Ju-on
Autant il reste difficile de mettre la main sur le téléfilm Ringu : Kanzen-ban (Chisui Takigawa - 1995), qui avait précédé l’adaptation sur grand écran de Ring par Hideo Nakata, autant nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir renouer avec les origines de la mythologie Ju-on, déjà forte de deux opus en V-Cinema et autant à destination des salles obscures (nous ferons par la suite référence aux versions d’origines sous la dénomination Ju-on, et aux versions cinéma sous le nom de The Grudge).
De la même façon que le héro de Ring est devenu une héroïne lors de son passage en 35mm, c’est un personnage masculin qui précède celui de Rika dans The Grudge en tant que point d’entrée dans l’univers du petit Toshio. D’ailleurs, Ju-on est d’entrée de jeu plus explicite que sa relecture en ce qui concerne son sujet : si le premier sketch de The Grudge s’intitule "Rika" et prend donc Megumi Okina pour protagoniste, celui de Ju-on porte le nom du petit garçon maléfique. On devine donc immédiatement que ce sont les "bourreaux" et non leurs victimes, qui servent de trame au film.
Le prédécesseur de Rika est un professeur du nom de Shunsuke Kobayashi. Chargé de faire le tour des parents de ses élèves, il ne lui reste plus qu’un cas à traiter comme il l’explique à sa femme enceinte : celui du petit Toshio Saeki, qui n’est pas venu à l’école depuis fort longtemps et dont les parents restent injoignables. Par ailleurs, il semblerait que Shunsuke et sa femme connaissent la mère de l’enfant, Kayoko, une ancienne camarade de classe inquiétante.
Shunsuke se rend à la maison Saeki. En en faisant le tour, il rencontre Toshio, les bras pendant à l’extérieur d’une fenêtre barrée. Sur son visage, Kobayashi aperçoit des traces de coups et se décide donc à entrer. L’enfant est seul dans la maison en désordre, et n’a que peu de conversation. Jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche, et émette un effrayant miaulement de chat...
Comme The Grudge, Ju-on est divisé en plusieurs sketches. Les liens entre ces différents tronçons sont néanmoins plus diffus que dans la relecture cinéma, Takashi Shimizu jouant avec une plus grande variété de personnages et une trame moins explicite encore que l’enquête policière de The Grudge (je pense notamment au segment "Mizuho", qui place une jeune étudiante aux prises avec Toshio dans l’enceinte d’une école, par le biais de son petit ami qui habite la maison Saeki). Certaines scènes seront reproduites à l’identique dans ce dernier (une certaine descente d’escalier notamment), mais Shimizu joue ici moins un jeu de composition picturale que de suspense et de "shock value". A ce titre par exemple, Ju-on est nettement plus graphique que The Grudge, dans lequel le sang est absent à l’exception du générique. Une orientation plus sale, qui offre entre autres la vision déroutante de la jeune Kanna ensanglantée et privée de sa mâchoire...
Autre variation, le drame de la famille Saeki, à l’origine de la malédiction de The Grudge, est exposé de façon très différente dans Ju-on. Ainsi, le meurtre de Toshio et Kayoko par Takeo, explicité au début de la version cinéma, est ici complètement éclipsé au profit d’une épouvantable altercation par progéniture imposée, entre Takeo et Kobayashi. On imagine sans peine que Ju-on, vu sans le recul offert par The Grudge, tirait de cette ellipse une plus grande force mystérieuse que son successeur. Dans l’ensemble d’ailleurs, cette version "originelle" tente encore moins que son (second) successeur d’éclaircir ses nombreuses zones d’ombre.
Il y a donc certaines différences entre ces deux versions d’un même film. La finalité de Ju-on reste de livrer avant tout un suspense horrifique traditionnel, alors que celle de The Grudge est de construire de façon presque anodine des images de cauchemar, simplistes et traumatisantes, aptes à survivre à ce même suspense après l’avoir désamorcé. Ce que prouvent ces nuances avant tout, c’est que Takashi Shimizu est un authentique réalisateur, capable de s’adapter pour tirer le meilleur parti d’une idée en fonction des moyens mis à sa disposition (même le format plein cadre est à plusieurs reprises exploité). Nous jugerons de la richesse de sa thématique à la vision de Ju-on 2 tout d’abord, en attendant que The Grudge deuxième du nom atteigne nos rivages.
Ju-on est disponible en DVD zone 2 NTSC au Japon chez Pioneer, sans sous-titres, seul ou en coffret avec Ju-on 2.

