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Chine

Jeunesse : Les Tourments

aka 青春:苦 | Chine | 2024 | Un film de Wang Bing| Wang Bing, Shan Xiaohui, Song Yang, Ding Bihan, Liu Xianhui et Maeda Yoshitaka à la caméra

Point limite zéro.

Jeunesse : Les Tourments est le deuxième volet de la trilogie Jeunesse du réalisateur chinois Wang Bing sur de jeunes ouvriers de l’industrie textile à la fin des années 2010. Dans le premier, Jeunesse : Le Printemps, le documentariste suivait de jeunes ruraux fraîchement arrivés à Zhili, district de la ville de Huzhou spécialisé dans les vêtements pour enfants. Au fil du temps, leurs conditions de travail et de vie difficiles vont créer des tensions.

Ces jeunes chinois âgés d’une vingtaine d’années pour la plupart, cousent du petit matin à tard le soir. Ils logent ensemble dans des dortoirs exigus situés dans de petits immeubles aux coursives sales, abritant également leurs ateliers. Leurs conditions de vie et de travail très précaires accentuent les tensions entre collègues, mais aussi avec leurs employeurs, dont certains se révèleront malhonnêtes.

La durée des films de Wang Bing - ici 3h46 - peut, à tort, rebuter le spectateur, mais elle permet une immersion totale dans des vies et des environnements si différents des nôtres. Fidèle à sa méthode, le documentariste chinois et ses collaborateurs font preuve d’autant d’endurance derrière leur caméra que les employés derrière leur machine à coudre. Le temps long donne une densité aux personnes filmées et à leurs histoires.

Wang Bing filme le prolétariat de l’industrie textile, payé à la pièce, et soumis à l’arbitraire des patrons, sans espoir que l’État chinois vienne les aider en cas de problèmes, bien au contraire. Le jour fait place à la nuit sans que l’on sache jamais quel jour de la semaine nous sommes. Avec une nuit de libre tous les 15 jours et des heures supplémentaires fréquentes jusqu’à plus de minuit, leur vie se résume presque exclusivement au travail. Les journées passent dans les ateliers déglingués, pas très bien éclairés et où résonnent le vrombissement incessant des machines à coudre. Certaines scènes rendent bien le caractère abrutissant de ce bourdonnement. Nous sommes bien loin des grandes usines flambant neuves de Shenzhen ou des ateliers de couture automatisés mis en avant par l’État chinois.

Malgré les liens de solidarité qui se tissent entre les travailleurs, souvent amis ou membres de la même famille, des tensions émergent inévitablement. Tout le monde n’a pas la même adresse derrière la machine à coudre. Alors que s’approche la fin de la saison avec l’arrivée du Nouvel an, les questions d’argent deviennent essentielles. Pour certains, victimes d’un patron s’étant enfui avec la caisse ou ayant perdu le carnet recensant le nombre de pièces cousues, la perte est sèche.

Pour les autres, venus à Zhili gagner de l’argent pour payer l’école des enfants ou rembourser les dettes contractées pour construire la maison, il faut négocier âprement le prix payé par le patron de l’atelier pour chaque pièce réalisée. Pour quelques centimes, les négociations sont rudes entre les deux parties à la fin de la saison de 6 mois. Les dés sont pipés en leur défaveur. Le style Wang Bing, privilégiant l’expérience brute, fait tout son effet. Le spectateur ressent viscéralement l’importance que revêtent ces négociations pour ces damnés de la machine à coudre.

Jeunesse : Les Tourments sort sur les écrans français le 2 avril grâce à Les Acacias.

- Article paru le mercredi 2 avril 2025

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