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Japon

La Coiffeuse

aka Amazing Story - Kanzen Naru Shiiku - Onna Rihotsushi no Koi - Perfect Education 5 | Japon | 2003 | Un film de Masahiro Kobayashi | Avec Kazuki Kitamura, Keiko Oginome, Naoto Takenaka

Un paysage désolé et enneigé, un sentiment de solitude, un homme seul en costard cravate, un pachinko, une petite ville,... S’il ne s’agit pas là d’un film de Masahiro Kobayashi, je me coupe les cheveux.
Bon, j’avoue qu’il n’est pas bien difficile de reconnaître la patte de Kobayashi dès les premières images de son dernier film en date en tant que réalisateur, La Coiffeuse. Non pas que cela soit un mal, bien au contraire. Les films de Kobayashi sont suffisamment rares pour en plus passer à côté, quand bien même on ferait la fine bouche. Cet amoureux du cinéma français (le titre japonais est sous-titré par La Coiffeuse, en français dans le texte tout comme le générique), et de Truffaut en particulier, n’a pas réalisé beaucoup de films mais la plupart ont laissé une marque chez ceux qui les ont vus (Closing Time /1996, Bootleg Film /1998, Koroshi /2000). Il a de plus écrit les scénarios de nombreux films érotiques, principalement pour le réalisateur Toshiki Satou.

Avec La Coiffeuse, Kobayashi s’attaque en fait à une série de films, Perfect Education, que de la petite production d’exploitation principalement destinée au marché de la vidéo, et qui avait été initiée en s’inspirant d’un véritable fait divers, il amène vers le film d’auteur (le film a été présenté au festival international du film de Locarno en 2003 où il a obtenu un prix). Car ne nous y trompons pas, quand Kobayashi revêt la casquette de réalisateur, c’est un tout autre personnage que celui qui écrit des scénarios érotiques. Preuve s’il en faut, l’absence presque totale de scènes érotiques dans La Coiffeuse.

Kenji (Kazuki Kitamura) arrive dans une petite ville d’Hokkaido. Presque aussitôt, il se dirige vers un salon de coiffure et y observe Harumi (Keiko Oginome), la femme du propriétaire du salon (Naoto Takenaka) qui dilapide l’argent du commerce au pachinko. Cela fait en réalité trois années qu’il est à sa recherche, fou amoureux d’elle mais ne lui ayant jamais déclaré sa flamme. Il décide alors de la kidnapper. Une fois Harumi captive chez lui, elle ne tarde pas à apprécier Kenji et peu à peu s’installe une vie de couple ordinaire. Mais tous deux savent qu’une telle situation ne peut durer.

Kobayashi réalise tout de même avec La Coiffeuse un film qui entre dans le cadre de la série Perfect Education (caractérisée notamment par un kidnapping et séquestration ainsi que le présence de Naoto Takenaka, un fidèle des films de la série), mais la reprend à son compte et c’est bel et bien à un film de Kobayashi que l’on a à faire. Il abandonne notamment le côté exploitation avec une séquestration qui ne dure que très peu de temps, ainsi que le jeune âge habituel de la captive.

Comme évoqué précédemment, Kobayashi aime à s’intéresser à des thèmes tels que la solitude (et son compagnon, l’amour, ou du moins son absence) et le choix des lieux s’en ressent particulièrement. La neige, la désolation (désoeuvrement, chômage) et la campagne sont des éléments presque indissociables d’un film de Kobayashi, et bien sûr de La Coiffeuse. Et si ce dernier peut apparaître comme un film sur l’amour, on s’aperçoit vite qu’il s’agit exactement du contraire. L’amour existe certes, mais il est univoque, temporaire et c’est toujours à la solitude que les héros de Kobayashi sont confrontés. D’ailleurs, lorsque le couple commence à avoir des activités de tout couple ordinaire, comme faire les courses, on sait pertinemment que l’on vient de franchir un point de non retour. Ce couple n’est pas fait pour vivre en couple, aussi paradoxal que cela puisse être.

Car Kenji est un égoïste et Harumi a vite fait d’abandonner son mari. Il n’y a pas entre eux ce bel amour mille fois décrit dans les films romantiques, cet amour de contes prêt à terrasser des dieux et aplanir des montagnes. Harumi est un égoïste, un maniaque pas très dangereux mais tout de même, il y a quelque chose de la folie chez cet homme, en plus d’une tendance suicidaire.

Dans des décors vides, une ville presque fantôme, Kobayashi nous décrit le bonheur furtif de deux êtres qui ne sont pas faits pour cette ville ni même, probablement, l’un pour l’autre. C’est une sorte d’ultime instinct de survie de deux égarés qui les fait partager un instant de vie en commun.

La caméra de Kobayashi parvient parfaitement à capturer ce sentiment de furtivité, de vide, d’inexistence, d’absence encore. Les lieux, où la banalité se confronte au désarroi, sont au moins aussi importants que les personnages. La caméra glisse souvent, soit pour trouver les personnages soit pour s’en écarter. Jamais les visages ne sont filmés en gros plan, il y a toujours une certaine distanciation entre la caméra et les personnages, enlevant ainsi toute forme de voyeurisme. Et dans ces conditions où le vide des lieux est omniprésent, les êtres ne sont plus que des silhouettes aux allures de fantômes, à se demander s’ils sont encore vivants (mention spéciale au frêle et parfait Naoto Takenaka). Dans ces conditions écrasantes de vacuité, il faut bien avouer que Kazuki Kitamura s’en sort comme un chef, parvenant à donner une consistance à son personnage, tandis que Keiko Oginome, toute en discrétion, fait presque oublier sa présence, au point de nous faire douter de l’existence de cette femme que Kenji cherche depuis si longtemps. N’est-elle pas après tout, qu’une chimère ?

Le tour de force de Kobayashi est d’avoir fait un film sur le vide et la solitude sans être le moins du monde ennuyeux, tout en partant sur la base d’une série qui ne laissait pas présager de prendre une tournure aussi surprenante. C’est peut-être avec un tel film que l’on peut prendre la réelle mesure de l’immense talent de Masahiro Kobayashi.

La Coiffeuse est disponible en DVD HK chez Universe, sous-titré en anglais.

- Article paru le vendredi 21 janvier 2005

signé Zeni

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