Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Philippines

Itim

aka Itim, les rites de mai | Philippines | 1976 | Un film de Mike De Leon | Avec Charo Santos-Concio, Tommy Abuel, Mario Montenegro, Mona Lisa, Sarah K. Joaquin, Susan Valdez-LeGoff, Moody Diaz

Deux sœurs.

Jeune photographe installé à Manille, Jun retourne dans sa ville natale pour rendre visite à son père, un ancien médecin devenu mutique et paralysé. Il profite de ce séjour pour réaliser un reportage photo sur les rites célébrés à l’occasion de la Semaine sainte. Au sein de la foule des fidèles, il est captivé par la jeune et ravissante Teresa. Ils se lient d’amitié alors que cette dernière traverse une période difficile après avoir perdu sa sœur Rosa.

Mike De Leon a fait de son personnage principal un photographe. Pour la petite histoire, il est équipé du premier appareil de la mythique série F de Nikon, qui pend également au cou de Thomas, personnage principal de Blow-up, l’un des films préférés du réalisateur. Ce choix de métier n’est pas seulement la coquetterie cinéphile d’un hommage à Michelangelo Antonioni. La photographie véhicule le thème du double, qui structure Itim. Le négatif et le film représentent la même chose, mais point très important pour les personnages principaux, ils ne sont pas absolument identiques.

Enfermé dans sa chambre noire, Jun utilise un révélateur pour transformer l’un en l’autre. Mike De Leon donne à son personnage ce rôle. Le jeune homme se retrouve dans la vaste maison familiale, où habite seul son père, veuf, en compagnie d’un couple de domestiques. Le soir venu, elle est pratiquement plongée dans l’obscurité, devenant une chambre noire à taille humaine. Le titre Itim fait d’ailleurs référence à cette couleur.

Mike De Leon, photographe de Manille de Lino Brocka, a apporté un soin particulier à l’apparence visuelle de son film. Si Lino Brocka est plus connu, les deux hommes ont contribué au renouveau du cinéma philippin à la fin des années 70. La photographie low key des scènes situées dans la maison transforme cette demeure bourgeoise en un lieu où se dissimule un sombre secret.

Dès la première nuit, Jun est troublé par l’atmosphère de la maison : bruits mystérieux, apparition fantomatique... Possédée par l’esprit de sa sœur, Teresa est attirée par cette bâtisse.

Progressivement, la vérité sort de l’ombre sur la face cachée du père. Trouvant un magazine comportant des photos de modèles nus, la bonne récrimine contre les vices du fils, qui semble suivre le chemin de son père, dont on comprend qu’il a été un séducteur.

En opposition avec les scènes dans la maison, celles en extérieur mettent en avant le blanc, sous la forme de divers procédés : vêtements, images saturées…

La Semaine sainte pendant laquelle est commémorée la Passion du Christ est une période clé de l’année liturgique. En se sacrifiant, Jésus abolit la séparation entre la vie et la mort, cette dernière devenant aussi synonyme de vie éternelle.

La Passion du Christ est vécue intensément par cette communauté, qui va jusqu’à reconstituer le chemin de croix, véritable flagellation comprise. Ces démonstrations spectaculaires de leur foi ou plus intimes dans des églises contribuent à l’atmosphère particulière et très réussie du film.

La paroi est poreuse entre superstition et religion, autre dualité d’Itim. La très croyante mère de Teresa et de Rosa fait appel à une spirite pour comprendre la raison de la disparition de sa fille.

Derrière le thème du double se cache celui sur la possibilité de tracer sa propre voie. Jun ne se comportera pas comme son père et Teresa ne subira pas le même sort que sa sœur : Rosa.

Ce film d’horreur gothique échappe aux solutions faciles et aux frayeurs spectaculaires, si ce n’est dans le dénouement final. Dans Itim, Mike De Leon fait de Rosa à la fois la victime du bigotisme et du machisme de la société philippine.

Itim est disponible chez en Blu-ray chez Carlotta Films au sein d’un box consacré au cinéaste philippin. Il contient 7 autres films : C’était un rêve, Kakabakaba Ka Ba ? (Frisson), Kisapmata, Batch ’81, Le Paradis ne se partage pas, Héros du tiers-monde et Citizen Jake.

- Article paru le lundi 24 avril 2023

signé Kizushii

Singapour

Les Étendues imaginaires

Chine

Au Carrefour

Inde

Bollywood à Beaubourg

Iran

Fireworks Wednesday

Tadjikistan

True Noon

Hors-Asie

Sunset Boulevard

articles récents

Chine

Jeunesse : Les Tourments

Hong Kong

Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive

Japon

La Harpe de Birmanie

Japon

La Vengeance de la sirène

Japon

Le Pavillon d’or

Chine

Les Feux sauvages