Killing End
Herman Yau est un homme étonnant. Non content d’avoir, au fil des années, signé la réalisation de nombreux et disparates films d’exception, de The Untold Story à From the Queen to the Chief Executive, en passant par Taxi Hunter, Ebola Syndrome ou encore Master Q 2001, c’est aussi un chef opérateur renommé (poste qu’il a notamment exercé sur Time and Tide et Legend of Zu). Il a aussi porté - simultanément ou à tour de rôle, mais dans une moindre mesure - les casquettes d’acteur, producteur et même compositeur - et, bien entendu, de scénariste. Depuis peu d’ailleurs, cet authentique homme-orchestre de l’image signe (ou cosigne) les scénarios de la majorité de ses films ; c’est le cas de Master Q 2001, Nightmares in Precinct 7, Happy Family comme ce le fut pour Taxi Hunter en son temps - mais aussi pour le film qui nous intéresse aujourd’hui, Killing End. Réalisé dans la continuation de Nightmares in Precinct 7 justement, Killing End en reprend l’excellent casting pour livrer - une fois de plus ? - un film d’un pessimisme et d’une violence remarquables...
Dick (Andy Hui) et son partenaire Junk (Simon Loui) sont deux flics en mission nocturne, se faisant passer pour des valets de parking. Leur objectif : mettre la main sur un certain Master Fai (Michael Tse), mafieux notoire. Si les menottes sont bel et bien passées, l’opération s’avère être un échec : au lieu des 400 et quelques cachetons attendus par Dick et son informateur, Fai n’en a qu’un petite quarantaine sur lui ; le mafieux plaide non coupable, prétextant avoir trouvé une valise de drogue qu’il s’apprêtait à amener au commissariat quand Dick l’a arrêté. Bien entendu, notre serviteur de la loi prend plutôt mal ce retournement aberrant ; aussi s’apprête-t-il, batte de baseball à la main, à se venger sur la Ferrari de Fai... quand il est interrompu par une jeune femme légèrement vétue, qui une massue à la main, accomplit la basse besogne à sa place. Interloqué, Dick aide la demoiselle, June (Loletta Lee), à s’enfuir... Un premier accrochage avec Fai, le fils de Jesus, grand ponte des triades locales, qui marque le début d’une lutte acharnée opposant Dick au monde criminel. Un monde où la loi, l’amitié et même l’amour n’offrent apparemment aucune issue, représentant plutôt autant de raccourcis vers une mort inévitable...
Killing End débute comme bon nombre de polars HK modestes avant lui : en l’espace de cinq minutes, un antagonisme police/triades se met en place, et un premier jeu de rapports de force est mis en lumière, permettant de dessiner les contours du caractère du "héros" inteprété par Andy Hui. L’introduction du personnage de Loletta Lee déjà, offre au scénario sa première dose d’originalité. La force de Killing End cependant, avant que le mécanisme de destruction de Dick se mette en place, provient de l’incroyable réalisation de Herman Yau. Plus que jamais, la caméra du metteur en scène est un personnage à part entière, comme en témoigne le tour de force constitué par la première véritable altercation entre Dick et Fai : la caméra ne cesse d’évoluer entre eux, tournant autour des deux acteurs sans jamais perdre son objectif de vue - Michael Bay et ses travellings circulaires purement non-sensiques peut aller se rhabiller ! Herman Yau lui, insuffle un dynamisme réjouissant à une scène ultra-classique ; ce faisant, il la transcende pour la caricaturer - et le look de Michael Tse n’est aucunement pour le desservir !
Mais cette impression de polar ultra-stylisé, servi par de belles gueules et un superbe minois (Loletta Lee, qui n’a rien perdu de sa beauté en se rangeant des Cat III), n’est là que pour mieux tromper le spectateur, l’écarter quelques instants du véritable enjeu du film. Dick/Andy Hui lui-même s’y perdra, persuadé que sa noblesse morale et son affection pour la loi peuvent le sortir de cette affaire somme toute quelconque ; aussi lorsque l’enjeu du film prend un virage en angle droit, avec l’éxecution eclair de Fai, Dick perd-il définitivement prise sur le cours de l’histoire - tout comme le spectateur qui perd son unique point de repère, avec la disparition du seul antagoniste "palpable" du héros. C’est alors que June prend toute son importance, avec ses pertes de mémoire et ses effrayantes sautes d’humeur : quasi-schizophrène, elle symbolise parfaitement le côté imprévisible et violent de Killing End, déconstruction arythmique toute en durée. Face à cette absence de règles et de repères, autant laisser sur l’instant une colère s’exprimer - après tout, c’est un acte spontané qui a pris les rennes de Killing End, non ?
Libre et vivante de bout en bout, la caméra de Herman Yau accompagne Dick jusqu’au terme de sa chute, sans jamais nous laisser une chance de retrouver un quelconque point d’appui - à part, paradoxalement, lors de quelques scènes de violence quasi-insoutenables. Un rythme narratif très particulier que Yau maîtrise de bout en bout, et qui permet à Killing End de sortir du lot des polars HK pour s’affirmer comme une petite merveille de noirceur, insaisissable.
Killing End est disponible en DVD HK chez Modern.
La copie est assez vilaine, avec des blancs qui vous brûlent la rétine tant ils sont saturés - autant vous dire que du coup, les sous-titres anglais et chinois simplifié imprimés sur la pellicule perdent régulièrement en lisibilité. Au moins, le film est au format, contredisant le "plein cadre" indiqué sur la jaquette ! J’oubliais : le film n’est même pas "timecodé"... et nous sommes en 2003 !!!
En guise de supplément, rien de plus que la bande annonce de Nightmares in Precinct 7. C’est peu...
Killing End est aussi disponible en VCD HK (pas vu).

