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Japon

Le Tombeau des lucioles

aka Hotaru no Haka | Japon | 1998 | Un film de Isao Takahata

Le Tombeau des lucioles est un paradoxe. Pour certains, c’est un chef-d’œuvre qui ne peut, pourtant, se regarder qu’une fois. Pourquoi ? Parce que ce film dégage une tristesse qui est, pour tout homme doté d’un cœur de taille normale, difficilement supportable. Pour d’autres, tel que moi, le film porte un message d’espoir, qui permet au spectateur de ne pas ressortir démoralisé, tout en gardant à l’esprit les images dures que l’on vient de lui montrer. Il existe néanmoins un consensus pour ces deux catégories : le Tombeau des lucioles est un chef-d’œuvre.

A la fin de la 2ème guerre mondiale, au beau milieu des bombardements américains sur la ville de Kobe, au Japon, deux enfants tentent de survivre...

Le Tombeau des lucioles n’est pas un film de guerre. C’est un film sur la guerre. Il n’y a pas de scène de combats et quasiment aucune arme n’apparaît à l’écran (à l’exception des flammes et des torches lancées par les avions - un feu symbolique qui suffit à la représentation de la guerre). De la même manière, l’histoire ne prend à aucun moment un tour politique ou de propagande. Le film n’est pas anti-américain. Il est juste, profondément, pacifiste. La plupart des films se contentent de montrer la guerre comme un personnage à part entière (à travers la violence et une certaine forme de fatalité), très peu s’intéressent aux hommes dans la guerre. Le Tombeau des lucioles est de ceux-là.

Toute l’horreur du conflit est montrée à travers la modification du comportement des adultes. Ce qui frappe le plus, c’est cet égoïsme dont ils font preuve, combiné à une insupportable apathie lorsqu’il s’agit des deux enfants. L’épreuve les a transformés, c’est la loi du "chacun pour soi", pour vivre et ne surtout pas perdre la face. C’est bien la guerre qui est montrée du doigt ici, non pas directement, mais à travers ce qu’elle engendre, des hommes et des femmes qui ne sont plus vraiment humains. C’est pire. Pire aussi pour les spectateurs qui, comme moi, n’ont pas vécu cette période et se demandent si le film ne révèle pas le mal qui serait caché au fond de chacun de nous. Un mal qui n’attend que des circonstances exceptionnellement dures pour sortir au grand jour...

Pour autant, Takahata veut nous laisser l’espoir d’une amélioration possible. En racontant la vie des enfants, dont le comportement est à l’opposé des adultes, il montre sa confiance dans les générations futures. Tellement humain et responsable est le jeune garçon, qui prend soin de sa sœur pour lui épargner les horreurs de la guerre. Tellement humaine, vive et reconnaissante est cette dernière, qui égaye le quotidien de son frère par une joie de vivre enfantine et naturelle. Et surtout tellement belle est cette extraordinaire histoire d’amour fraternel, plus fort que la guerre, plus fort que la mort.

Tout n’est donc pas sombre et triste dans le film. Surtout pas les images, en décalage constant avec la réalité qu’elles expriment. C’est d’ailleurs l’un des avantages du dessin animé sur le film traditionnel. La magie des couleurs donne à l’histoire un caractère poétique et presque irréel, qui contribue à la douceur propre à faire passer un message d’une telle dureté. La photographie ne peut que nous montrer la réalité. Le dessin nous montre les rêves qui se cachent derrière, comme autant de lucioles qui ne se dévoilent qu’à la tombée de la nuit...

Histoire sombre dans un écrin de lumière, Le Tombeau des lucioles est un film que l’on n’oublie pas. Comme dans la plupart des dessins animés japonais, l’omniprésence des enfants - qui deviennent le vecteur privilégié d’une émotion puissante - assure la pleine réception d’un message auprès du public (le plus souvent adulte et parent) : il n’y a rien de désespéré à ne pas vouloir affronter le monde seul. C’est l’expression d’une saine nécessité : celle de l’autre.

Qui a dit que les dessins animés étaient réservés aux enfants ?

Le Tombeau des lucioles est disponible actuellement dans une belle édition (image et son) rééditée par Arte Vidéo. Complétée d’une interview du réalisateur Isao takahata, elle est amplement suffisante en attendant une éventuelle édition spéciale (en préparation, dit-on, chez Kaze).

- Article paru le mercredi 2 janvier 2002

signé David Decloux

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