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Inde | Vous avez dit "Bollywood" ? | Festival des 3 Continents 2013

Les fleurs de papier

aka Kaagaz Ke Phool | Inde | 1959 | Un film de Guru Dutt | Avec Guru Dutt, Waheeda Rehman, Johnny Walker, Baby Naaz, Mahesh Kaul, Veena

Grandeur et déchéance d’un réalisateur de Bollywood.

Un an avant Sunset Boulevard de Billy Wilder, Guru Dutt nous livre une vision désenchantée de la mecque du cinéma indien. La "tinseltown" du sous-continent ne cède en rien à son modèle des collines d’Hollywood. Si le maître américain a choisi de s’exprimer dans le cadre du du film noir, le réalisateur de Bollywood a préféré celui du mélodrame.

Autant la vie professionnelle du réalisateur Sureh Sinha (Guru Dutt) est couronnée de succès - sa réussite lui permet d’imposer sa loi au propriétaire du studio - autant sa vie privée est un échec. Séparé de sa femme et surtout de sa fille, il vit seul accroché à sa pipe. Pourtant sa vie va prendre une nouvelle saveur suite à la découverte d’une inconnue, Shanti (Waheeda Rehman) qu’il va imposer dans le rôle de Paro dans le Devdas qu’il réalise. Le destin va pourtant en décider autrement...

Les fleurs de papiers est à la fois un film autobiographique et quasi-prophétique. En effet, à l’époque du tournage Guru Dutt vivait séparé de femme en raison d’une liaison supposée avec l’actrice Waheeda Rehman. Une situation qui constitue un des ressorts dramatiques les plus importants du film ! Par ailleurs, il s’avère qu’il s’agit du dernier film sur lequel il apposera son nom, comme Sureh ne réalisera plus de film après son Devdas.

Le choix de ce film dans le film n’est pas le fruit du hasard, son ombre rode sur le film. L’amour entre les héros des deux films est bien sûr impossible, les deux hommes se perdent dans l’alcool, mais surtout ils n’arrivent jamais à trouver l’énergie nécessaire pour reprendre leur destin en main, même lorsque quelqu’un vient leur offrir son secours.

Guru Dutt égratigne au passage la bonne société de Delhi dans la peinture qu’il nous livre de sa belle famille qui n’a que mépris pour le monde du cinéma. Une mention particulière à la performance de l’acteur Johnny Walker qui interprète le beau frère du réalisateur, dont le seul but dans la vie consiste à séduire des jeunes femmes et à s’occuper de son haras.

N’oublions pas non plus Waheeda Rehman, qui fait montre de tout son charme lors de la plus belle séquence chantée du film. Au cours de celle-ci, le réalisateur et son actrice sont conduits sur les lieux du tournage et comprennent les sentiments qui les lient. Aucun mot n’est échangé, le coeur installé sur un camion qui les suit s’en charge.

Les scènes intimistes entre Sureh et Shanti sont d’ailleurs les plus belles du film. Lors de ces occasions, Guru Dutt fait la preuve de l’étendue de son talent. Un hommage doit être rendu en particulier à la photographie du film, véritable travail d’orfèvre. Le réalisateur fait jouer de belle manière la lumière et les ombres sur les visages des acteurs.

Si Dutt ne va pas aussi loin que Wilder, même si son héros est quasiment nihiliste, il communique une vision du cinéma éloignée des clichés du star system. La gloire est difficile à atteindre et elle est aussi fragile que des fleurs de papier. Tant que l’on rapporte de l’argent au producteur, celui-ci ne vous refuse rien, mais s’il y a échec il n’hésitera pas à se séparer de vous. Quand au spectateur/consommateur, il n’hésitera pas à détruire la salle si le spectacle ne lui plaît pas !

Malgré tout, Dutt rend également hommage à la puissance de séduction du cinéma. Ainsi, Sureh ne choisit pas Shanti après l’avoir rencontrée physiquement, mais seulement à la vue des rushes du film. La magie existe, elle se crée sur l’écran, et ironiquement l’art de Guru Dutt va à l’encontre de ses propos...

Les fleurs de papier fait partie de la programmation de la rétrospective Vous avez dit "Bollywood" ? à Beaubourg, et est disponible notamment en DVD zone 2 UK.

- Article paru le mardi 24 février 2004

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