Kiril Razlogov
Kiril Razlogov, Directeur de la programmation du Festival International du Film de Moscou, est un personnage polyvalent du monde du cinéma Russe. Depuis des années, il exerce divers métiers liés au cinéma. Parmi ses fonctions importantes, on peut mentionner le professorat à l’Institut National de la Vinématographie Russe (VGIK), ainsi que la direction à l’Institut Russe de la Recherche Culturelle. L’Auteur de quelques 300 articles et 14 livres sur l’histoire de l’art, le film et les medias, il est aussi chercheur aux Archives Cinématographiques Russes (Gosfilmofond). Monsieur Kiril Razlogov s’est entretenu avec Lalit Rao de Sancho does Asia, le 21 juillet 2005 à New Delhi lors du Osian Cinefan 7eme festival du cinéma asiatique 2005.
Sancho Does Asia : En tant que directeur artistique du Festival International du Film de Moscou, à combien de festivals de cinéma assistez-vous afin de préparer un programme intéressant pour le votre ?
Kiril Razlogov : La séléction principale pour la section compétition se fait actuellement hors des festivals de cinema, sur des marchés du film comme Cannes ou Los Angeles. Autrefois, on faisait également cette séléction au MIFED. Sur une petite échelle, on séléctionne aussi des films au marché du festival de Berlin. Comme notre festival a besoin d’avant-premières, de films “vierges”, nous effectuons des visites particulières dans des pays déterminés. Pour les films hors compétition, on pourrait bien se servir de films déjà montrés dans d’autres festivals. Moi, personnellement, je fréquente 8 à 10 festivals de cinema par an. Il y a aussi 5 membres du comité de séléction qui voyagent à la recherche de films.
Au cours des dernières années, on dit que le Festival International du Film de Karlovy Vary est devenu beaucoup plus important que celui de Moscou. Est-ce que l’on peut dire que, là où Moscou perd, Karlovy Vary gagne ?
Après la chute du système communiste, la crise de ces deux festivals “socialistes” était commune. Le Festival International du Film de Karlovy Vary s’en est tiré en peu de temps. En 1994, celui-ci s’était déjà transformé en un événement annuel. Il a fallu un peu plus de temps au Festival International du Film de Moscou pour s’établir. C’est seulement en 1999 que celui-ci s’est régularisé, devenant une manifestation cinématographique annuelle. Au cours de ces cinq années, le Festival International du Film de Karlovy Vary a pris de l’avance sur le notre. Suite à cela, la compétition ainsi que la collaboration entre ces deux festivals s’est développée d’une manière normale.
De nos jours, on voit l’apparition de bons films provenant des pays d’Asie centrale, qui faisaient anciennement partie de l’union Soviétique. Quel est le point de vue de votre festival sur la révélation de ces films prometteurs ?
Nous essayons de soutenir nos anciens compatriotes, à la fois en compétition et hors compétition. En 2004,le film estonien La Révolution des Cochons, tourné conjointement par Jaak Kilmi et Rene Reinumagi, a remporté l’un des prix majeurs. Cette année, on a montré en compétition Le Berger du cinéaste Ouzbèke Yusuf Razykov.
Dans le guide du Festival International du Film de Moscou 2005, vous avez écrit que votre festival est celui de la transition. Pourriez-vous nous expliquer cette remarque ?
L’un des problèmes fondamentaux de tout grand festival de cinéma est le lien à la production cinématographique et la distribution. Il y a des années, nous avons dû arrêter le marché traditionnel du film au sein de notre festival. Celui-ci avait une utilité pendant la période socialiste, mais il a perdu son impact dans le système moderne, lorsque les deux systèmes politiques se sont séparés. Le marché du film était accaparé par Los Angeles et Cannes. Il est surprenant de constater que, parmi la concurrence, même le MIFED a disparu. Cette année nous avons pris des mesures afin d’introduire un marché de co-production dans le cadre de notre festival. Nous avons invité un groupe de producteurs Européens et avons organisé des rencontres avec des producteurs et des cineastes Russes. L’année prochaine, cette mesure sera suivie d’un programme du marché.
Comment est financé le Festival International du Film de Moscou ?
Le Festival International du Film de Moscou est financé principalement par le budget de l’état Russe. Ce chiffre varie entre 50% et 75% selon l’année en question. Il y a également la participation financière du gouvernement de Moscou, et des sponsors privés. Le budget total du Festival International du Film de Moscou en 1999, qui était d’ailleurs une année avantageuse, s’est élevé à 3,5 million de dollars. Pour cette année infructueuse,une somme de $ 2,5 million nous a été attribuée.
Est-ce que votre festival convoque des vedettes Hollywoodiennes afin d’attirer le public ? Est-ce que le prestige et l’art fonctionnent côte à côte au sein du Festival International du Film de Moscou ?
Oui.
Le Festival International du Film de Moscou se déroule annuellement au mois de Juin. Combien de temps à l’avance travaillez-vous à l’organisation de votre festival ?
Nous travaillons tout au long de l’année afin de mettre au point les sections non-compétitives et d’autres événements spéciaux. C’est pendant le trismestre Mars-Mai que nous préparons la section compétitive
Aujourd’hui, le Festival International du Film de Moscou devient de plus en plus célèbre.Il y a quelques années, quelles étaient les contraintes auxquelles votre festival a dû faire face ?
Nous avon dû faire face à des contraintes politiques, à la fois à l’intérieur du système (la censure) et aussi à l’extérieur (le boycottage). Il était difficile pour nous de nous procurer certains films pour notre festival. Il y avait également des gens qui ne souhaitaient pas venir dans “l’empire maléfique”. Comme la plupart des grands cinéastes appartenaient à l’idéologie gauchiste, nous pouvions facilement travailler avec eux avant les changements politiques.
Selon vous, quelle est la différence entre le Festival International du Film de Moscou avant la chute de l’union soviétique, et celui-ci après les changements politiques ?
La différence sommaire réside dans le fait qu’avant, ce festival était extrêmement populaire vu que celui-ci offrait la seule possibilité de voir les gros films Hollywoodiens et Européens. De nos jours, ceux-ci sont présents sur tous les écrans commerciaux. Le Festival International du Film de Moscou se sentait obligé d’avoir un aspect plus artistique, étant donné que la plupart de ses spectateurs sont des cinéphiles. Il est vrai que le public s’intéresse trop au cinéma d’auteur mais le nombre des spectateurs d’ensemble a diminué de manière dramatique. Il est impossible ou extrêmement onéreux pour d’autres cinéphiles des anciennes républiques de venir assister à ce festival à Moscou .
Que deviendra le Festival International du Film de Moscou d’ici cinq ans ?
Dans cinq ans, le Festival International du Film de Moscou devrait figurer parmi les meilleurs festivals de cinema, comme Venise et Berlin.
Interview réalisée à New Delhi le 21 juillet 2005 par Lalit Rao.


