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Corée du Nord

Journal d’une jeune nord-coréenne

Corée du Nord | 2006 | Un film de Jang In-hak | Avec Pak Mi-hyang, Kim Cheol, Kim Yeong-suk, Shin Hak-myeong

Au nom du Père.

Le quotidien de Soo-ryun gravite autour de son père, Sang-myung, ou plutôt de son éternelle absence. Membre du bataillon des scientifiques, ce paternel œuvre à temps plein sur le front de la recherche pour son cher Général et ses compatriotes ; toutefois, alors que d’autres brillent par l’obtention d’un doctorat, les projets secrets de Sang-myung semblent ne jamais aboutir. Aussi, alors que les amies de Soo-ryun prennent du galon, et paradent avec leur accession à des appartements, neufs et convoités, notre héroïne subsiste dans une petite maison délabrée avec sa sœur Soo-ok, étoile du foot féminin, sa mère qui s’acharne à traduire des livres scientifiques pour Kim Sang-myung, et sa grand-mère, sous prétexte que cette dernière est attachée à l’odeur de la terre. Mais Sang-myun peine à comprendre la raison de leur sacrifice au féminin, pour un père qui échoue, depuis l’éloignement de son mystérieux Centre, Dharma Initiative communiste, à assurer leur confort. La jeune fille commence alors à s’éloigner du chemin qu’il a tracé pour elle, sur ses pas professionnels.

C’est à la curiosité et à la volonté de Pretty Pictures – qui a toujours eu un faible pour les singularités cinématographiques, qu’il s’agisse de Godzilla Final Wars, ou Night Attack et ses confrères à l’ode de la RDC – que l’on doit l’arrivée en Occident, pour la première fois, d’un film issu de la République Démocratique Populaire de Corée sur le circuit de l’exploitation commerciale. L’un des deux seuls films produits par le pays en 2006, « officiellement » grand succès populaire de l’année, Journal d’une jeune nord-coréenne est donc forcément une œuvre d’intérêt. L’occasion, peut-être, de découvrir enfin l’un des seuls pays au monde à exister dans le secret, même s’il faut pour cela accepter le prisme d’une évidente propagande.

Le film de Jang In-hak semble, comme son pays d’origine pour qui 2001 est plus l’odyssée de la PAO que de l’espace (Sang-myung travaille à l’informatisation de chaînes de production), étrangement hors du temps ; impossible en effet, s’il n’y avait quelque indication à l’écran, de dater cette histoire de petites et grandes souffrances, supportées au nom du patriotisme et donc transformées en autant d’accomplissements. La caméra du réalisateur, proche de ses très belles actrices, omet volontairement d’embrasser un environnement qui restera donc insaisissable. La Corée du Nord ne s’incarne dans Journal d’une jeune nord-coréenne, qu’en idéologie ; sa topographie, sa culture, ses paysages, resteront malheureusement flous, hors de portée.

Le réalisateur, assisté par un scénario a priori élaboré avec le soutien du grand Général en personne, préfère déployer une fausse honnêteté, quant au quotidien difficile de ses compatriotes. Jang In-hak nous montre en effet un habitat vétuste et des conditions de vie précaires, mais l’absence de véritable contexte, visuel ou narratif, nous empêche en réalité de savoir si cette précarité est une règle ou une exception, punition implicite d’un dévouement politique hésitant. Usant de ralentis et autres emphases, Jang fait du moindre incident une catastrophe, capable d’ébranler la certitude d’un sacrifice nécessaire. Mais, dans la soumission tue d’une mère, peu désireuse d’entraver la dévotion de son mari, à la maladie, Jang rappelle que la récompense d’une vie meilleure est au bout du chemin de croix. La patrie pour la vie, la vie pour la patrie.

C’est bien évident ce message qui porte un film dont on doit reconnaître l’habileté, à défaut de la moindre honnêteté. C’est avec peu de subtilité que Jang In-hak, à l’aide de chants patriotiques notamment, tisse sa métaphore de chaque nord-coréen, enfant ou adulte, comme soldat d’un front global , et surtout du « cher Général » en tant que figure paternelle, dont il faut apprendre à respecter l’éloignement et l’absence, tous les jours, quoi qu’il en coûte, même si ses actions peuvent paraître égoïstes et incompréhensibles. Ce journal est peut-être celui d’une jeune nord-coréenne ; il n’a toutefois rien d’intime, dans son extinction volontaire de toute individualité, communisme célébré dans un quotidien du sacrifice.

Sorti sur les écrans français le 26 décembre 2007, Journal d’une jeune nord-coréenne est disponible en DVD chez Wild Side (depuis le 1er décembre 2010), dans un box intitulé "Regards sur le cinéma nord-coréen".
Remerciements à Benjamin Gaessler et Wild Side.

- Article paru le vendredi 15 avril 2011

signé Akatomy

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