconque étude de rapport entre le spectateur, la fiction, le réel et l’emmerdement.
De ses propres mots, le jeune réalisateur souhaitait observer la réaction du spectateur au moment de cette fêlure cinématographique. Thumbs up, jeune homme : la scission est consommée. En franchissant avec mauvais goût le quatrième mur, Hoy no tuve miedo sombre dans la pathologie nombriliste, oublie d’être généreux pour devenir sombrement prétentieux et abscons. La narration – ou le peu qui en était esquissé – s’efface complètement, les protagonistes deviennent de parfaits anonymes, et ce making of brouillon d’un film qui n’existera finalement jamais, porté par le brouhaha de la prise de son directe, assomme le plus appliqué des étudiants (j’accepte de m’en occuper le cas échéant).
Bien sûr, il y en aura toujours pour s’émerveiller d’une telle audace, car rarement le cinéma aura été ainsi abordé sur grand écran. Il y avait certainement une raison à cela. Et pourtant, j’ai sincèrement le sentiment d’être une personne ouverte d’esprit. La preuve : alors que j’ai lutté jusqu’au bout, dans l’espoir d’un dénouement d’un intérêt quelconque, la quasi-totalité des spectateurs elle, a pris la fuite. Reste que le film ouvre la porte d’une rencontre hypothétique, quand j’aurai le temps et s’il en éprouve l’intérêt, avec M Baron, programmateur du Festival des 3 Continents. Parce que, parfois, je l’avoue, la cinéphilie totale m’échappe.
Hoy no tuve miedo a été présenté en compétition officielle au cours de la 33ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes, 2011).



