La Fille du feu
Le sang bouillonnant qui coule dans une famille de chamans transcende les générations.
Yong Nyo est un journaliste qui, nuit après nuit, rêve ou cauchemarde de la même femme depuis des années. Cette femme, il lui semble la connaître : cette chamane n’est autre que sa mère qu’il n’a pas vu depuis ses 11 ans. Yong pousse son rédacteur à l’envoyer couvrir l’événement dit du Miracle de Moïse (un bras de mer s’ouvre littéralement en deux et les badauds peuvent rejoindre l’île située juste en face). Le reporter, accompagné d’une photographe délurée et secrètement amoureuse de lui, se rend sur les lieux en question, devenus un pèlerinage pour les chrétiens de toute la Corée. Parmi ces croyants se trouvent sa femme, fervente pratiquante.
Après une décennie 70 remplie de près de 42 films, Im Kwon Taek nous conte une bien belle histoire de recherche de racines, de passé et surtout de réponses. La vie réelle de Yong n’a plus grand intérêt. Ses rêves incessants ont pris le pas sur son couple, il délaisse sa femme qui préfère ses réunions de chants psalmodiques et se retrouve impuissant devant les crises de somnambulisme de son fils. L’homme, à bout de forces, n’a d’autre choix que rechercher à tout prix l’origine de ses songes. Incapable de faire la part des choses dans un premier temps, Yong s’ouvre peu à peu à son inconscient et parvient à identifier la femme parmi des souvenirs d’enfance, lors d’une cérémonie religieuse.
Ainsi c’est dans le monde des rêves qu’Im Kwon Taek décide de démarrer son film. Pensant, à juste titre, que pendant le sommeil le cerveau fonctionne bien plus qu’en plein réveil. De plus cette façon de rêver est intimement liée au sang qui coule dans ses veines, dans les veines de chacun d’entre nous d’ailleurs. En effet, s’il est deux dogmes indissociables dans La Fille du Feu ce sont bel et bien le destin et la méditation continuelle qui règnent dans cette famille.
Il faut bien comprendre que le personnage de Yong est hanté par le souvenir de sa mère au même niveau que le souvenir de cette cérémonie religieuse. Comme si cette ferveur se propageait dans tous les corps, les esprits, les cœurs de cette famille. Car quoi de plus important pour Im Kwon Taek, que la force émanant des liens de l’amour filial. Et en 1983 ce n’était en rien évident de se battre pour en faire le sujet d’un film.
Im Kwon Taek n’a jamais aussi bien expliqué ces rapports ; pour voir quelque chose s’en approchant il faudra attendre son Beyond the Years, réalisé plus de 20 ans plus tard. Car si les similitudes sont légions entre cette Fille du feu et les dernières œuvres du maîtres (Ivre de femmes et de peintures, Le Chant de la fidèle Chunhyang), le film n’en reste pas moins une belle petite histoire de racines retrouvées et enfin embrassées. Et qu’est-ce qu’on dit… Merci Im Kwon Taek !!!
La Fille du feu a été diffusé dans le cadre de l’hommage rendu à Im Kwon-Taek lors de la 10ème édition du Festival du Film Asiatique de Deauville.


