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Chine

Les Éternels

aka 江湖儿女 - Jiānghú érnǚ - Ash is Purest White | Chine | 2018 | Un film de Jia Zhang-ke | Avec Zhao Tao, Liao Fan, Feng Xiaogang, Xu Zheng, Diao Yi’nan, Zhang Yibai

En 2001, la jeune Qiao est amoureuse de Bin, un des chefs de la pègre locale à Datong. Mais le pays change et les anciens boss ne sont plus aussi respectés que par le passé. Bin est attaqué en pleine ville par une bande rivale et Qiao tire plusieurs coups de feu en l’air pour empêcher son assassinat. Elle est condamnée pour port d’arme illégal. A sa sortie, même si seulement cinq années ont passé, la Chine et les Chinois, dont Bin, ont bien changé. Qiao part à sa recherche dans la région des trois gorges pour renouer avec lui, mais il refuse de la voir. La jeune femme cherche aussi sa place dans cette nouvelle société.
 
La première partie de Les Éternels s’inscrit sous l’influence du cinéma de Hong Kong des années 90, qui a inspiré les gangsters chinois présentés à l’écran. Jia Zhang-ke débute son film sur la musique martiale d’Il était une fois en Chine de Tsui Hark : il s’apprête à raconter une tranche de l’histoire de la Chine. Celle d’un couple dont la relation évolue au gré des soubresauts d’une société chinoise en pleine mutation économique, sociale et comportementale.

The Killer de John Woo est la principale référence des Éternels via sa chanson principale du film. Interprétée par Sally Yeh, elle illustre plusieurs scènes, dont la seule où il est fait usage d’un révolver. Auparavant, les truands s’offrent une séance de cinéma du célèbre polar made in HK. Jia Zhang-ke présente une vision plaisante de ce monde sur le plan cinématographique - et qui m’a particulièrement plu - mais surement trop romantique des bas-fonds de l’Empire du Milieu.

Son cinéma est toujours aussi puissant et il nous offre de belles fulgurances. Il crée l’une des images les plus parlantes de l’impact de la modernisation de la Chine : celui d’un coup de tuyau plombé balancé sans avertissement dans les jambes.

L’impact des Éternels est cependant amoindri par une trop grand ressemblance avec les œuvres précédentes du cinéaste. Il ne marque pas une révolution dans sa filmographie, dont il reprend les thèmes principaux - le changement des valeurs traditionnelles et du mode de vie en Chine sur fond de modernisation - mais sous un angle plus mélodramatique.
 
Jia Zhang-ke revisite le passé récent de la Chine et ses anciens films. Zhao Tao adopte ainsi successivement le look vestimentaire de Plaisirs Inconnus, puis celui de Still Life à sa sortie de prison. Un moyen pour le cinéaste d’indiquer que ces épisodes de Les Éternels se déroulent à la même époque.

Pilier du film, Zhao Tao interprète Qiao avec une conviction suffisamment forte pour emporter l’adhésion. Elle a passé seulement 5 années coupée du monde, mais cet emprisonnement aurait pu durer 25 ans, tant la société a changé durant son absence.

La transformation de la région des trois gorges où ses pas la conduisent est l’illustration fétiche du cinéaste des changements radicaux de la Chine, mais ils touchent tout le pays. Encore quelques années et Bin traversant sa ville natale de Datong modernisée se demandera : « Où est-ce qu’on est ? »

Autre belle idée de cinéma de Jia Zhang-ke, Qiao semble perdue quand elle est bloquée par une porte automatique en verre permettant d’accéder au bureau de l’étudiant. Ce gangster, qui a gagné ce surnom en étudiant le droit des affaires en prison, est devenu un big shot du business et sa seule chance de renouer avec Bin. Le cinéaste met splendidement en image la barrière invisible que les événements ont dressé entre eux. Les changements sociaux n’ont pas épargné leur couple. Cette tentative de renouer avec son amant au cœur des Trois Gorges, puis de trouver une place dans cette nouvelle société traîne malheureusement en longueur.
 
Dans ce nouveau monde, les gangsters ont remplacé leur holster par un portefeuille garni de liasses de billets et ils ont perdu leur sens de l’honneur et du collectif. A l’entame des Éternels, Jia Zhang-ke montre les liens de loyautés existants entre eux et cette communauté de destin est montrée en les faisant apparaître en groupe à l’écran. Après la sortie de prison de Bin, où - premier signe de la disparition de cette solidarité - personne n’est venu la chercher, les personnages sont rarement plus de deux au premier plan jusqu’au retour à Datong. L’heure est au chacun pour soi et la statue de maître Wang, devant laquelle les malfrats n’osaient pas mentir, n’est plus qu’une des décorations du bureau de l’étudiant, souvenir de valeurs anciennes.

Les Éternels sort en France le 27 février.
Remerciement à Matilde Incerti.

- Article paru le mercredi 27 février 2019

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