La Meute
Sans direction plus précise qu’un point cardinal, guidée par une pile de CD à épuiser, Charlotte (Emilie Dequenne), gentiment rebelle, conduit, évitant tant bien que mal les provocations de quelques motards lubriques. Echaudée, elle met en garde le dénommé Max (Benjamin Biolay) de garder son attirail au placard lorsqu’elle accepte de le prendre en stop. Pourtant, une sorte d’amitié, faite d’absence d’animosité plus qu’autre chose, se lie entre les deux taciturnes. Aussi, lorsque Max disparaît littéralement dans les chiottes du boui-boui de La Spack (Yolande Moreau), Charlotte est bien déterminée à retrouver sa trace. Le hic, c’est que la jeune femme, toute keupon qu’elle soit, n’a visiblement jamais vu Massacre à la tronçonneuse.
Franck Richard par contre, l’a certainement vu autant de fois que moi. Comme tant de cinéastes qui s’adonnent au survival européen (cf le norvégien Manhunt, pour bon exemple récent), Richard se laisse guider par le roadmap établi par Tobe Hooper. Difficile du coup, de ne pas identifier d’emblée Benjamin Biolay comme le Nubbins Sawyer belge ; pourtant l’évidence ne dégonfle aucunement la narration imprécise de La Meute. Au contraire même, puisque Richard puise dans la citation une exposition implicite, à l’attention de l’amateur du genre, dans l’idée de mieux le surprendre, un peu – euh, beaucoup - plus loin.
Du survival chez les ploucs, La Meute glisse en effet ensuite peu ou prou vers le torture porn (mais bon sang, que fait ingérer La Spack à Charlotte ?), le Carpenter, etc, sans logique évidente. Le réalisateur empile les références pour masquer aussi longtemps que possible sa singularité – sa meute éponyme, de bien belles créatures liées de façon sordide au passé minier de la région, façon de dire que le film d’horreur reste avant tout social. On le comprend : si celle-ci est intéressante, elle est tout autant maigre, et n’offrait pas, ou si peu, matière à livrer un long métrage ; et ce même si Richard regarde un peu ses bébés comme Amando de Ossorio ses templiers d’outre-tombe. Le problème étant finalement qu’à force de repousser son enjeu, La Meute n’en termine pas de démarrer, additionne les entrées jusqu’à un dessert un peu trop cuit, et omet le plat principal en cours de route.
A moins que la nourriture soit simplement à trouver, à l’écran, dans les contre-emplois de Yolande Morau (encore que), Benjamin Biolay (impeccable dans son incarnation aussi volontairement monocorde que ses interprétations musicales) et Emilie Dequenne. Nahon, lui, fait partie des habitués, de la marge comme de la fange, n’en déplaise à sa bonhommie naturelle. Aussi la façon dont son personnage d’ancien flic porte son très classe t-shirt (« I fuck on the first date ») n’étonnera-t-elle personne. Tout ce petit monde dresse un tableau dispensable mais agréable, qui profite de l’espace offert par la matière empruntée, atout de l’inconscient horrifique collectif, pour épancher sa divertissante grossièreté (« je vais repeindre mon lino avec le jus de tes couilles » et autre « ma bite a rendez-vous avec le cul de mademoiselle »). C’est assez bas de plafond, mais le cadre est impeccable, la photo jolie, Emilie charmante, et le dernier plan du film, pour le coup, superbement nihiliste.
Mention spéciale, pour terminer, à l’une des entrées du générique de fin, menace proférée à l’encontre de cet inconnu qui s’amuse à coller des petites étiquettes sur les pommes. Cela joue assez peu dans l’appréciation du film, soit, mais rangé aux côtés des points positifs de La Meute, cet enthousiasme rentre-dedans et finalement assez modeste lui garantit une place d’affection, à défaut d’estime véritable, dans ma cinéphilie (très) personnelle.
Sorti sur quelques écrans français le 26 septembre 2010, La Meute est disponible en DVD chez Pathé.




