Le Pensionnat
L’année de ses douze ans, le jeun Chatree quitte le domicile familial au profit d’un pensionnat provincial. Cette rupture intervient en cours d’année, son père estimant que son école n’est pas assez sérieuse. Comment peut-il en être autrement, puisque son fils passe son temps devant la télé ou à jouer, et obtient tout de même de bons résultats ? Pour Chatree, la séparation est doublée d’un immense sentiment de trahison. Sa première rencontre avec le pensionnat est donc forcément négative ; lorsqu’il découvre le dortoir et fait la connaissance d’une poignée de ses camarades, l’appréhension se transforme en crainte. Les pensionnaires de longue date lui content en effet l’histoire des lieux ; réelle ou fantasmée peu importe, puisque leurs récits de jeune femme pendue et de garçon noyé trouvent écho en la personnalité solitaire du garçon. Il faut dire aussi que, comme l’avaient prévenu ses aînés en ses lieux, il ne se sent pas seul lorsqu’il va aux toilettes la nuit, surtout lorsque tous les chiens du quartier hurlent à l’unisson...
Les premiers jours de Chatree au pensionnat sont donc difficiles, jusqu’à la rencontre de Wichien, un autre garçon solitaire. Un ami de nature particulière, puisque Chatree ne va pas tarder à découvrir que le fantôme que ses camarades utilisent pour effrayer les nouveaux venus, n’est autre que cet unique ami...
Le Pensionnat fait partie de ces films rares, qui savent conjuguer épouvante avec humanité et intelligence. Fable fantastique sur l’enfance et les premiers pas vers l’âge adulte, le film de Songyos Sugmakana fait inévitablement penser à L’Echine du diable de Guillermo Del Toro, le côté Chiens de paille infantile en moins. Le Pensionnat n’est pas, qui plus est, un authentique film d’horreur, si ce n’est un film sur la perception.
Car c’est bien la perception, toute en symbiose, de Chatree et du réalisateur, qui fait naître la peur dans le bâtiment éponyme du film. Explorant les lieux depuis plusieurs hauteurs - depuis le regard d’un adulte, depuis les yeux d’un enfant, au raz du sol pour dévoiler tous les lieux que peuvent exploiter l’imaginaire des plus jeunes pour faire naître l’horreur - Sugmakanan distille en nous une appréhension qui n’est pourtant pas fondée. Avec l’aide des récits des compagnons de Chatree, nous tombons comme lui dans le piège de la crainte de l’inconnu. Mais l’enfant est plus malin, et nous guide vers une perception nouvelle, au fil de ses rencontres avec Wichien, de la compréhension toujours plus pertinente de sa nature et des émotions qui entourent sa disparition, son existence.
La perception aussi, intervient dans la relation de Chatree avec son père, persuadé que celui-ci l’a envoyé dans un pensionnat pour se débarrasser de lui, et non pour améliorer son niveau scolaire. Elle joue un rôle essentiel dans l’attitude de la redoutée Madame Pranee, dans l’état transitoire de Wichien, dans la vie au quotidien de Chatree dans le pensionnat.
Bien que très méticuleux quand il s’agit de travailler sur l’ambiance, Le Pensionnat n’a pas pour simple objectif de nous effrayer. Il le fait simplement pour faire écho au parcours émotionnel, très dense, de son héros en culotte courte, s’appuie pour cela sur un travail prononcé sur les éclairages et les cadrages. Mais ce même travail dissout aussi la crainte, lorsque Chatree rencontre la jeune fille qui leur sert à manger, premier vecteur de couleur chaude - et donc d’émotion positive - du film. Merveilleux, les acteurs rendent cette ambivalence crédible, incarnation filmique de leur capacité à élaborer des sentiments à la force de leur imagination, de les transfigurer par leur générosité et leur innocence, leur capacité d’adaptation. A leur image, Le Pensionnat est un film protéiforme sur l’adolescence, ce moment où l’on se rend compte qu’apparence ne rime que rarement avec réalité. Bien que née d’un évènement triste, cette distinction, et donc la réalité du film de Songyos Sugmakanan est toutefois foncièrement positive, optimiste et juste, comme en témoigne le sourire de Chatree qui clôture l’histoire, sur un élan de vie propre aux enfants. Celui d’un souffle retenu, pas forcément empli de désirs - encore que - mais essentiellement ouvert sur l’avenir et ses innombrables possibilités.
Diffusé en compétition officielle au cours de la 9ème édition du festival du film asiatique de Deauville, Le Pensionnat sortira a priori le 23 août 2007 sur les écrans français.




