Kaidan-Kasanegafuchi
Réalisé en 1957, Kaidan-Kasanegafuchi est une histoire de fantômes traditionnelle qui préfigure deux des films suivants du réalisateur - Borei-Kaibyoyashiki (1958) et Tokaido-Yotsuyakaidan (1959). Et pour cause : le film commence, à peu de choses près, comme les deux autres se terminent. A vous de juger...
L’histoire débute en 1773 dans le village de Hanyu, dans la province de Shimosa. Le vieux Soetsu Minagawa, masseur de profession, quitte momentanément sa servante Tetsu et sa fille Rui pour aller couvrir une dette auprès d’un samouraï du nom de Shinzaemon Fukami. Ce dernier, se considérant insulté par le vieil aveugle qui déclare que ses raisons de ne pas le payer sont absurdes, l’élimine sur le champ. C’est à Kanzo, serviteur du samouraï, que revient la tâche d’aller abandonner le cadavre de Soetsu dans l’étang de Kasane. Avant de lacher le corps dans l’eau, Kanzo offre au défunt une faux qui doit lui servir à affronter les démons et se frayer un chemin jusqu’au paradis.
Seulement, comme dans tous les films de Nakagawa - et les Kaidan Eiga (films de fantômes) en général - le défunt compte bien exercer son droit à la vengeance : il apparaît à Shinzaemon pour le tourmenter, pendant que sa femme Fusae lui masse le dos. Effrayé, Shinzaemon porte un coup de sabre à sa femme en pensant pourfendre le revenant. Devenu fou, Shinzaemon s’en va se noyer dans l’étang de Kasane. Kanzo dépose alors le fils du samouraï, Shinkichi, devant les portes de maison Hanyuya, qui a une vieille dette envers la famille Fukami, pour qu’il y soit élevé normalement...
20 ans passent. Shinkichi est devenu un jeune homme, et est employé dans la maison Hanyuya au service de la belle Hisa. Il s’adonne à sa tâche sans jamais se plaindre, faisant fi de la longue lignée de samouraïs dont il descend. Shinchiki éprouve des sentiments passionnés pour sa maîtresse, qui doit malheureusement épouser Omura Seitaro, un riche samouraï. Les ennuis commenceront quand Rui - qui a elle aussi grandi pour devenir une femme superbe, professeur de chant et de Samisen de Hisa, déclarera sa flamme à Shinchiki. Le jeune homme se laisse séduire par cette femme plus âgée, ignorant le lien macabre qui les unit. Seitaro, quant à lui, semble prêt à tout pour mettre les mains sur le corps de Rui, en dépit de son engagement envers la famille de Hisa. L’histoire ancienne va alors refaire surface dans la vie tourmentée des descendants de Soetsu et Shinzaemon...
Les dix premières minutes de ce Kaidan-Kasanegafuchi constituent presque, à elles-mêmes, un premier film d’horreur. Contrairement à ses autres films, Nakagawa nous plonge directement dans le monde des Kaidan, nous offrant comme à l’habitude des maquillages très convaincants et effrayants. Par la suite, l’histoire s’oriente vers un imbroglio amoureux tout aussi passionnant, sur lequel plane, de façon très subtile, l’horreur de cette courte introduction.
Nobuo Nakagawa exploite une fois de plus ses décors de façon magistrale, sa caméra se déplaçant avec fluidité au milieu des décors, que ce soit en travellings horizontaux (souvent latéraux) ou verticaux. Il affirme ainsi une maîtrise précoce de la cinématographie moderne, qui termine de faire de ce film très court (66 minutes) mais très dense, une double histoire (mélodrame et film d’horreur), magnifique et terrifiante à la fois (les apparitions des fantômes à la fin du film étant comme toujours superbes).
Sans doute l’un des meilleurs films du maître, avec Jigoku, qu’il m’ait été donné de voir jusqu’à maintenant !
PS : Au fait, ce film est l’un des tous premiers de la carrière de Tetsuro Tanba (Les menottes rouges, Sous les drapeaux, l’enfer, Happiness of the Katakuri), commencée en 1954.
Comme la plupart des Nobuo Nakagawa, Kaidan-Kasanegafuchi est disponible en DVD zone 2 NTSC nippon chez Beam Entertainment.
La copie plein cadre est belle, les contrastes très réussis en dépit d’un master fort abimé (beaucoup de griffes sur la pellicule). La bande-son est superbe, les sous-titres anglais parfaits.
Si seulement tout le monde traitait son héritage culturel de la même façon !


