Kick-Ass
"With no power come no responsibilities."
Depuis que les producteurs se sont rendus compte que le bilan financier pouvait être plus que positif, le film de super-héros est en passe de devenir un genre à part entière. Dans le sillage des grosses productions Marvel à succès (Spiderman, Iron Man...) et du reboot de Batman par Christopher Nolan, on ne compte plus les adaptations, ou les projets d’adaptations, de comic-books au cinéma.
Ecrit par Mark Millar, Kick-Ass est une série publiée en 2008 chez Icon Comics (un label de Marvel dédié aux créations d’auteurs) qui raconte dans un monde similaire au notre, comment un jeune fan de bandes-dessinées va décider un jour, lui aussi, d’enfiler un costume acheté sur internet pour chasser le criminel dans les rues. Avec toute la maladresse et le crétinisme qui caractérise généralement l’adolescence, mais aussi l’idéalisme et le courage dont la jeunesse n’est pas dénuée, Dave Lizewski, alias Kick-Ass, va tenter de devenir un véritable super-héros.
A l’instar de Frank Miller, Millar (avec un A celui-là) est bien placé pour devenir un des auteurs de comics les plus adaptés sur grand écran, puisqu’on peut se rappeler du récent Wanted avec Angelina Jolie et James McAvoy, film plus que moyen, épuré de toute la violence et la déviance qui caractérisaient l’histoire d’origine. Car outre ses qualités d’écriture, Mark Millar est effectivement assez connu pour être "bad-ass", justement. Il faut entendre par là que le monsieur ne s’embête pas vraiment avec le Comics Authoriy Code, et accouche souvent d’histoires et de personnages à contre-courant de ce qu’on peut lire habituellement. Si le pitch de base ne porte pas forcément à le penser, on peut reconnaitre à Kick-Ass un respect assez honnête du ton employé généralement par Millar dans ses récits. Le réalisateur Matthew Vaughn n’hésite pas à verser dans la violence graphique explicite, quitte à surprendre, voire choquer un public pas forcément averti par le matériel de départ. Car c’était là le plus gros piège qu’il fallait éviter : édulcorer le récit de tout son réalisme violent et mature, et ne garder que la chronique un peu bouffonne d’un apprenti super-héros. Or Vaughn triomphe magistralement là où beaucoup se seraient laissés bouffer par la pression d’un PG-13. Pari réussi.
Assez référentiel par moments, le film se veut un bel hommage aux mecs en collants et/ou à capes, à la fois décalé et respectueux, à l’image de ce que fut par exemple un Shaun of the Dead pour le film de zombies. Il utilise ainsi les codes du genre pour mieux les détourner, en forçant le trait et en en soulignant le côté cliché. Les fameuses responsabilités qu’apporte le statut de super-héros, les Némésis, la double identité, la bonne copine qu’on aimerait bien dans son lit mais qui ne rêve que de l’alter-ego masqué... Alors qu’on pourrait croire que le sujet tournerait vite court et peinerait à toucher un autre public que le fan de comics de base, l’équilibre se tient parfaitement, en sachant intelligemment ne pas faire tourner le film qu’autour de private jokes obscures. Entre exploration talentueuse du mythe du super-héros et humour gras mais réjouissant, dans le pur esprit des productions Apatow ou d’un American Pie, chacun y trouvera son compte.
Tandis que le scénario utilise des parallèles récurrents assez amusants entre l’apprentissage de Kick-Ass et la genèse de Peter Parker par exemple, la mise en scène n’est pas non plus en reste. Outre les quelques gimmicks de montage renvoyant à un univers de bd, le film offre quelques séquences particulièrement jouissives, lorsque la petite Hit Girl notamment, se défoule contre des bad guys hébétés. Gunfight chorégraphié à la John Woo (auquel un clin d’œil bien appuyé rend d’ailleurs hommage), éclairage stroboscopique mais soigné, et démembrements occasionnels font alors plaisir aux rétines. En parlant de Hit Girl justement, le casting choisi pour incarner les différents protagonistes est également assez inspiré. Si des choix comme Nicolas Cage pour incarner Big Daddy pouvaient surprendre sur le papier, les craintes s’estompent dès ses premières apparitions, tant ce dernier s’approprie plutôt bien son rôle et semble en parfaite harmonie avec sa jeune partenaire Chloe Moretz. Les scènes de vie quotidienne entre le père et sa fille, à l’apparence normaux mais qui déjeunent entourés de murs qu’on croirait décorés par la NRA, sont irrésistibles. On pourra noter aussi la prestation de Christopher Mintz-Plasse, (alias McLovin dans Supergrave), là encore idéal dans le rôle de Red Mist, enfant pourri gâté d’un baron de la mafia locale.
Finalement, ce Kick-Ass tient - presque - ses promesses. Ses points négatifs ne sont pas forcément imputables au film en lui-même, mais plus au le récit original que Vaughn ne fait que retranscrire. Si Kick-Ass a une excellente intention de départ en voulant désacraliser le super-héros et toute sa mythologie, il n’empêche que celui-ci arrive parfois à tomber en milieu de course dans quelques résolutions faciles. On rit beaucoup aux blagues potaches, pour peu qu’on soit client de ce style d’humour, mais il semble que le stéréotype du loser invisible au lycée et qui, malgré tout, va surmonter ses faiblesses pour se réaliser, soit inévitable. Ce petit bémol mis à part, le film reste dans sa globalité particulièrement réjouissant, et l’air de rien, Matthew Vaughn signe là l’un des meilleurs super-héros movie de ces derniers temps. Paradoxalement, c’est presque en le parodiant qu’il apporte ici le regard bienveillant, humble et respectueux d’un fan de super-héros, qu’on était en droit d’attendre d’une adaptation de comics.
Kick-Ass sortira sur les écrans français le mercredi 24 avril 2010.
Remerciements à Thierry Roche et WayToBlue.




