Kidnap
Hell hath no fury like a woman scorned.
C’est incroyable ce qu’il peut être difficile parfois, de se remettre à écrire pour Sancho. N’allez pas croire que mon enthousiasme pour le cinéma asiatique se soit étiolé - loin s’en faut ; le temps et la fatigue ont toutefois eu raison, ces derniers temps, de pas mal de mes affections. Si vous voulez une preuve de mon enthousiasme intact d’ailleurs, il vous suffit de considérer le fait que j’ai accepté de me plonger dans le visionnage du dernier film de Law Chi-leung, après qu’il m’ait fait subir, il y a quelques mois de cela, le calvaire acidulé qu’est Bug Me Not !. Je ne vois pas ce qu’il vous faut de plus. Au rayon des preuves puisque nous y sommes, il y a celle liée à l’expression de la difficulté énoncée quelques lignes plus haut : cela fait deux semaines déjà que j’ai visionné Kidnap, pourtant mon appréciation du film est restée coincée dans ma tête, entre dossiers en cours et assimilation de méthodes de chasses à Monster Hunter. Oui, parce qu’il ne faudrait pas tout mettre sur le dos du boulot non plus. L’heure est donc venue de m’y mettre.
Kidnap marque le retour de Law Chi-leung à la fois au film d’affrontement teinté d’uniformes policiers - cf. Double Tap - et au film de femmes - cf. Koma. Exit Isabella Leong - qui a depuis eu le temps de s’affirmer Actrice devant la caméra de Pan Ho-cheung - welcome back Karena Lam, accompagnée pour l’occasion de l’excellente Rene Liu. C’est cette dernière qui tient le rôle principal de Kidnap : Yuen-Chun, inspectrice qui s’occupe pour le compte des forces de l’ordre des affaires d’enlèvement. C’est au cours d’une procédure théoriquement correcte mais à l’exécution funeste que nous rencontrons notre Jack Malone HK et ses coéquipiers. Sur le carreau, Karena Lam interprète Hiu-Yeung, prof de danse et sœur de la victime condamnée par l’échec cuisant de la police. Trois ans plus tard, Hiu-Yeung va mieux, s’est même mariée avec Chi, ex-flic à l’œuvre sur la piste de son frère défunt. Eddie Cheung, collègue de Yuen-Chun, purge sa culpabilité silencieuse en se liant d’amitié avec la jeune femme. Pourtant Hiu-Yeung se prépare à mettre un plan radical à exécution : kidnapper le fils d’un riche homme d’affaires pour obtenir l’argent nécessaire à l’opération de son mari, condamné par la maladie. Et son adversaire ne sera nul autre que celle dont elle a eu l’occasion d’étudier les méthodes trois ans auparavant, Yuen-Chun. Si seulement tout s’était déroulé comme prévu...
La dernière phrase de ce résumé s’applique aussi bien à la description de la trame mouvementée de Kidnap, qu’au projet lui-même. Car il est certain que si Law avait réussi son coup à 100%, Kidnap aurait été une pure merveille. Vous vous doutez que la réalité est plus mitigée alors mettons la charrue avant les bœufs : Kidnap est un film mi-figue mi-raisin, tour à tour prenant et ennuyeux, précis et grossier, euh... bien et pas bien en fait. Hésitant : voilà qui résume bien l’ensemble. Alors que par moments le réalisateur fait preuve d’un aplomb évident - le démarrage en trombe du film, par exemple, porté par une repompe de la partition des Incorruptibles - il patauge régulièrement dans un flou narratif, incapable de décider si, oui ou non, il doit accorder plus d’importance à l’une ou l’autre de ses femmes. Qu’à cela ne tienne, il nous fait même croire un temps, que les hommes du film ont une importance. Ainsi Eddie Cheung, catalyseur sous-exploité, ou l’ex-mari de Yuen-Chun, fantasque faire valoir qui ne sert qu’à développer un côté inintéressant du personnage de l’inspectrice (sa soi-disant sexualité, involontairement parodiée par le couple de bout en bout) nous détournent-ils un long moment de la trame de l’enlèvement qui tourne mal. De façon assez flagrante d’ailleurs, Law semble perdu dans ces trop pleins de sentiments ; la partition héritée de Morricone disparait de ces scaynettes comme pour mieux souligner son passage du statut de réalisateur à celui de simple observateur, jusqu’à ce qu’il retrouve en l’épouse (Hiu-Yeung) ou la mère (Yuen-Chun), matière à poursuivre son histoire.
Lorsqu’il traite son sujet par contre, Law s’en sort avec les honneurs, appuyé par les performances remarquables de ses deux actrices. Il apparaît rapidement que le réalisateur doit abimer ou menacer la source d’une émotion pour que celle-ci nous soit palpable ; lorsqu’il le fait, et teinte donc son film d’une certaine force nihiliste ("je dois imaginer que mon fils est mort"), le terrain de la maternité contrariée l’emmène vers une confrontation bestiale des plus fascinantes. Le reste du temps malheureusement, Kidnap se languit de cette méchanceté sous-jacente, et nous aussi. D’autant que l’ensemble est tout de même un tantinet incohérent, et gagne à se laisser porter par l’incontrôlable rage qui sommeille en toute femme meurtrie plutôt que par sa prétendue mécanique crimino-psychologique, grippée de bout en bout. Reste que Rene Liu est très belle et juste (tout le temps), autant que fascinante de violence dans le quasi-extrémisme des dernières minutes du film.
Que du bonheur : le VCD HK de Kidnap, comme beaucoup de ses congénères ces derniers temps, bénéficie d’un ratio non respecté. Choisissez un autre support, donc.



