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Japon

Kids Return

aka Kizza Ritân - キッズ・リターン | Japon | 1996 | Un film de Takeshi Kitano | Avec Ken Kaneko, Masanobu Andô, Leo Morimoto, Hatsuo Yamaya, Michisuke Kashiwaya, Mitsuko Oka, Yûko Daike, Ryo Ishibashi, Susumu Terajima, Moro Morooka

Depuis quelques années, il m’est devenu difficile de pouvoir dégager deux heures consécutives, propices au visionnage d’un film ; du coup, le seul fait de me caler confortablement dans un fauteuil, devant un écran, qu’il soit petit ou grand, devient un événement en soi. Et la rareté de ces moments, pourtant si communs par le passé, me permet d’aborder chaque œuvre cinématographique avec une relative fraicheur. C’est dans ce contexte que j’ai pu redécouvrir récemment Kids Return de Takeshi Kitano.

Sixième film du réalisateur japonais, Kids Return nous ramène au cœur de notre jeunesse, de ses espoirs et de ses désillusions... Dans les mains d’un réalisateur français, on aurait probablement eu droit à une énième représentation de la perdition des jeunes des quartiers, façon La Haine, Entre les murs... mais de l’autre côté de la planète, sous la plume et l’œil de Kitano, la vision est évidemment plus abstraite, comme toujours, tout en usant des thèmes récurrents du réalisateur – l’univers des yakusas – et de certains éléments de sa propre jeunesse – la boxe, le manzai.

Kids Return, au premier niveau de lecture, nous conte donc l’histoire de Shinji et Masaru, deux lycéens en marge des salles de classe, à la recherche de leur destin, entre blagues potaches et délits de petites frappes. Au détour d’une salle de boxe, le premier y trouve sa voie dans les gants, tandis que le second, moins doué, entre chez les yakusas. Chacun à leur manière, ils vont vivre leur première expérience d’intégration dans une société organisée. Dans un premier temps, ils vont apprendre le respect des codes et des lois propres à ces univers, mais ils vont également très vite se rendre compte que les règles du monde adulte n’échappent pas davantage aux transgressions qui sévissent déjà dans les cours d’écoles.

Autour de nos deux héros gravite toute une pléiade de personnages secondaires, venant apporter écho et résonance à la thèse principale du film : quel que soit le chemin emprunté au départ, la vie réserve toujours son lot d’emmerdes, de coups durs, et toute ascension est suivie d’une chute qu’il faut apprendre à accepter pour mieux rebondir. À la manière d’un boxeur, il convient de s’entraîner, d’apprendre les bons comme les mauvais coups, de travailler sa puissance, son endurance, son jeu de jambes... Et même si l’essentiel du film semble apporter un message pessimiste, voire nihiliste, à cette jeunesse, les derniers mots échangés entre Shinji et Masaru, à la toute fin, alors qu’ils tournent une fois de plus sur le vélo de Shinji dans la cour de leur lycée, concluent sur une note positive, chargée d’optimisme et de vérité.

Comme à son habitude, Kitano s’attarde sur la sobriété du jeu des acteurs, sur l’absence d’expression, mais tandis que celle-ci désole chez Horatio Caine sous le soleil de Miami, elle reste ici cohérente avec l’ensemble de la mise en scène et laisse au spectateur le soin de l’interprétation ; en théorie, un tel minimalisme de mise en scène est très casse-gueule, mais Kitano s’en sort parfaitement, une fois de plus, notamment grâce à la musique de Joe Hisaishi qui complète toujours aussi bien le spectre sensoriel. Le thème principal de Kids Return, avec ses nappes, ses percussions, est redoutable d’efficacité.

Sur le plan de la réalisation, on notera également que Kitano délaisse en partie ses ellipses et ses contre-champs de scènes dialoguées au profit de nouvelles figures, comme la persistance du plan fixe après la sortie de cadre des acteurs ; une hérésie pour un producteur/scénariste/réalisateur qui devrait, en principe, penser en permanence à la rentabilité des plans, qu’elle soit financière ou dramaturgique.

Étonnamment, (re)plonger dans Kids Return seize ans après sa sortie en salles ne m’a pas obligé à me replacer dans son contexte, bien au contraire. Tout en y portant un regard différent du fait de mes années, je suis arrivé à la même conclusion positive. Certes, la présence de personnages secondaires de tous âges ou la rencontre inattendue de Shinji et Masaru, après leurs premières blessures existentielles de jeunes adultes, en guise de prologue, m’ont sans doute permis d’appréhender plus facilement le film avec un regard rétrospectif sur ma propre jeunesse. Mais arriver à transmettre le même message de fond tout en usant d’une forme aussi libre d’interprétation me laisse admiratif.

- Article paru le jeudi 21 juin 2012

signé J-Me

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