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Japon | Etrange Festival 2001

Le Lézard noir

aka Kuro Tokage | Japon | 1968 | Un film de Kinji Fukasaku | Avec Isao Kimura, Akihiro Maruyama, Ko Nishimura, Kikko Matsuoka, Yusuke Kawazu... et Yukio Mishima !

Mélangez du Ranpo, du Mishima et du Fukasaku dans un shaker, et vous obtiendrez Le Lézard Noir, sommet du kitsch, dont le rôle titre est interprété par un travesti...

Le fameux détective Kogorô Akechi (Isao Kimura) est embauché par le riche homme d’affaires Shôei Iwase, afin de retrouver sa fille Sanae, prisonnière du lézard noir (Akihiro Murayama), une cambrioleuse de renom qui exige en échange l’étoile égyptienne, un magnifique diamant. Ce que ne savent pas les autorités, c’est que le lézard noir ne compte pas rendre Sanae, qu’elle souhaite exposer dans son musée de la beauté...

En préambule du film, une annonce nous est faite en ce samedi 25 août : c’est la dernière fois que Le Lézard Noir sera visible, les ayants droit, ou plutôt la famille de Yukio Mishima, ayant interdit de diffusion tous les films dans lesquels il était apparu. Pourquoi ? Peut-être par peur de donner une "mauvaise image" de l’écrivain... pourtant ses activités au sein de groupes ultra-nationalistes sont bien plus à blâmer, mais bon... Mishima ayant lui-même assumé tous ses choix de son vivant (hormis peut-être son homosexualité plus ou moins inavouée), on est en droit de se poser des questions quant à cette censure éhontée de la part de ses descendants. De toutes façons, la plupart des japonais se foutent royalement de Mishima qui est plus perçu comme l’homme qui tenta un coup d’état que comme un écrivain (ce qui soit dit en passant est fort dommage, son œuvre littéraire étant l’une des plus importante du XXème siècle). Bref, de toutes façons nous n’y pouvons rien... Je ne vais donc pas vous parler et vous reparler de l’immense idée qu’ont eu les programmateurs de l’Etrange Festival 2001 en y incluant une rétrospective Kinji Fukasaku, cinéaste finalement méconnu en nos contrées...

Avec sa réputation de film culte, y compris auprès des personnes ne l’ayant vu, le Kuro Tokage de Fukasaku est en fait la deuxième adaptation cinématographique de la nouvelle homonyme de Ranpo Edogawa parue en 1929. La première, produite par la Daiei et datant de 1962, mettait en scène Machiko Kyo dans le rôle titre, actrice que l’on a pu voir notamment dans le somptueux et repompé maintes et maintes fois Rashômon (Akira Kurosawa /1950). Mais si la première adaptation pour le grand écran reprenait page par page le script de Ranpo, celle de Kinji Fukasaku reprend quant à elle l’adaptation qu’en fit Mishima pour le théâtre. Si, donc, le film de Fukasaku possède une réputation de film kitsch à souhait c’est en partie grâce (ou à cause, c’est au choix) aux couleurs extrêmement vives utilisées pour les décors, mais ce n’est pas tout... Tout, dans le film de Fukasaku semble être exagéré ; oui, nous sommes en présence d’un film de ouf ! Fukasaku, dont le format de prédilection semble être le scope, nous offre une mise en scène volontairement outrancière où la démesure de ses plans décadrés et de ses zooms intempestifs fait bon ménage avec une musique rock-jazzy totalement psychédélique, et la narration du film nous trimballe d’un bout à l’autre sans que l’on se rende compte de quoi que ce soit.

Mais là où le réa va très loin, c’est dans le choix de son interprète principal qui n’est autre qu’un travesti alors ultra connu au Japon, Akihiro Murayama, grand "ami" de Yukio Mishima au demeurant ravi que le rôle lui revienne. Mishima qui d’ailleurs, nous offre un cameo génialissime dans laquelle toute sa démesure et son culte du corps sont exploités à leur paroxysme. Les déguisements sont également à la fête, puisque c’est véritablement un concours "mardi-gratesque" qui se joue entre notre détective et le lézard noir (à ce sujet, le bossu aux bras ballants est digne de figurer dans le ministry of silly walks des Monty Python’s !).

Plus qu’une curiosité de cinéphile, Kuro Tokage est véritablement un bon film qui a le mérite de ne pas se prendre trop au sérieux, ce qui est d’ailleurs le cas d’un grand nombre des oeuvres de Fukasaku, toujours empreintes d’un certain cynisme (que cela soit dans ses films de Yakuza comme dans le récent Battle Royale). Les déplacements de certains personnages sont chorégraphiés, et la musique omniprésente peut faire penser à une comédie musicale ; en fait Kuro Tokage pourrait faire penser à une sorte de Charade (Stanley Donen /1963) sous acide... Nous sommes donc en présence d’un film gai (sans jeu de mot !), couplé du premier "polar-kitsch", qui nous laisse après son visionnage dans un état de bonne humeur intense, ce qui est plutôt appréciable. Ajoutez à ça le fait d’avoir vu un grand film et vous comprendrez aisément qu’il est fort dommage que ce lézard noir soit désormais en voie d’extinction...

Pas de DVD, pas de LD, pas de VCD...peut-être une VHS américaine en plein cadre, et encore... vous pouvez toujours lire la nouvelle de Ranpo Edogawa ainsi que l’adaptation en pièce du grand Mishima, paru il y a peu dans une traduction française. Bonne lecture !

- Article paru le mardi 28 août 2001

signé Kuro

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