Le voyage du ballon rouge
Hou Hsiao Hsien occupe une place prééminente dans le panorama mondial du cinéma d’auteur. Un Olympe où le spectateur lambda a parfois du mal à se hisser. Pour le dernier film du réalisateur taiwanais, il n’aura qu à se laisser soulever par ce ballon rouge, qui l’y emmènera sans mal. Comme moi, il devrait ressortir de la projection sous le charme.
Pour la deuxième expérience du metteur en scène à l’étranger en trois films, la Seine a remplacé la Sumida. Le voyage du ballon rouge est la libre adaptation du film français Le ballon rouge d’Albert Lamorisse. Ce projet est né d’une commande du Musée d’Orsay à des cinéastes pour son vingtième anniversaire. Leur seule obligation consistait à faire apparaître le musée au moins une fois dans le film.
Suzanne, marionnettiste, engage Fang Song, étudiante en cinéma pour s’occuper son fils de sept ans, Simon. Suzanne est trop prise par la préparation de son nouveau spectacle pour lui accorder suffisamment de temps, tandis que le père du garçon a disparu au Canada depuis deux ans pour écrire son roman. Simon est suivi par un mystérieux ballon rouge. La jeune chinoise, double d’Hou Hsiao Hsien, découvre la vie de cette famille d’artistes parisiens avec sa caméra.
Le réalisateur taiwanais a une nouvelle fois choisi de donner la vedette à un personnage féminin. Une femme qui doit mener sa carrière professionnelle, être mère, tout en s’occupant de sa vie affective. Elle est débordée par les deux premières et la dernière est à la dérive. Suzanne est cependant bien décidée à prendre le taureau par les cornes. Heureusement, elle est aussi obstinée que Zhang Yu, dont elle raconte l’histoire dans le spectacle de marionnettes qu’elle prépare. L’érudit chinois veut faire bouillir l’océan pour retrouver sa bien-aimée.
Le voyage du ballon rouge est ancré dans le quotidien. Le réalisateur s’attarde sur tous ces petits riens qui font les journées de Simon : les parties de flipper, les trajets en métro, la découverte d’un nouveau jouet en la caméra de Fang Song...
La grande réussite film repose sur l’harmonie entre le « jeu » des acteurs et la manière de filmer d’Hou Hsiao Hsien. Mention très spéciale à Juliette Binoche, l’interprète de Suzanne qui illumine le film de sa présence. Elle est criante de vérité avec ses cheveux teints en blond et sa mise légèrement débraillée. A ses côtés, Simon Iteanu est un vrai petit garçon, et non, comme bien souvent, un enfant de la balle qui en remontrerait au plus chevronné des professionnels.
Au naturel des acteurs répond la capacité d’Hou Hsiao Hsien à capter le réel. Je ne suis pas un adorateur de la chronique réaliste, mais j’avoue avoir été bluffé. Sa manière de filmer semble être « naturelle », évidente. Les « manipulations » sont limitées au strict minimum, et ce qui pourrait considéré comme un défaut devient une qualité : un bus qui s’arrête quelques secondes en plein dans le champ, des reflets sur une vitre... Finalement, si un enfant apercevant le tournage en cours fait un signe de la main à la caméra, est-ce si grave que cela pour le film ? Son style n’atteint peut-être pas les sommets de ses précédents films, mais il est là pour servir son propos. Et le résultat est particulièrement plaisant.
Le voyage du ballon rouge est sorti sur les écrans français le mercredi 30 janvier 2008.



