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L’Expérience

aka Das Experiment | Allemagne | 2000 | Un film de Oliver Hirschbiegel | Avec Moritz Bleibtreu, Christian Berkel, Oliver Stokowski, Wotan Wilke Möhring, Stephan Szasz, Justus von Dohnanyi

L’enfermement : qu’il soit physique ou psychologique, le cinéma ne manque pas d’exemples d’oeuvres traitant de ce thème. Il est vrai qu’il est assez fascinant, tant il exacerbe les tensions, les pulsions, l’instinct de survie et, pourquoi pas, les sentiments. Souvent, l’enfermement est la conséquence d’une faute, réelle ou imaginée (Midnight Express, Papillon), ou celle d’une pathologie (Birdy, Spider). Il est rarement provoqué avec le consentement des sujets enfermés.

C’est là toute l’originalité d’un petit film allemand, sorti en 2001 outre-Rhin et qui arrive aujourd’hui sur nos grands écrans. Son titre, L’Expérience, explique bien cette particularité. Le Professeur Thon, scientifique souhaitant observer le comportement d’une petite communauté humaine mise dans des conditions artificielles de détention, publie dans un quotidien une annonce demandant des cobayes pour son étude. Les personnes qui répondent sont d’origines très diverses, et sont mues par des motivations très différentes. Pour certains, bien sûr, c’est l’appât du gain qui prime, pour d’autres, c’est l’occasion de vivre une expérience extraordinaire... Pour Tarek, jeune journaliste reconverti taxi, c’est l’intérêt professionnel qui l’emporte : il veut infiltrer l’expérience pour pouvoir rédiger un article qu’il pense sensationnel...

Jusque-là, tout va bien. Mais le réalisateur ne se contente pas de faire un documentaire sur une expérience en psychologie, fût-elle inédite. Il nous emmène bien plus loin : les vingt cobayes sont, dès le départ, séparés en deux groupes. Douze d’entre eux "joueront" les détenus, les huit autres faisant office de gardien, le but étant de vérifier si, bien que la situation soit totalement artificielle, les mêmes phénomènes que dans une prison réelle se produisent. Et on n’est pas déçus du voyage : si, au départ, la règle la plus stricte entoure l’utilisation de la violence, la situation dégénère peu à peu, sous la conduite de Berus, qui devient par la force des choses le leader du clan des gardiens. Il s’oppose de manière frontale à Tarek, qui joue pour sa part le rôle de perturbateur qu’il s’est assigné.

Sans dévoiler plus avant l’évolution de la situation, on peut dire qu’elle dégénère à un point assez peu imaginable ! Certains pourront d’ailleurs penser que le réalisateur va trop loin et perd du même coup le fil de son récit, ainsi que la crédibilité de son scénario. Mais si l’on accepte de se dire "après tout, pourquoi pas ?", l’effet est saisissant, et l’on passe sans réellement s’en rendre compte d’un petit thriller psychologique à un film de terreur, d’autant plus réelle que nul monstre, nul esprit maléfique n’intervient. Il ne s’agit que de comportements humains poussés à leur extrémité par des circonstances ultra-stressantes. Et ça fait peur. Pas à la façon d’un bon vieil Halloween ou de Ring, donc. D’une manière plus insidieuse, plus proche de nous. C’est une véritable plongée dans la psychologie humaine, qui fait se poser des questions sur l’instinct de survie, sur la révélation de la nature réelle des individus lorsqu’il leur est permis d’ôter le masque que la société les oblige à porter.

Reste que tout n’est pas parfait, notamment dans les intrigues secondaires du scénario. L’histoire d’amour entre Tarek et la fille rencontrée la veille de son "enfermement" apparaît notamment comme collée sur l’intrigue principale, mais ne fait pas avancer l’histoire. Un petit bémol un peu gênant dans la mesure où il amène à penser que cette intrigue secondaire (qui finit par rejoindre la principale, certes, mais on n’avait pas besoin qu’une histoire d’amour s’insère dans une telle histoire) a été ajoutée pour faire un film d’une longueur convenable.

Le film a néanmoins été apprécié dans les pays où il est déjà sorti, et a notamment reçu quelques prix dans plusieurs festivals. Réalisé avec relativement peu de moyens, il fait l’économie de décors coûteux en les limitant, la plupart des scènes se déroulant dans la prison reconstituée. Des caractéristiques qui laissent plus de place aux idées et au jeu des acteurs. Les deux antagonistes, Tarek (Moritz Bleibtreu) et Berus (Justus von Dohnanyi) sont d’ailleurs assez remarquables et l’ensemble des personnages est intéressant...

En salles à partir du 21 mai 2003.

Site officiel du film (en allemand) : http://www.dasexperiment.de.

- Article paru le jeudi 1er mai 2003

signé Lester D. Shapp

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