Jeepers Creepers
De retour de leur première année en université, les enfants Jenner, Trish (Gina Philips) et Darry (Justin Long), décident de prendre une route de campagne pour effectuer leur périple afin de changer les idées de la frangine, plus ou moins traumatisée par une relation douloureuse. Alors que l’asphalte défile linéairement sous leurs yeux, ils sont attaqués une première fois par un étrange camion qui manque de les faire sortir de la route. Quelques temps après, les deux voyageurs croisent une maison isolée devant laquelle ledit camion est garé ; en sort une silhouette menaçante vécue d’un long imperméable et coiffée d’un grand chapeau, qui jette des "colis" dans un tuyau qui ressemble à un accès aux égouts. Des colis de taille humaine, drapés, ficelés, et tachés de rouge... Trish et Darry ont à peine le temps de réfléchir à l’éventualité qui se dessine dans leurs esprits, que l’homme regagne le volant de son camion pour les reprendre en chasse, beaucoup plus violemment cette fois. Seul moyen de lui échapper : quitter volontairement la route. Et les deux adolescents de se retrouver dans un champ. C’est alors que, en dépit du bon sens, Darry décide d’avoir le cœur net en allant jeter un coup d’œil au fond de ce vieux tuyau rouillé. Sa chute au fond du trou marquera le début d’une course-poursuite très particulière, opposant Darry et sa sœur à une entité acharnée à l’objectif aussi précis qu’incompréhensible...
Tous les fans de cinéma d’horreur entendent sans doute parler de Jeepers Creepers depuis un bon moment déjà. En effet, les critiques de tous les pays ne cessent de s’extasier devant la dernière réalisation de Victor Salva ; ce dernier n’étant pas exactement un inconnu étant donné que son Powder (1995) - qui mettait en scène un Sean Patrick Flanery albinos aux pouvoirs étrange - avait laissé les mêmes critiques (et le public aussi, d’ailleurs) pour le moins perplexes. Pour le coup, tout le monde y va de ses louanges, portant l’auteur-réalisateur à des nues semblables à celles connues par Guillermo Del Toro à l’époque de Cronos, et surtout de Mimic. Meilleur film d’horreur sorti en salles depuis dix ans ? Je ne sais pas trop. Il faut dire aussi qu’il n’y a pas eu tant de films d’horreur que ça sur grand écran au cours de ce laps de temps. C’est peut-être bien possible, en fait. Ce qui est certain, c’est que Jeepers Creepers est bon - très bon même. Explications.
Vous aussi, vous êtes fatigués des éternels couples antagonistes qui finissent amoureux, tous sortis de l’imaginaire en série de la télé US ? Ca tombe bien, ici le couple de protagonistes entretient une relation familiale (non incestueuse, hein). Agressés par un camion sans visage (Duel, anyone ?), nos héros se retrouvent à explorer une maison lugubre dans le trou du cul de l’Amérique rurale. Darry y découvrira un certain "artisanat" local, macabre et foncièrement organique, avant de devenir l’objet de l’obsession d’un monstre hors-du-commun... Le schéma ne vous rappelle rien ? Le film d’horreur le plus pur de tous les temps peut-être, le chef-d’œuvre de Tobe Hooper, Massacre à la Tronçonneuse (Texas Chainsaw Massacre - TCM), ni plus ni moins ! Et oui, hormis le Duel pré-cité, si Jeepers Creepers doit s’apparenter à un autre film de genre, c’est de TCM qu’il s’agit. Enfin un réalisateur qui a l’intelligence de réattaquer le genre cinématographique le plus éculé qui soit par ses racines ! Cependant, Victor Salva offre un cadre familier pour mieux dérouter sans arrêt le spectateur. De la plaque d’immatriculation du camion du Creeper (BEATNGU) à la chanson éponyme qui doit, en théorie, condamner nos héros, Salva lance autant d’éléments qu’il en faut pour construire une ambiance, mais ne nous laisse jamais le temps de les interpréter, préférant augmenter le suspense en travaillant l’évolution de son superbe anti-héros.
Car, aux côtés de cette ambiance esquissée mais jamais explicitée, le véritable atout du film, c’est cette créature protéiforme qu’incarne le Creeper. Réminiscence des films Universal croisée avec les slashers des années 80, la créature de Salva est bel et bien unique dans notre bestiaire cinématographique, et lui permet d’aborder tous les sous-genres du film d’horreur en une seule pièce, de façon absolument cohérente. Le secret de cette cohérence réside justement dans le flou laissé autour de l’action, dans la simplicité des motivations exposées, et dans le nombre restreint de personnages impliqués dans la course-poursuite. En plus, le look du Creeper est véritablement excellent, passant de l’épouvantail gothique ("That’s not my scarecrow...") à... je ne vous gâcherais pas le plaisir de la découverte, mais sachez que, en tant que poseur, le démon incarné par Jonathan Breck... et bien se pose là, justement.
La fin du film, superbe, révèle les clefs de ce que l’on sait désormais être le premier épisode d’une série, sans pour autant livrer celles de ce personnage morbide et fascinant. A suivre, assurément ! A mort le Wishmaster et ses amis, longue vie au Creeper !
Jeepers Creepers sortira en salles chez nous le 17 avril 2002 - à moins qu’il ne soit repoussé pour coincider avec la Fête du Cinéma - sous le nom Jeepers Creepers, le chant du diable. En attendant, vous pouvez vous procurer le superbe DVD zone 1 édité par MGM, qui regorge de suppléments passionnants et possède un transfert magnifique. Avis aux impatients...

