Jan Dara
La mère de Jan (Suwinit Panjamawat à 17 et Eakarat Sarsukh à 20) meurt en mettant au monde ce dernier. Dès lors, le père de Jan, Khun Luang (Suntituk Promsiri) va s’employer de tout son être, et lui faire subir toutes les humiliations (surtout psychologiques) possibles et connues à ce jour. Allant même jusqu’à faire l’amour sous ses yeux à plusieurs reprises.
Heureusement pour le jeune garçon la sœur de sa mère décédée Waad (Vipavee Charoenpura) vient habiter dans la demeure familiale. Bien vite celle-ci cède devant la libido exceptionnelle du maître de maison. Dès la naissance de sa demi-sœur Khun Kaew (Patavarin Timkul), son père va s’employer à lui faire détester son propre frère. Jan a grandi, il a maintenant 17 ans, et lorsqu’il ressent le besoin de se confier il se tourne soit vers sa tante Waad, soit vers le fils du cuisinier Khen (Kanchit Thamtong). Ce dernier a vite fait de le débaucher et lui fait connaître ses premiers émois dans les bras de sa propre petite-amie (Sugunya Kongkawong). Tout ce qui manque à Jan, c’est une véritable histoire d’amour, et cette histoire va s’appeler Hyacinth. Dans le même temps, son père décide d’installer dans le mausolée consacré à sa femme défunte, une de ses premières maîtresses : Boonluang (Christy Chung). A l’arrivée de celle-ci, toute la maisonnée change. L’atmosphère déjà assez moite devient encore plus étouffante, et cela en plus de la chaleur. Les sens s’émoustillent et les esprits s’échauffent.
Christy Chung démarra sa carrière d’actrice dans The Bride with White Hair 2. Elle devient très vite populaire à Hong-Kong, d’une part grâce à sa plastique irréprochable (et aussi son sourire), et d’autre part en jouant dans des films tels que Love on Delivery (Lee Lik-Chee /Stephen Chow) ou encore Bodyguard from Beijing avec Jet Li. Puis elle décida de se marier avec un anglais - idée saugrenue (avis tout à fait personnel) - et eut une fille Yasmine. Bien heureusement ce mariage cessa très vite et elle revint au cinéma. En 2001 elle fut élue la mère célibataire la plus sexy d’Asie par le FHM anglais. Outre d’avoir tourné dans plus de 20 films, Christy Chung parle couramment le cantonnais, le mandarin, l’anglais, le français et le vietnamien ; les plus simples en somme. En 2001, l’occasion lui a été donnée de jouer dans un film thaïlandais de Nonzee Nimibutr ; ce qui lui permet à ce jour d’ajouter des notions de thaïlandais à son C.V. Pour terminer, rappelons que Christy va jouer dans un film indien du nom de Samara et va donc apprendre à parler l’hindi. Dernier fait important : figurez-vous que Christy a sorti un recueil de photographies, assez dénudées : Feel... Christy Chung, livre très cher mais drôlement intéressant. Un DVD du making-of étant mis en vente dans la foulée.
Fils du réalisateur Chen Tung-Min, Peter Chan émigra avec ses parents en Thaïlande. Puis en 1980, il partit étudier aux Etats-Unis et revint à Hong-Kong à l’âge de 21 ans pour devenir assistant réalisateur sur des productions telles que Heroes Shed no Tears de John Ng Yu Sam (Woo), ainsi que sur des Jackie Chan (Armour of God). Puis après un passage chez Impact Films en tant que producteur, il réalisa Alan and Eric : Between Hello and Goodbye. Le succès de sa première œuvre le convainquit de vraiment se lancer à fond dans le cinéma indépendant. C’est ainsi qu’il créa, en 1992, avec Eric Tsang et Claudie Chung la United Filmmakers Organization : U.F.O. Peter Chan fut sacré meilleur réalisateur deux années consécutives en 93 et 94 : He ain’t Heavy, He’s my Father et He’s a Woman, She’s a Man. En 1996, son film Comrades, Almost a Love Story connut un triomphe aussi bien critique que financier. Sa dernière réalisation en date s’appelle Love Letter. Peter Chan est, depuis deux ans, retourné aux Etats-Unis où il tourne son nouveau film.
Adapté du livre The story of Jan Dara de Utsana Pleungtham, Jan Dara est un hymne au désir. Désir charnel, désir amoureux ; mais aussi plus négativement, désir de vengeance, désir de survie. Charnel car cette demeure possède un réel pouvoir sexuel. Tout tourne autour du sexe ou plutôt de l’acte en lui-même. Le maître des lieux Khun Luang, après la mort de sa femme, démissionne et passe son temps à forniquer tout ce qui bouge : sa belle-sœur Waad, les servantes, la compagne de sa fille Saisoi, et sa maîtresse Christy. Khen, le fils du cuisinier et meilleur ami de Jan, transforme la maison des servants en maison de plaisir et constitue un véritable harem autour de lui et de son jeune maître. Une tension sexuelle se fait sentir entre tous les personnages du film : Jan/Hyacinth, Jan/Waad, Jan/Boonluang, Jan/Khen, Khen/Kaew, Khen/Sasoi, Sasoi/Luang, Sasoi/Kaew, Kaew/Boonluang. Les sentiments s’entremêlent et des rapports homosexuels font leur apparition. Le sexe est le véritable fil conducteur du film.
Nonzee Nimibutr est définitivement un cinéaste de la femme. J’en veux pour preuve la place prépondérante qui est donné aux femmes, au travers de plusieurs rôles féminins plus fort les uns que les autres. Tout d’abord la mère de Jan, qui lui donna naissance et le laissa démuni face à la rage de son père. Puis sa tante qui lui donnera l’amour maternel dont il a été privé, et qui fut remplacé par une haine paternelle sans limites. Haine qui n’aboutira qu’à fausser à tout jamais ses rapports avec la gente féminine. Il n’a jamais su comment s’y prendre avec les femmes. Lorsque sa tante le prend dans ses bras pour la première fois, Jan, alors âgé de 12 ans, croit que pour montrer son affection à sa tante il doit mimer le rapport sexuel. Par la suite, il y a sa belle-mère Boonluang, qui lui fait découvrir le désir et le plaisir de ne faire qu’un avec une femme. Ensuite, il y a sa sœur, ou plutôt sa demi-sœur, ou plutôt la fille de sa tante et de son père adoptif. Cette dernière fut éduquée de manière à détester Jan, et prit, tout au long de sa vie, un malin plaisir à faire souffrir Jan, sa mère et tous ceux qu’elle ne supportait pas ou plus. Et enfin, dernier personnage et pas des moindres, sa petite amie Hyacinth, avec qui il pensait vieillir.
Outre cela, Jan Dara est aussi un film sur l’amour et la loyauté. L’amour adolescent (sans doute le plus beau) entre Jan et Hyacinth. Comment oublier la scène ou Jan raccompagne sa jeune amie chez elle et préfère prendre la manche de son pull plutôt que sa main : tout le mystère et la complexité de l’amour sont ramenés en un seul plan. L’amour maternel est lui aussi sublimé. Waad (la tante) élève Jan comme son fils et se rend compte qu’elle l’aime plus que sa propre fille.
La loyauté est elle aussi portée à son paroxysme. Les liens unissant Jan et Khen restent très forts. La loyauté entre Jan et sa petite amie est mise à rude épreuve. Hyacinth demande à Jan s’il a fumé. Celui-ci pour toute réponse, lui demande si elle sent l’odeur. Et là par cet aveu innocent, Jan se rend compte qu’il vient de lui avouer qu’il venait de faire l’amour avec une femme, et donc qu’il ne lui avait pas été fidèle.
Dernier point qu’il est intéressant de souligner : les similitudes de destin qui existent entre le père Khun Luang, la sœur Khun Kaew et Jan Dara. Après un exil forcé de plusieurs années, Jan est rappelé par sa tante pour épouser sa demi-sœur, qui est tombée enceinte. A ce stade, Jan croit tenir sa revanche sur cet homme qui l’a torturé durant des années, et lui demande de faire de lui son unique héritier. Devenu maître des lieux à son tour, Jan se marie dans les mêmes circonstances que son "père". En effet, lui aussi avait épousé sa mère alors qu’elle était enceinte. Jan, à l’image de son père qui n’a pu épouser Boonluang, n’a pu s’unir à celle qu’il aime. A côté de cela, Jan hérite de la libido "paternelle" et se met à coucher à tout va. Puis devient impuissant tout comme l’ancien maître de maison. C’est donc une revanche au goût amer car il ressemble, en tous points, à l’homme qu’il a détesté toute sa vie. Et chose inattendu, la seule héritière biologique de Khun Luang n’est autre que sa propre progéniture Khun Kaew. Cette dernière cédera à son penchant lesbien et se constituera autour d’elle un harem ; tout comme son père et son "frère" en leurs temps.
Qu’ajouter de plus sinon qu’une lumière aussi somptueuse, de Nattawut Kittikhun, n’a été vu que chez Terrence Malick en 1978 dans ses Days of Heaven (éclairé par Nestor Almendros). Une musique de Chartchai Pongprapapan (violoncelle) juste, enivrante, pure : grandiose. Et quel plan final !!! Ne nous voilons plus la face il ne s’agit plus d’affirmer : "c’est un chef d’œuvre et une fois de plus il provient d’Asie." Non cessons tout cela et rendons nous à l’évidence : le Japon, la Corée, la Chine, Hong-Kong, la Thaïlande... nous sommes devant UNE SUPREMATIE CINEMATOGRAPHIQUE ASIATIQUE...
DVD Universe sublime, au 5.1 convenable mais au surround plus efficace. Des sous-titres anglais et une bande-annonce en supplément unique. Dommage !!




