Knightriders
George A. Romero fait partie de ces réalisateurs que tout le monde connaît, qui sont rentrés plus ou moins volontairement dans la légende mais qui ne parviennent pas réellement à vivre de leur art, et encore moins de leur réputation. Impossible en effet que son nom ne vous dise rien, puisque c’est lui qui, à 28 ans, révolutionna le film d’horreur avec sa Nuit des Morts Vivants (Night of the Living Dead) en 1968. Du coup, la mémoire vous revient et vous vous souvenez coup sur coup de son Zombie (Dawn of the Dead - 1978) et du Jour des Morts-Vivants (Day of the Dead - 1985). Ceux qui consomment du ginseng depuis leur tendre enfance parviendront même à faire remonter de leur abîme cérébrale le nom de Creepshow, réalisé en 1982 avec l’aide de son grand ami Stephen King. Mais qu’en est-il du reste de la filmographie de ce réalisateur à part, qui ne parvient plus à faire décoller un seul projet aujourd’hui ? Du père des morts-vivants modernes à qui l’on a refusé l’adaptation de Resident Evil pour la confier à Paul Mortal Kombat Anderson ?
Season of the Witch (1972), The Crazies (La nuit des fous-vivants - 1973), Martin (1977), l’excellentissime Monkey Shines (Incident de Parcours - 1988), Two Evil Eyes (Deux Yeux Maléfiques - 1990) en collaboration avec Dario Argento, le très inégal The Dark Half (La part des Ténèbres - 1993) pour ne citer que les plus connus - jusqu’à l’injustement boudé Bruiser (2000) : autant de films qui se démarquent de l’ensemble de la production du genre par une approche très (trop) humaine, et surtout redoutablement anticonformiste - voire anti-commerciale. Petit oublié (volontaire) de la liste précédente, Knightriders (qui n’est pas l’adaptation de K-2000, hein...) se pose bien là en tant que monument de "non-cinéma". Ce qui ne veut pas dire qu’il soit pour autant inintéressant...
"The Games... The Romance... The Spirit... Camelot is a state of mind."
Une troupe itinérante hors du commun vit ses heures de doute face à la pression d’une police intolérante : menés par Billy (... Ed Harris !!!), Roi Arthur des temps modernes, les membres d’un Camelot improbable mettent au goût du jour les tournois chevaleresques d’antan en passant des destriers aux deux roues. Parmi eux, Morgan (Tom Savini), le Chevalier Noir, a perdu l’esprit de Camelot et se laisse tenter par l’éclat de Las Vegas par dépit, incapable de récupérer la couronne d’un roi faiblissant. Alan, noble prétendant au trône, ne comprend plus la détermination absurde de Billy, persuadé d’être condamné par l’oiseau noir qui hante ses rêves... Fragilisé par le doute et la division, le royaume de Camelot saura-t-il survivre aux épreuves de la société moderne ?
En quelques images, le ton du film est donné : Ed Harris se prélasse dans la forêt avec une donzelle légèrement vêtue avant d’aller se flageller, nu, dans la rivière. Il s’agenouille ensuite devant son épée avant d’enfiler son armure et de monter sur... sa moto ! Knightriders peut alors commencer, et nous entraîner pendant 145 minutes dans un univers aussi kitsch et injustifié qu’attachant, et ce en dépit d’une liste de faiblesses plutôt longue - sa durée en tête...
Pour résumer, on pourrait dire que Knightriders est un peu le Easy Rider meets Rollerball de Romero, avec une approche à la Bronco Billy. La force de Romero, c’est cette mise en scène d’un morceau d’ "americana" inventé de toutes pièces et jamais expliqué, à la fois sincère et empreinte de la nostalgie d’une mythologie qui n’a pourtant jamais effleuré la côté américaine. Paradoxalement, ce sont aussi ces atouts qui constituent les faiblesses d’un film en roue libre à bien des aspects : trop long, trop idéaliste, rarement bien filmé (surtout en ce qui concerne les joutes mécaniques), et surtout trop personnel, Knightriders est autant une réussite (personnelle) qu’un échec (cinématographique).
Alors des bonnes idées, il y en a, c’est certain ; la fin du film les résume d’ailleurs parfaitement, autant qu’elle caractérise l’ensemble de ce métrage décidément bien trop long : Romero est incapable d’exposer simplement des idées qui lui tiennent trop à cœur, et se retrouve souvent à se poignarder lui-même dans le dos, tout seul, comme un grand.
Quoiqu’il en soit, Knightriders s’intègre parfaitement au sein de la filmographie de ce grand monsieur sous-estimé, qui s’est souvent servi de l’excuse du fantastique pour étudier le côté primitif du comportement humain, seul ou en groupe, face une société consumériste et axé sur l’image (de soi ou des autres). C’était déjà le sujet de la trilogie des morts vivants, ça aurait dû être celui de La Part des Ténèbres (puisque c’était celui du redoutable roman de Stephen King), et c’est toujours celui de Bruiser, dont la première heure est véritablement exceptionnelle. Mais passion n’a que très rarement rimé avec discernement, et on pourrait aisément reprocher aux producteurs de Romero de ne l’avoir jamais aidé à mettre en valeur son approche si particulière d’un genre souvent trop codifié.
Si l’intégrité demeurera toujours une qualité, elle peut aussi frôler, si incontrôlée, une certaine forme de stupidité (dont Jean Rollin sera éternellement une illustration). Romero a toujours su éviter cet écueil grâce à son originalité et son intelligence ; nous attendons avec impatience son adaptation de The Girl Who Loved Tom Gordon de Stephen King, pour voir si quelqu’un aura enfin l’intelligence de le canaliser pour lui rendre la place qu’il mérite sur nos écrans.
NB : Knightriders, c’est un peu la fête aux caméos de l’univers Romero : le héros de Zombie, Savini l’homme à tout faire, mais aussi Patricia Tallman (qui incarne la très niaise Julie), future réincarnation de Barbara dans le remake de La Nuit des Morts Vivants signé... Tom Savini, ainsi que Stephen King et sa femme Tabitha en beaufs de luxe... et j’en passe ! Une réunion de famille, en somme...
DVD zone 1 édité par Anchor Bay... pas vu mais tout est dit !!! Avec commentaire, trailers, et "Behind-the-scenes home movies" !



