Les fils du vent
« Revue électronique des cinémas d’Asie et d’ailleurs » ; c’est ainsi que nous décrivons notre site, Sancho does Asia. Hors le terme « ailleurs » se doit d’embrasser aussi notre « ici » - et ce d’autant plus quand nos compatriotes se parent de multiples couleurs le temps d’un tournage... en Asie ! Notre négligence face à la sortie des Fils du vent dans le courant 2004 m’avait d’ailleurs été signalée par plusieurs internautes, qui trouvaient à juste titre notre regard pas assez englobant. Une injustice désormais réparée, puisque ça y est ! nous traitons enfin le premier long-métrage de Julien Seri, tourné en Thaïlande avec le groupe Yamakasi...
Léo, Logan, Kenjee, Yaguy, Williams et Lukas pratiquent tous l’art spectaculaire du déplacement, mais ils le font de façon isolée ; d’aucuns à Paris, d’autres à New York ou encore en Afrique... Léo trouve dommage qu’ils ne se réunissent pas de façon plus durable, pour tenter de partager leur passion avec un plus grand nombre de gens ; c’est pourquoi il propose à ses camarades de partir avec lui en Thaïlande, où il s’est mis en tête de fonder une école à destination des enfants de la rue. Léo omet cependant de préciser qu’il est persécuté par les Hyènes, un groupe d’artistes martiaux à la solde de Kien, chinois renégat désireux d’intégrer la mafia japonaise locale, des Yakuza sous les ordres d’un certain Kitano. Lors de leur premier entraînement, les six amis vont faire les frais de leurs avertissements, au détour d’un gigantesque échaffaudage en bambou, au cours d’un affrontement « à balles réelles », même si celui-ci est à mains nues. Le groupe se disperse alors. Williams part à la recherche de son grand-père, un moine qu’il n’a jamais connu ; Kenjee tente de retrouver la foi en sa maîtrise des arts martiaux, qu’il a perdue depuis un incident funeste ; Logan quant à lui, se met en tête de retrouver Tsu, la sœur de Kien, élevée par celui-ci mais avide de liberté, pour l’aider à quitter le monde du crime organisé. Yaguy, Léo et Lukas, de leur côté, souhaitent juste rendre la monnaie de sa pièce à Kien, histoire de ne pas se laisser intimider. Des volontés disparates qu’un tourbillon de violence ne va pas tarder à réunir...
Julien Seri aurait dû œuvrer en tant que réalisateur auprès du groupe Yamakasi, dans le film homonyme tourné en 2000 sous la houlette de Luc Besson. Qu’à cela ne tienne, lorsque les virtuoses du déplacement décident de remettre le couvert, c’est à ce jeune réalisateur qu’ils font appel. Quoi de plus normal, puisqu’ils partagent avec lui une passion pour le cinéma d’action, asiatique et influencé, avec pour références maîtresses le Time and Tide de Tsui Hark, Le treizième guerrier de MacTiernan et Blade 2 de Guillermo Del Toro. Y’a pire comme références... Pour illustrer cette volonté, le réalisateur et ses comédiens s’envolent pour la Thaïlande, l’architecture de Bangkok offrant de grandes possibilités de déplacements, et s’octroient notamment les services de chorégraphe de Xin Xin Xiong, magistral Fei Lung de The Blade et Club Foot de Once Upon a Time in China 3, tous deux signés Tsui Hark. Qu’en est-il au final de ce film polyculturel placé sous le drapeau tricolore ?
La première remarque que l’on peut faire, c’est que l’on sent - et c’est une bonne chose - que Les fils du vent n’est pas une production Europa. Au risque de paraître désagréable, celui-ci respire en effet l’honnêteté, la véritable volonté d’accomplir un rêve, et non l’opportunisme marketing. Ca ne fait pas la qualité d’un film certes, mais cela renforce déjà d’autant son capital sympathie. Par ailleurs, si la structure ultra-basique du film, « gonflée » à grand renfort d’empathie cinématographique (peu d’étape narratives pour privilégier des scènes longues), peut rappeler celle qui rythme la trilogie Taxi par exemple, elle est plus maîtrisée dans Les fils du vent, et résulte non pas d’une pénurie d’idées, mais d’une ambition retaillée pour s’accorder autant que possible aux moyens du bord. Pas d’effets spéciaux à foison ici, ni de cameo luxueux, mais une bande d’athlètes et d’amis qui se donnent corps et âme pour tenter de rendre crédible une véritable expérience cinématographique. Le développement des personnages souffre de cette volonté avant tout visuelle - l’histoire de chaque protagoniste doit en effet être déduite de quelques images et propos pour le moins ellpitiques -, mais le rythme de l’ensemble en est globalement avantagé, et Les fils du vent se regarde sans sourciller, contrairement à la coquille surmédiatisée de Zhang Yimou, Le secret des Poignards Volants, que j’ai enfin pu voir et qui m’a semblée pénible comme rarement (j’avais juste envie de préciser ce point).
Alors non, le montage n’est pas toujours des plus lisibles ; non, les Yamakasis ne sont pas tous d’excellents acteurs ; et oui, le film possède un côté spirituel un peu caricatural. Mais encore une fois, c’est la sincérité et l’efficacité qui l’emportent sur l’ensemble, et je préfère retenir des Fils du vent ses nombreuses qualités (la scène des bambous, certains moments de la cohue finale, la charmante Elodie Yung, la séquence magnifique et pourtant simple du "trajet" Paris-Bangkok) plutôt que ses lacunes évidentes (certains combats mous du genoux, les prestations un peu limites, les émotions trop émoussées par une bande-son omniprésente). Car en tant que tel, le long-métrage de Julien Seri est tout de même l’un des plus probants essais français récents en matière de cinéma d’action, et possède une personnalité aussi naïve qu’attachante.
Sorti sur les écrans français le 23 juin 2004, Les fils du vent est disponible en DVD zone 2 depuis peu. Le film est présenté en VO (français, chinois, japonais et thaïlandais) sous-titrée et en français, et est accompagné de suppléments plutôt réussis, du bétisier à l’entraînement des Yamakasi, en passant par un making of et des interviews. Pour compléter le tout, un court-métrage - Memory Project - de Seri, auquel je n’ai, pour le coup, absolument rien compris !
Erratum du 24.02.05 : Memory Project n’est pas signé Julien Seri mais Fred Foret, par ailleurs en charge de tous les suppléments de cette galette. Merci à... Fred Foret lui-même pour cette correction, et toutes mes excuses pour cette erreur grossière !



