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Hors-Asie

Ils

France | 2005 | Un film de Xavier Palud & David Moreau | Avec Olivia Bonamy, Michaël Cohen

Le problème avec le népotisme, c’est que quand ça commence à se voir, le peuple a tendance à faire preuve de mauvais esprit. Prenez Ils, par exemple. Et bien quand on sait juste qu’il s’agit d’un film d’horreur (d’angoisse préfèrent dire ses auteurs) réalisé par les fils respectifs d’Hervé Palud (Un indien dans la ville, La gamine avec Johnny « Optic 2000 » Halliday, Mookie avec Eric Cantona et une singe flatulent, sans oublier l’immense Les secrets professionnels du docteur Apfelglück) et Jean-Luc Moreau (bien connu des amateurs de boulevard... la mise en scène des dernières pièces de Laurent Ruquier, c’est lui) on se dit que c’est un peu comme si le fils de Brigitte Bardot devenait PDG de Charal ou que le rejeton de Laurent Fabius se rêvait chef d’entreprise (ah non, tiens, là ça marche pas).On se pose des questions sur leur légitimité, vous voyez. Est-ce qu’on a tort ? Je laisserai le peuple répondre à ma place...

Essayons donc de faire la critique de ce film sans trop d’a priori, pensons bien fort à un certain Aja qui lui, sans renouveler le genre qu’il adore, parvient néanmoins à nous refiler des péloches remplies de sang et de fureur au potentiel érectile certain, bien que son père ait été quasiment incapable de nous pondre un seul film potable. Basons-nous sur le seul critère objectif qui prévaut lors de la vision d’un film d’horreur : est-ce que ça fout la trouille ou la pression ? Est-ce que ça déclenche quelque chose physiquement ?
Non.
Merde, raté.

Pourquoi ? Ben disons que la forme du film (on va suivre ¾ d’heure durant la traque d’un couple, à leurs côtés), sa mise en scène ne respecte pas les bases élémentaires du genre dans lequel elle veut s’inscrire. Elle n’a aucune idée du précepte selon lequel dans le cinéma qui fait peur, c’est le hors-champ qui fait peur. Je m’explique. La réalisation du duo se base sur la captation quasi-documentaire du calvaire des deux proies (en HD... si ça c’est pas une preuve). Elle est avec elles, elle les observe avoir peur, s’enfermer, tenter de s’enfuir... sans jamais se départir d’un point de vue qu’elle voudrait identifiable comme présent à l’intérieur même de l’action. Et ça foire, parce que malgré ce que l’on pourrait croire, dans les grands films de pétoche, c’est le plan neutre qui déclenche la panique. Le plan focalisé zéro (en complément bien sûr de vues subjectives bien senties). Celui qui embrasse suffisamment d’espace, donc de hors-champ pour que le danger puisse se faire un minimum sentir. Ici, constamment collés aux deux victimes, impossible d’appréhender le danger qui les menace. Tout se passe dans le jeu des acteurs, ce qui, à mon sens, limite quand même pas mal les choses. D’ailleurs, comme s’ils étaient conscients de l’aberration de leur choix de mise en scène, Palud et Moreau nous cachent les bourreaux jusqu’à la toute fin, comme si, incapables de les faire s’inscrire jusqu’à présent dans le hors-champ, ils attendaient l’ultime mouvement du film pour nous les montrer. Bon, peut-être aussi pour garder la surprise intacte, mais à ce moment-là, ils n’ont qu’à créer un nouveau genre - le film de surprise - et on y verra plus clair. Je les ai aussi entendu dire avoir eu envie de jouer sur l’attente. Bon, là c’est réussi. C’est très long. Ca dure à peine une heure et on a l’impression du double. (Remarque de la défense qui n’aime pas le ton de critique facile que prend l’article : ) En même temps, cette espèce de dilatation temporelle est intéressante, ça veut peut-être dire que nos repères aussi sont brouillés, que lorsqu’on est confronté à cette situation, la notion du temps nous échappe... (L’article : ) Non, c’est juste que c’est long parce qu’on attend, on attend, on attend, on attend, on attend, on at... Aaaaah... ah non, rien. (La défense, humiliée : ) Ah, zut.

Pour rendre justice aux acteurs, ils s’en sortent assez bien, contrairement à leurs personnages qui eux vont morfler jusqu’au bout. Le seul problème, et là, c’est peut-être le travers de l’analyste qui va prendre le dessus, c’est que les auteurs ont choisi deux comédiens juifs pour interpréter ces proies et, tant dans le traitement qui veut qu’on ne voie jamais leurs agresseurs (donc une menace invisible) que lorsqu’ils se retrouvent à tenter de franchir le grillage qui les sépare d’un possible salut, il est difficile de ne pas y voir une métaphore sur la persécution supposée s’abattre depuis la nuit des temps sur le peuple sémite (et je précise de suite que le « supposée » n’occulte en rien les véritables horreurs passées, Shoah en tête). Je dis juste que lorsqu’on n’a comme unique identification deux personnages juifs et qu’on les voit tenter de franchir un grillage alors qu’à leurs trousses se baladent les inquiétantes lumières des lampes torches, l’esprit a vite fait de faire la relation. Et sans doute que c’est sain sur le plan moral, mais pour l’image du peuple juif, au final, ça me semble un brin dangereux car on risque presque de ne plus voir que ça en eux. Des victimes. Et je suis pas sûr que cette vision fera avancer les choses. Je pense même que c’est le travers dans lequel le devoir de mémoire ne doit pas tomber car ses conséquences pourraient s’avérer presque aussi désastreuses que celles de l’antisémitisme : celles d’un cliché ayant pour but de rabaisser ceux qu’il vise.

Ils est sorti sur les écrans français le 19 juillet 2006.

- Article paru le jeudi 26 octobre 2006

signé René Gateau

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