Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2005 | Rencontres

Lee Jung-chul

"Je ne considère pas Family comme un mélodrame, mais comme une belle tragédie".

Bien loin des autres films coréens présentés au cours de la 7ème édition du Festival du film asiatique de Deauville, Family se veut un drame familial simple, noir et puissant, dans la tradition d’oeuvres comme Little Odessa. Contée sur fond de mafia coréenne, la première réalisation de Lee Jung-chul lorgne cependant plus dans son utilisation du côté d’un Green Fish que d’un My Wife is a Gangster ; rencontre avec un metteur en scène conscient de choix aussi assumés que réfléchis. ATTENTION SPOILERS !

Sancho : Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un film coréen qui traitait du sujet de la mafia d’une ton aussi noir. Ces dernières années, il y a surtout eu des comédies, où l’on essayait de réunir la famille et la mafia. Alors qu’ici au contraire, rejoindre la mafia brise la famille traditionnelle. Pourquoi avez-vous souhaité revenir à ce ton plus sombre ?

Lee Jung-chul : La mafia est un élément dramatique dans Family, mais ce n’est pas un sujet qui prend une place importante. J’ai choisi de prendre ce ton sur la mafia car je voulais montrer l’amour du père envers sa fille. La seule façon était qu’il sacrifie sa vie pour elle. C’est pourquoi, j’ai introduit une sorte de mal : la mafia sud-coréenne.

On n’assiste pas à la chute de la famille ; quand le film commence, c’est déjà trop tard, il n’y a plus que le sacrifice pour que la famille se reconstitue. Pourquoi avoir choisi un tel angle, plutôt que de montrer la chute des personnages en nous montrant tout depuis le début ?

Pour écrire les éléments dramatiques, j’ai été beaucoup inspiré par Shakespeare. Au lieu de commencer sur une note un peu fade, je voulais que les personnages soient dans des situations extrêmes. Seulement, au moment où ils vivent cette situation, il vont parvenir à une sorte de bonheur après avoir surmonté tous les obstacles qu’ils ont rencontré dans leur vie.

Vous n’aviez pas peur que le film devienne trop mélodramatique ?

A chaque interview, les journalistes considèrent mon film comme un mélodrame. Or en Corée, quand on parle d’un mélodrame, il s’agit d’une histoire d’amour triste, tragique. Je ne considère pas Family comme un mélo, mais comme une belle tragédie. En sacrifiant sa vie, le père rend sa fille heureuse, il lui permet une rédemption. Mon film est classé dans le genre mélo en France, car les spectateurs occidentaux n’ont pas le même point de vue que les spectateurs coréens vis-à-vis de la relation parents/enfants : sacrifier sa vie pour celle de ses enfants n’est pas considéré comme dramatique.

Je pense que le film aurait pu être considéré comme un mélodrame s’il s’était plus attardé sur la mère, qui n’est pas du tout présente. On devine qu’elle a été battue par son mari, on ne sait pas comment elle est morte... Est-ce que c’est pour cela que le personnage de la mère a été sur ce point écarté, pour conserver l’aspect rédemption ?

A l’origine, j’avait pensé à la présence de la mère, mais dans ce cas il y aurait eu beaucoup trop d’histoires. Je voulais me concentrer sur la relation entre le père et la fille, il fallait mieux que la mère ne soit pas présente. Je voulait que le film parle de relations entre trois générations : entre le père et la fille, le père et le petit garçon et enfin entre la fille et le petit garçon. Avec ce film, je veux encourager la nouvelle génération à avoir plus de communications avec leurs parents, qu’elle exprime plus ses émotions.

Je pense que les gens perçoivent ici le film comme un mélodrame à cause de la maladie du père. Ne pensez-vous pas que son sacrifice aurait eu encore un peu plus de poids sans sa maladie, car là il est de toute façon condamné ?

Pour moi, maladie incurable ou non, commettre un meurtre est un sacrifice considérable. Je lui ai donné une telle maladie, car je pense qu’aux yeux des enfants, les parents apparaissent parfaits. Mais une fois qu’ils apprennent qu’ils ont comme eux des faiblesses, ils deviennent adultes.

Chez nous, on dit souvent que l’on grandit lorsque l’on est soi-même conscient que l’on va mourir. Ici, à l’inverse, les enfants grandissent lorsqu’ils savent que leurs parents vont mourir. Est-ce que c’est un trait particulièrement coréen, asiatique ?

C’est typiquement coréen.

Pour en revenir au conflit de générations, il semble que c’est un sujet qui travaille beaucoup les réalisateurs coréens, mais également japonais. On a l’impression qu’il existe un vrai problème et que sa résolution passe par la violence. Du point de vue occidental, ce qui nous surprend c’est justement cette grande dose de violence...

Je ne pense pas que les spectateurs coréens ont le même point de vue sur la violence que le votre. Ils ne considèrent pas du tout le côté violent dans le film comme “violent”, tellement le sacrifice pour la fille est considérable, merveilleux. L’aspect violent devient secondaire.

C’est votre premier film en tant que réalisateur et scénariste, mais vous avez été assistant-réalisateur sur Bichunmoo. En ce moment, en Corée, il y a surtout des films spectaculaires, comme Bichunmoo, ou des comédies romantiques ou mélodrames. Est-ce que ce n’était pas plus dur de prendre la voie du film presque indépendant de cette tragédie, plutôt que la voie d’un Bichunmoo ou d’une comédie romantique ?

Bichunmoo n’est pas le genre de film que j’aime particulièrement. C’est une des raisons pour lesquelles je n’ai pas continué dans le même genre. Je tiens à préciser qu’en Corée, lorsque l’on dit assistant-réalisateur, ce n’est pas celui qui l’assiste au cours du tournage. C’est quelqu’un qui travaille au sein de la production. Mon travail n’avait rien à voir avec l’univers du film.

Est-ce que les films qui sont présentés au cours de ce festival vous paraissent représentatifs du cinéma coréen d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le cinéma coréen connaît une renaissance et les films choisis pour le festival représentent des genres différents. Mais, je ne les considère pas comme “représentatifs” du cinéma coréen. C’est un trop grand mot de dire qu’ils représentent le cinéma coréen.

En France, mis à part les films commerciaux, ce qui représente le cinéma coréen ce sont les films de Kim Ki-Duk ; or je ne crois pas qu’ils soient représentatifs de ce qui se fait là-bas.

Je ne veux pas dire que les films de Kim Ki-Duk sont des films minables ou mauvais, mais je ne pense pas qu’ils soient représentatifs du cinéma coréen. Il vaudrait mieux que plus de films soient vus en dehors de la Corée, car il existe de bons films qui n’ont pas été montrés à l’extérieur.

Quels sont les films que vous avez appréciés et que vous voudriez voir distribués ?

La Fête de Im Kwon-taek et Taegukgi de Kang Je-gyu. Il existe tellement de bons films que j’ai du mal à trouver des références au pied levé.

Entretien réalisé le samedi 12 février 2005 dans le cadre de la présentation de Family dans la section Panorama du 7ème Festival du film asiatique de Deauville. Remerciements au Public Système Cinéma.

- Article paru le dimanche 27 mars 2005

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