Jiang Hu
L’Amitié peut prendre de sacrés coups...
Hung est un chef respecté des triades. Mais ce soir sa femme vient de mettre au monde un garçon et pour Hung la volonté de prendre sa retraite le gagne, d’autant plus que son successeur n’est autre que Lefty, son frère de sang depuis toujours.
Pourtant amis depuis des lustres, les deux hommes envisagent très différemment les façons de diriger un empire de l’ombre. Hung prône le principe de faire un exemple, tandis que Lefty préfère faire place nette pour repartir sur des bases criminelles saines. Lors d’un dîner dans leur restaurant fétiche, leur propriété en fait, les deux futurs ex-partenaires vont tenter de se convaincre mutuellement de la meilleure des marches à suivre.
En parallèle, Yik et Turbo deux petits voyous, qui roulent plus des mécaniques que de gadins aux nanas qu’ils croisent, cherchent à rentrer dans le grand bain de la délinquance, celui des triades, gagnant le droit de tuer un ponte de la mafia locale. Soudés au point de partager l’attirance pour la même femme, Yik et Turbo doivent se procurer une arme pour remplir leur drôle de contrat.
Petit film à la petite histoire, Jiang Hu est sans prétention aucune, et prend une montagne de risques dans ses choix de mise en scène, de casting, de scénario, de situations. Montages complexes, en parallèle ou non, suffisent à semer une confusion qui ne s’éclaircira que dans l’ultime minute du métrage. En fait ce n’est pas que l’on ne saisit pas le plot central, c’est tout simplement que l’on ne voit pas où nous mène Wong Ching-Po. Un film de vengeance, sorte d’hommage au final du Parrain ; un film de « brotherhood » dans la lignée d’un Better Tomorrow ; une aventure ponctuelle comme dans One Night in Mongkok ; ou bien un peu de tout ça, un patchwork des meilleurs hits du box-office local...on ne sait pas trop, enfin pas assez, et pourtant, pourtant, il y a bel et bien une empreinte particulière sur cette œuvre.
Certes on est devant la sempiternelle succession d’un empire du crime, la violence qu’elle va déchaîner, les règlements de compte sanglants, la soif du pouvoir, l’enjeu de diriger sans autre maître que soi. Hung est le nabab, le grand manitou, le chef, le boss, l’empereur, le maître incontesté, le donneur d’ordres, mais c’est aussi un sage conseiller, une force tranquille de l’ombre qui sait qu’il vaut mieux montrer l’exemple en tuant un gros poisson pour effrayer les plus petits, plutôt que de faire table rase de tous ses hypothétiques opposants. Hung sait pertinemment que son intervention est nécessaire pour calmer les ardeurs de Lefty, qui, aigri par son handicap et peut être aussi par sa 2ème place au sein du crime organisé, ne peut canaliser cette énergie folle qui lui colle à la peau, telle la sueur moite qui lui parcourt l’échine quand la fureur monte.
...mais dans la forfaiture des bas-fonds la roue tourne, tourne et tourne encore jusqu’à s’arrêter sur une personne que le destin va choisir de suivre pendant quelques années, pour le porter au sommet. Jusqu’à un soir de pluie où la roue va se remettre à tourner pour tous, gâchant ainsi des existences, assurant l’avenir des autres et confortant la positions des uns. C’est peut être ce qu’il faut retirer du film de Wong Ching-Po : on ne peut être sûr de rien dans une vie.
En VCD et DVD chez Mei-Ah, sous titré en anglais.



