La Trilogie
Attention spoilers !!!
Il aura fallu 10 ans à Lucas Belvaux, réalisateur belge (Parfois trop d’amour, Pour rire !), pour finaliser ce projet unique de tryptique. L’idée est effectivement plus qu’originale : trois intrigues menées en parallèles, imbriquées sur un même laps de temps, impliquant six personnages, trois hommes et trois femmes, composant trois "couples". Le lien apparent entre les personnages, les trois femmes sont profs dans le même lycée. Dans chaque film, un couple est mis en lumière, les deux autres n’étant que secondaires. Le succès de ce projet repose sur l’incroyable performance des acteurs, rûdement mis à l’épreuve par Lucas Belvaux. Le tournage des trois films a été bouclé en cinq mois et demi, et les acteurs ont été contraints de tourner chaque jour un morceau de chaque film, les obligeant à jongler et composer avec leurs rôles respectifs à travers les trois histoires : Un couple épatant est une comédie, Cavale un polar, et Après la vie un drame.
Revenons sur les trois histoires :
Un couple épatant, la comédie, met en scène Cécile, (Ornella Muti) professeur et Alain (François Morel) à la tête d’une petite entreprise, amoureux comme au premier jour depuis 20 ans. Un couple sans histoires et sans ombres, qui partage tout, ne se cache rien. Cependant, pour la première fois, Cécile est convaincue qu’Alain lui cache quelque chose. Ce qui est le cas, car Alain, grand hypocondriaque, pense qu’il va mourir et décide de se faire opérer sans en parler à Cécile pour ne pas l’inquiéter.
L’angoisse de Cécile se décuple lorsqu’elle découvre, lors de la fête surprise qu’elle prépare pour l’anniversaire d’Alain, que ce dernier lui ment. Il prétexte être arrivé en retard à la fête parce qu’il a du raccompagné chez elle sa secrétaire, Claire (Valerie Mairesse). Or ce qu’il ignore, c’est que cette même Claire venait de passer ces dernières heures avec Cécile justement, à organiser la petite sauterie...
À partir de là va commencer une vraie crise de paranoïa pour Cécile qui est convaincue qu’Alain lui cache quelque chose de grave (peut-être une maîtresse ?), et pour Alain, qui voit sa fin proche, enfermé dans son délire et son incapacité à en parler à sa femme. Cécile décide de demander les services d’un flic, Pascal (Gilbert Melki), le mari d’une de ses amies et collègues Agnès (Dominique Blanc), pour filer Alain. Au fil du temps Alain se rend compte non-seulement qu’il est suivi par un homme, mais qu’en plus très souvent il aperçoit ce même homme en compagnie de sa femme ! De plus Pascal, à force de cotoyer Cécile, en tombe amoureux, et cherche à tout prix à démontrer qu’Alain la trompe, quitte à tout inventer. Et est-ce que le monde devient fou ? Agnès la femme de Pascal, est visiblement tombée amoureuse d’un SDF, Pierre, qu’elle demande à Cécile de planquer...
Est-ce que Cécile trompe Alain, est-ce qu’Alain trompe Cécile ? L’histoire nous montre à quel point les non-dits au sein d’un couple peuvent y alimenter toutes sortes de doutes, d’angoisse et de paranoïa. Mais l’issue du film est comique et joyeuse, Alain et Cécile y voient enfin clair et se jurent de ne plus jamais rien se cacher.
Cavale, le polar, nous montre l’histoire de Bruno (Lucas Belvaux) qui s’évade après 15 ans de prison pour continuer sa lutte contre le patronat. Il est à la tête d’un groupe de militants prolétariens, et espère bien, grâce à l’aide de Jeanne (Catherine Frot), une ancienne activiste qui a échappé à la prison, faire libérer les autres membres du groupe et reprendre la lutte. Malheureusement pour Bruno, ses anciens camarades ont tous retourné leur veste ou ont été assassinés, et il se retrouve seul. Même Jeanne, que l’on devine être son ancienne maîtresse, a entièrement tourné la page, est devenue professeur, s’est mariée, a eu un enfant et vit confortablement. Elle refuse donc tout contact avec Bruno, d’autant plus qu’elle est surveillée étroitement par les flics et par Pascal, chargé de l’enquête depuis l’annonce de l’évasion de Bruno, qui la cuisine et la maintient en garde à vue au poste, convaincu qu’elle sait quelque chose.
Parmi ses anciens alliés, Bruno décide de se tourner vers Jacquillat, parrain de la mafia locale, lequel refuse également de reprendre une quelconque activité révolutionnaire aux côtés de Bruno qu’il juge trop dangereux. Effectivement Jacquillat est protégé par Pascal, le flic verreux. Ce dernier ferme les yeux sur les faits et gestes du mafieux, en l’échange de la dose de morphine quotidienne nécessaire à la survie de sa femme.
Bruno, desespéré, va devoir agir seul, se cachant dans un parking souterrain le jour, ne sortant que de nuit pour accomplir ses "missions". Mais la nuit réserve son lot de surprises. Un soir, il rencontre Agnès (Dominique Blanc), toxico morphinomane en manque, errant dans les rues à la recherche d’un shoot, à laquelle plus aucun dealer ne veut vendre de came. Et pour cause, son mari Pascal est flic ! Agnès comprend vite que Bruno (qui prétend s’appeler Pierre...) est recherché mais refuse de connaître quoi que ce soit de son passé. Un accord naît entre eux, elle le planque (tout ça pendant que Pascal le recherche !), et en échange, il lui trouve de la came. Agnès fait passer Bruno auprès de Cécile pour un SDF paumé dont elle serait tombé amoureuse, et demande à son amie de l’héberger. Bruno se retrouve planqué dans le chalet de vacances d’Alain et Cécile, à l’abri pour mener à bien son action, faire sauter le Palais de Justice au passage, retrouver Jacquillat pour lui faire exploser la cervelle... Jusqu’au jour où se sentant coincé il décide de s’enfuir, de passer la frontière à pied (par les Alpes), où il trouvera la mort en tombant dans une crevasse.
Enfin dans Après la vie, le drame, l’accent est mis sur la vie de couple torturée d’Agnès (Dominique Blanc) et Pascal (Gilbert Melki). Depuis qu’ils se connaissent et qu’ils s’aiment Agnès se drogue. Elle se droguait déjà avant de rencontrer Pascal, il y a 15 ans, qui ne s’est aperçu de sa dépendance qu’après six mois de vie commune. Pascal quant à lui, est un flic sans états d’âme. Son seul problème, la dépendance à la morphine de sa femme. Le couple vit son amour reclus, Pascal ne connaît pas les amis de sa femme, jusqu’au jour où l’une d’elle, Cécile, va lui demander de filer son mari Alain.
Depuis le début de leur histoire, Pascal ne peut se résoudre à soumettre Agnès à l’humiliation d’aller trouver sa came toute seule dans la rue comme une dépravée et une marginale. Il passe alors un accord avec Jacquillat, le méchant local, et décide de fermer les yeux tant que celui-ci lui fournit la came pour sa femme. Pascal et Jacquillat apprennent l’évasion de Bruno, tous les deux veulent sa peau. C’est là que tout bascule, Jacquillat revient sur son accord avec Pascal : tant que Bruno ne sera pas épinglé voire buté, plus de came pour la belle Agnès. Qui sombre dans des crises de manques plus atroces et déchirantes les unes que les autres. Ce qui va la pousser à sortir acheter sa drogue elle-même, se sentant délaissée par son mari. Malheureusement, aucun dealer ne veut lui en vendre. Elle s’y prend maladroitement avec un petit dealer merdeux qui la roue de coups pour qu’elle foute le camp.
C’en est trop pour Bruno, qui a assisté par hasard à toute la scène, planqué de l’autre côté de la rue. Il intervient et décide d’aider Agnès et de la ramener chez elle. Ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’Agnès est filée par les hommes de Jacquillat. Le mafieux apprend à Pascal que Bruno se trouve chez lui, avec sa femme ! Pascal fou de rage se rend chez lui discrètement, mais se retrouve désarmé face à la situation : Bruno est en train d’aider Agnès à traverser une crise de manque, ce qu’il n’a jamais su/pu faire pour elle. L’amour pour sa femme étant plus fort, il ressort de chez lui dépité, sans avoir épinglé Bruno. Jusqu’au jour où Pascal est à deux doigts de mettre la main sur lui, Jacquillat cède et lui refile la dose de morphine tant désirée... que Pascal ramène à Agnès, qui a enfin décider de décrocher !!!
On s’attend au pire, Pascal sombre dans le désespoir le plus profond, il pense que maintenant qu’Agnès veut reprendre une vie "clean", elle n’aura plus besoin de lui. Il s’échappe sur les collines qui surplombent Grenoble pour se suicider... Mais Agnès le rejoint à temps pour lui confirmer son amour. Et tout finit bien, pour eux en tout cas !
Bon, vous avez suivi ?
Il faut saluer sans conteste le mérite incroyable des acteurs, qui ont réalisé un véritable tour de force en jouant chaque jour un morceau des 3 films, ce qui les a forcé à composer avec les différents traîts de caractères de leurs personnages respectifs. Ainsi par exemple dans Un couple épatant, Pascal apparaît comme un petit flic minable dont les méthodes de filature font mourir de rire, Bruno comme un homme plûtot inoffensif et paumé...
Seul hic à tout ça, Cavale est desservi par le jeu de Lucas Belvaux dans le rôle de Bruno, ainsi que par Catherine Frot dans celui de Jeanne. Le réalisateur ayant eu un mal fou pour son casting masculin, il a décidé d’endosser lui-même le rôle du révolutionnaire. Choix malheureux car il n’est pas bon acteur pour un sou, ce qui ferait presque perdre au film tout son aspect sombre et inquiétant. Quant à Catherine Frot : Dominique Blanc, qui ne tient a priori qu’un rôle secondaire dans ce film, lui vole totalement la vedette. Elle est absolument bouleversante dans les trois films dans son rôle de professeur amoureuse bien sous tous rapports le jour, et morphinomane desespérée et torturée la nuit. Gilbert Melki est également époustouflant dans cette trilogie, ce qui nous change de son rôle dans La Vérité Si Je Mens 1 & 2 !!! Bref, le couple Blanc-Melki crève l’écran à chaque instant !
Pour ce qui est de la réalisation, Lucas Belvaux a choisi 3 méthodes différents. Pour Un couple épatant, la majorité de l’histoire est tournée de jour. La mise en scène est des plus neutres, tout le comique provient des situations loufoques et n’est dû qu’au jeu des acteurs. Dans Cavale, l’effort est particulièrement mis sur les contrastes de lumières. Le film se déroule cette fois-ci majoritairement la nuit ou dans l’obscurité, pour appuyer sur l’aspect reclus du personnage pricipal. Belvaux joue également sur le hors-champ. Sa caméra suit fixement les personnages, nous laissant imaginer le pire sur ce qu’il se passe autour d’eux. Enfin dans Après la vie, la caméra de Belvaux suit les acteurs mais de façon différente, en espèce de travelling très mouvementé, genre caméra à l’épaule, ce qui nous entraîne dans le malaise des personnages et dans une sorte de huis-clos.
En tout cas chapeau à Lucas Belvaux (pas pour son jeu d’acteur donc, vous l’aurez compris) ! Les trois histoires se recoupent merveilleusement bien. Il n’est même pas nécessaire de voir les films dans un ordre précis. L’action des trois films a lieu simultanément, on s’y retrouve à chaque fois. Aucun des films n’est la suite de l’autre, mais son complément. Malgré tout, le réalisateur a délibérement choisi de sortir en premier Un couple épatant (1er Janvier 2003), pensant attirer plus facilement le public vers une comédie, pour pouvoir mieux poser les deux films suivant la semaine d’après. Mes préférés dans l’ordre : Après la vie, Un couple épatant et Cavale.
Mais si on choisi de voir les 3 dans l’ordre, cela donne : Un couple épatant cavale après la vie... Joli, non ?
En salles !







