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Japon | Animation

Le Royaume des Chats

aka Neko no ongaeshi - The Cat Returns | Japon | 2003 | Un film de Hiroyuki Morita | Avec les voix de Chizuru Ikewaki, Yoshihiko Hakamada, Kumiko Okae, Tetsuro Tanba

Le chat est certainement l’animal de compagnie qui a la dimension mythologique la plus importante et la plus universelle. Tour à tour prophète, révélateur de l’âme humaine ou guide dans le monde de la nuit et de la magie, il était logique que Miyazaki s’intéresse à cet animal discret mais envoûtant et lui consacre un long-métrage entier. Malheureusement, le maître japonais n’a endossé que le rôle de producteur sur ce Royaume des Chats, et ça se voit, ça se ressent.

Haru est une adolescente et, à ce titre, déteste sa vie et trouve le monde injuste et difficile. Suffisamment, en tout cas, pour être tentée par une incursion au royaume des chats. Un précieux sésame lui sera donné par le roi pour avoir sauvé sans le savoir le prince du royaume. Aidée de deux chats dissidents, Baron et Mouta, Haru franchit la frontière magique sans vraiment savoir ce qui l’attend de l’autre côté...

Si le studio est un habitué des trames simples, bénéficiant d’un traitement métaphorique ou poétique, l’histoire est ici trop ordinaire, banalement manichéenne. Au contraire d’un Miyazaki, dans lequel gravitent des personnages travaillés, comportant tous leur zone d’ombre et d’humanité (la maternelle sorcière et l’impénétrable Haku de Chihiro, les pirates au grand cœur de Laputa), les protagonistes sont ici tout noir ou tout blanc, quelque soit la couleur de leur pelage. C’est d’autant plus dommage que les chats font d’excellents ersatz d’humains. Ils représentent le mal comme le bien, sont aristos ou de gouttière, à la fois sournois et tendres. La matière était belle pour créer des êtres à la personnalité complexe, un ingrédient indispensable pour sublimer un fil conducteur un peu mince.

Pourtant, le film va droit au but et sa durée d’une heure quinze ne laisse aucun répit à une narration qui file à la vitesse de l’éclair. Trop rapide, l’action s’essouffle par manque de pauses et on regrette énormément les instants contemplatifs qui ponctuent habituellement les films du studio Ghibli. L’histoire souffre également d’un manque d’explications qui aurait permis de tendre un peu plus les relations entre les personnages. Certains semblent se connaître mais leur passé n’est jamais évoqué, ce qui laisse au spectateur, tenu à l’écart du récit, un arrière-goût amer. On aurait également aimé découvrir le royaume, dont on ne voit finalement pas grand chose, un carré de pelouse, quelques huttes et un château. Seule la petite fille, Haru, tour à tour héroïque et résignée, généreuse et capricieuse, est dotée des contradictions (ah, l’adolescence...) qui permettent l’identification facile. A elle seule, elle véhicule les thèmes chers à Miyazaki, l’émancipation et la quête de soi. Ceux-ci ne sont malheureusement qu’effleurés au profit d’une narration expéditive laissant peu de place aux digressions humanistes ou écologiques, véritable marque de fabrique - et qualité - du studio Ghibli.

A l’opposé, Le Royaume Des Chats respecte totalement le dessin et l’animation si particulière de Miyazaki. Les couleurs sont chaudes et douces et les tons pastels mettent en valeur les arrière-plans. De Haru jusqu’au palais, les graphismes semblent sortis des précédents films du maître (Chihiro et Laputa, par exemple). On regrettera toutefois que l’animation des chats n’aie pas fait l’objet d’un soin particulier, leur démarche manquant singulièrement de grâce. En dépit d’une séquence de parade féline absolument magnifique (musique, animation, et gardes du corps Cats In Black), l’ensemble est moins féerique et poétique que les derniers films sortis en France. Certains y voient déjà l’influence du distributeur Disney, à travers les références à une culture de moins en moins orientale (combats de cape et d’épées, héros "british", clins d’œil à Pinocchio) et donc à nos yeux moins originale.

Prions pour qu’il n’en soit rien, au risque de voir se multiplier des films plaisants, certes, mais formatés, en deçà de nos attentes, à l’image des personnages du Royaume des Chats, sympathiques mais finalement peu intéressants. Après tout, le film ne découle peut-être que du souhait des studios japonais de produire un vrai dessin animé pour enfants ? De ce point de vue là, au vu des réactions des plus jeunes spectateurs, cela semble réussi. On le recommandera également aux amoureux des chats qui ne pourront que rêver d’un tel monde imaginaire. Pour les allergiques, allez-y quand même, le film, sans prétention, a ses moments et ne vous tuera pas.

Le Royaume des Chats est sorti sur les écrans français depuis le 30 Juillet 2003, et est déjà disponible en DVD japonais et HK (les deux sous-titrés en anglais).

- Article paru le jeudi 7 août 2003

signé David Decloux

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