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Japon

Ju-on : The Grudge 2

aka Juon 2 | Japon | 2003 | Un film de Takashi Shimizu | Avec Noriko Sakai, Chiharu Niyama, Kei Horie, Yui Ichikawa, Shingo Katsurayama, Takako Fuji, Yuya Ozeki

Kyoko Harase, "horror queen" nippone, est victime d’un accident de voiture avec son fiancé, après que celui-ci ait écrasé un chat sur la route. Avant le choc, le couple a une vision du petit Toshio silencieux, dissimulé sous le tableau de bord et bloquant le volant de la voiture. Le conducteur tombe dans le coma, et Kyoko perd le bébé qu’elle portait - ou du moins c’est ce qu’elle croit. Car il apparait quelques temps plus tard, que sa grossesse suit normalement son cours... Se pourrait-il que son accident ait quelque chose à voir avec sa participation à une émission spécialisée dans l’occulte, tournée dans la demeure supposée hantée de la famille Saeki ? Quel est donc cet être qui grandit en elle ?

Takashi Shimizu s’attaque pour la quatrième fois à la déclinaison de la mythologie Kayako / Toshio, esprits vengeurs au coeur de la série Ju-on. Le réalisateur prodige change une nouvelle fois son fusil d’épaule, et s’écarte de l’horreur picturale du premier opus grand écran (The Grudge) pour offrir un poème sublime, macabre et terrifiant.

The Grudge 2 obéit à la même structure que ses trois prédécesseurs. Une fois de plus, Shimizu joue avec les présents de narration pour diluer la compréhension qui construit notre effroi. Plus violemment déstructuré encore que The Grudge, ce nouvel opus brouille les cartes de façon tellement remarquable que la manipulation n’est complètement décelable que dans ses derniers instants. La réalisation volontairement anodine de Shimizu y est pour beaucoup ; le metteur-en-scène compte sur la vigilance du spectateur, à même de reconnaître au premier coup d’oeil la maison des Saeki par exemple, et d’anticiper la perception globale du récit sans que les pilliers de sa narration soit explicités. Découpé en sketches comme à l’habitude, The Grudge 2 s’autorise un jeu de points de vue jusqu’au boutiste, s’attachant successivement au destin funeste de chaque protagoniste sur l’intégralité de l’unité de temps couverte par le film ; plutôt que de les traiter en parallèle. A l’exception bien sûr de l’héroïne de cet épisode, Kyoko, dont l’histoire est traitée sur plusieurs segments.

Poussant le vice narratif encore plus loin, Shimizu se permet même de pervertir la temporalité de certains sketches, comme celui consacré à Tomoka Miura, journaliste, et à son petit ami. Celui-ci est un bijou de mise en scène, véritable mille-feuille horrifique que le réalisateur s’amuse à exposer couche par couche, avant de superposer l’ensemble au sein d’un même instant, grotesque et particulièrement terrifiant, mélant un instant admis comme présent à un passé redéfini en prémonition, et une anticipation dés lors transformée en flashback. Une approche remarquable de la mythologie Ju-on qui se conclut par un visuel dans la veine des instantanés du premier opus - d’ailleurs à peu de choses près, le seul de The Grudge 2.

Le film délaisse en effet l’approche picturale de son prédécesseur en faveur d’un jeu de montage, au sein duquel Toshio et sa mère Kayako interviennent de façon nouvelle, moins statique. On retrouve bien la descente d’escalier d’une Kayako au déplacement osbcène, mais son traitement est différent. L’insistance n’est plus la même puisque Shimizu ne s’amuse plus à construire un tableau visuel mais temporel ; elle intervient donc au cours de gros plans erreintants, qui marquent souvent la fin d’une aggression vécue à la première personne.

La beauté morbide de The Grudge 2 est donc différente de celle de The Grudge. Si le premier opus cinéma s’apparentait à une succession de tableaux, celui-ci emprunte plus volontiers sa forme à la poésie. The Grudge 2 se joue de rimes et de motifs terrifiants - bien entendu sonores autant que visuelles (le segment surréaliste autour de Chiharu en est la plus belle illustration rythmique) - pour se conclure sur un dernier quatrain silencieux. Ce segment, dont le calme contraste violemment avec le dernier cri/croassement de Kayako, instille un malaise jusqu’alors absent de la série, dans son indicible cruauté, simpliste et amorale. D’un film d’horreur exceptionnel, The Grudge 2 s’y transforme en charogne subtile, d’une beauté détestable : celle des véritables chefs-d’oeuvre malsains.

The Grudge 2 est disponible en DVD au Japon (sans sous-titres), en Corée et à HK (les deux derniers sous-titrés).

- Article paru le jeudi 26 août 2004

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