Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud

Kick The Moon

Corée du Sud | 2001 | Un film de Kim Sang-Jin | Avec Cha Seung-Won, Lee Seong-Jae, Kim Hye-Su

Kick The Moon - second film du réalisateur de Attack on the Gas Station (AotGS) - s’ouvre sur un voyage scolaire à l’occasion duquel deux écoles s’affrontent au cours d’un combat légendaire. Chacune est dirigée par son fer de lance respectif : face au gang de Seoul, le jeune Choi Ki-Dong affiche une hargne aberrante, qu’il parvient à communiquer à la quasi-intégralité de ses camarades. Seul un élève reste à l’écart de la bagarre qui prend rapidement des dimensions épiques : le jeune Park Yong-Jun, timide cerveau de son lycée et accessoirement tête de turc officielle, qui acquière à l’occasion le galon supplémentaire de traître.

Les années passent et les motivations changent. Choi Ki-Dong (Cha Seung-Won) est devenu enseignant. Retors et particulièrement peu scolaire dans ses méthodes, des traces de sa propension naturelle à la violence restent visible dans le traitement qu’il inflige à ses élèves "difficiles". La transformation est encore plus étonnante en ce qui concerne Park Yong-Jun (Lee Seong-Jae, déjà héros de AotGS, mais aussi du magnifique Art Museum by the Zoo) : celui-ci est devenu l’un des membres les plus importants d’une mafia basée à Séoul - mais qui, à l’image des yakuzas du Caïd de Yokohama de Kinji Fukasaku, tente de mettre la main sur toutes les organisations moins importantes du pays pour renforcer sans cesse sa position dominante.
En mission de "hostile takeover" dans la ville où Choi Ki-Dong laisse libre cours à sa nouvelle vocation, Yong-Jun voit débarquer Ki-Dong au milieu d’un rendez-vous peu courtois dans la boîte de nuit du Boss local : celui-ci vient menacer ledit Boss de délation après avoir surpris deux de ses étudiants employés illégalement dans ses locaux. Bien que les deux hommes ne se soient jamais vraiment adressés la parole au cours de leurs "années collège", ils se nouent immédiatement d’une amitié évidente, dont les bases demeurent, encore à cet instant, ambiguës.

Un soir de virée nocturne avec Yong-Jun, Ki-Dong reçoit un coup de fil de la police qui vient d’arrêter quatre de ses élèves à la suite d’une bagarre. Pour les deux hommes, ce sera l’occasion de rencontrer la jeune Min Ju-Ran, sœur de l’un des sales gosses et propriétaire d’un restaurant de nouilles ramen de seconde zone. Ju-Ran devient rapidement l’objet d’une affection malheureusement partagée par Ki-Dong et Yong-Jun, qui vont dés lors renouer avec un antagonisme non seulement puéril, mais aussi dangereux...

La notion d’antagonisme était déjà à la base de AotGS : les quatre héros (...) du film avaient décidé d’affronter la société car celle-ci ne les avait pas laissé choisir leur voie, sous prétexte de certaines dispositions, physiques, mentales et/ou artistiques. Si cette notion est non seulement la base de Kick the Moon mais aussi le postulat de toutes les relations que le film développe, la mise en place est quelque peu chamboulée par le fait que chacun des deux protagonistes masculins est tour à tour adversaire puis modèle de l’autre avant de redevenir adversaire - stade auquel Ki-Dong et Yong-Jun se retrouvent en fait n’être des adversaires que par rapport à eux-même. Là où les héros de AotGS savaient très bien ce qu’ils voulaient, ceux de Kick the Moon le recherchent perpétuellement, dans un cercle vicieux d’apprentissage qui les laisse à chaque fois diamétralement opposés. Le point de rupture des personnages se situe par conséquent au moment où Ki-Dong et Yong-Jun ont fait tellement de tours qu’ils s’en retrouvent intérieurement divisés. Ce n’est qu’à ce moment que les personnages sont libres de choisir une voie qui, pour tous deux mais aussi pour bon nombre de personnages secondaires du film, s’avèrera être la même. Mais n’est-ce pas là finalement le seul intérêt d’un "role model", à savoir donner une direction de vie au cours de laquelle l’ "élève" pourra faire ses propres erreurs et son propre apprentissage ?

Une fois ce fonctionnement admis, la structure narrative a priori déséquilibrée par redondance de Kick the Moon acquiert une pertinence simpliste mais très efficace, en plus d’humaine.
Comme c’était déjà le cas avec AotGS, la nonchalance de la mise en scène de Kim Sang-Jin dissimule un scénario impeccable et laisse libre cours aux acteurs pour jouer (de) leur opposition, qui résulte - paradoxalement - d’un désir de ressemblance aux objectifs mal assimilés. Les héros de AotGS amenaient (contraignaient, même) les membres de leur entourage à s’extraire de leur condition sociale imposée, et s’en retrouvaient nouvellement positionnés au yeux de tous ; ici, c’est par le biais d’interactions répétées avec leur entourage que Ki-Dong et Yong-Ju trouvent leur équilibre, en n’apportant finalement que des détours à ceux qui les respectent sur des bases finalement tout aussi arbitraires que les choix de vie effectués par ces deux modèles improbables. Au milieu de tout ça, le personnage de Ju-Ran tient un rôle de point de repère inébranlable qui aura finalement toujours été celui de la femme dans les sociétés asiatiques : immuable et sûre d’elle, consciente de ses choix et surtout pleinement assumée, bien que savamment en retrait.

Avec ses rixes jouissives démultipliées par la superposition de couches sociales qui désirent toutes la même chose (vivre librement, dans le respect et la reconnaissance légitimes), Kick the Moon constitue finalement une relecture moins directement fun mais plus poussée de la problématique de AotGS. A la fois drôle et pathétique, et très ambiguë dans sa leçon initiatique, c’est une comédie populaire qui n’aura pas oublié, comme son modèle, d’être terriblement pertinente ! Ce qui, une fois de plus, est suffisamment rare pour être souligné... (Remarquez, à force ça devient de moins en moins rare...)

Kick the Moon est disponible en DVD coréen chez Fox Korea : copie anamorphique sans le moindre défaut, 5.1 efficace, suppléments à gogo (malheureusement non sous-titrés) - la Corée maintient sans problème le haut niveau de ses éditions DVD. Seul bémol, les sous-titres apparaissent bien légers par rapport à ce qui se dit dans le film...

- Article paru le dimanche 25 novembre 2001

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