Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Thaïlande | Festival des 3 Continents 2006

Innocence

aka Dek Toh Thaïlanda | 2005 | Un documentaire de Areeya Chumsai et Nisa Kongsri

Dans les montagnes du nord de la Thaïlande, à 76 kilomètres de Chiang Mai, Ban Mae Toh est le seul pensionnat de la région de Sameang. L’école a ouvert ses portes en 1981 avec seulement dix élèves et deux professeurs. Au fil des années, le directeur de l’école, le « Principal » Prayoon Kamchai, a réussi à faire agrandir Ban Mae Toh pour accueillir aujourd’hui plus de 300 élèves, des enfants des tribus montagnardes venant parfois de plus de 100 kilomètres, avec l’aide de 16 professeurs. Ban Mae Toh accueille désormais les enfants jusqu’à la troisième ; un cycle qui se conclut avec un véritable diplôme, mais aussi avec un voyage exceptionnel de plus de 1000 kilomètres, pour que les enfants découvrent enfin l’océan. Un projet éducatif qui est donc avant tout humain, et vise à donner autant d’enseignement - les enfants ne parlent pas thaï lorsqu’ils arrivent à l’école - que d’espoir et de rêve. C’est dans le quotidien de cet établissement hors du commun, puisque les enfants y vivent à temps plein ou presque, que nous entraînent Areeya Chumsai et Nisa Kongsri ...

Innocence est un documentaire touchant, issu de la collaboration de Nisa Kongsri (assistante réalisatrice sur l’excellent One Night Husband de Pimpaka Towira) et Areeya Chumsai. Cette dernière a eu l’idée de faire le documentaire lorsqu’il y a quelques années, elle a rencontré le principal de Ban Mae Toh, accompagnant ses élèves à la découverte de l’immensité de l’océan. Si Innocence est le premier film de cette jeune femme née aux USA, Areeya Chumsai est loin d’être une inconnue en Thaïlande. Miss Thaïlande en 1994, le modèle profite de la fin de son règne pour enseigner l’anglais à l’université et devenir journaliste, avant d’entrer dans l’armée pour enseigner auprès des soldats ; une expérience qui a servi de base à son roman Bootcamp, le deuxième après le best-seller Popspeak. Ce n’est qu’après la sortie de son quatrième livre en 2002, qu’Areeya Chumsai part étudier l’écriture cinématographique à New York. Innocence est ainsi né d’un scénario présenté par la jeune femme et Nisa Kongsri au festival de Pusan en 2003. Si je vous raconte tout ça, c’est parce que la réalisatrice - qui accompagnait chaque projection du film lors de l’édition 2006 du Festival des 3 Continents - semblait être une adolescente pleine d’enthousiasme, une « débutante » au sourire angélique, généreuse, modeste. D’où l’étonnement qui fut le mien, à la découverte de son impressionnant CV.

« Générosité » est bien le maître mot de ce projet ; celle-ci provient certes des réalisatrices, qui se sont investies pour tourner ce film au cœur des montagnes du nord de la Thaïlande, afin d’en reverser les profits au pensionnat, mais avant tout des personnes que nous avons la chance de rencontrer au cours d’Innocence. Il règne au cœur de cette école un bien être étonnant pour qui connaît les cours d’écoles occidentales, sans la moindre opposition ou aggressivité, chacun étant au service des autres, aux côtés des autres, pour le bien commun. Pourtant, ce ne sont pas les situations de rivalité qui manquent, comme l’illustre la séquence où les élèves, pour pouvoir payer les quelques dollars nécessaires au voyage de fin d’année, aident des paysans à planter des oignons dans les champs. Les enfants sont payés au nombre de seaux vidés ; l’un d’eux, un jeune garçon incroyable en dépit de son autisme léger -, réussit à planter deux fois plus d’oignons que tout le monde, mais tous sont heureux dès lors qu’ils ont le nécessaire. Par définition, tout le reste est superflu.

Du superflu, il n’y en a pas plus dans Innocence que dans le monde qu’il dépeint. Pas de paysages merveilleux au détriment des Hommes - le film est de toute façon tourné en DVcam - ou de parenthèse politico-sociale opportuniste. A l’image de la dévotion quasi-religieuse du Principal et de son équipe pour les enfants, Innocence est un film qui veut les regarder vivre, capturer l’espoir qui leur est offert à Ban Mae Toh pour mieux susciter l’attention, honnête et non pathétique, de ceux qui voudraient soutenir le projet. Un projet éducatif et social, certes, mais avant tout humain, fait d’émotions partagées et d’amour ; cet amour que portent les réalisatrices sur les yeux d’enfants qui découvrent pour la première fois, que le monde hors de leurs montagnes est sans limites. Car comme l’explique le Principal, dont nous avons tous mille choses à apprendre, la meilleure façon d’enseigner à des enfants est avant tout de les aimer, comme les siens. C’est ce que fait Innocence, et son émotion, incroyablement palpable (le cancer du Principal, le départ de l’un des professeurs, l’arrivée à la mer), est simplement et superbement contagieuse.

Innocence a été diffusé au cours de la 28ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes), dans la section « Notre année de cinéma ».

- Article paru le mardi 5 décembre 2006

signé Akatomy

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