Les Garçons de Fengkuei
An auteur is born.
Les Garçons de Fengkuei représente un franc saut qualitatif pour Hou Hsiao-hsien par rapport à son précédent métrage, Green green grass of home : son talent devient une évidence. Plus de trente ans après sa réalisation, on prend un vrai plaisir à découvrir ou à redécouvrir ce film, d’autant plus que sa restauration lui a redonné un bel éclat.
Fengkuei, Ah-ching et ses deux amis, Ah-jung et Kuo-tsu, ont fini leurs études et traînent leur ennui dans leur village natal. A force d’être désœuvrés, ils finissent par s’attirer des ennuis et prennent alors la décision de se rendre dans la ville de Kaohsiung afin d’y trouver du travail. La sœur d’un de ses amis leur dégote un appartement dans une habitation où réside déjà un autre jeune homme du même village. Il habite avec sa copine, Ah-ho, qui ne laisse pas Ah-ching indifférent. Entre travail, sorties et repas, nous partageons la nouvelle vie de ces trois compères.
Les Garçons de Fengkuei est traversé de fulgurances visuelles, appelées à s’imprimer durablement dans vos rétines. La séquence où quatre garçons exécutent un numéro de danse pour attirer l’attention d’une demoiselle alors que les vagues venant se briser derrière eux les détrempent est à la fois visuellement belle, drôle et magnifique de spontanéité. Pour son quatrième long métrage, Hou Hsiao-hsien a en effet « rafraîchi » son cinéma grâce notamment à une autre vague, la Nouvelle. La vision d’A bout de souffle l’a en effet incité à se libérer des schémas cinématographiques classiques. Son cinéma devient plus elliptique. Dans la séquence d’ouverture, un bus traverse l’écran sans que l’on en sache jamais plus. Aucun héros du film n’en descendra.
Une fois le film visionné, l’influence qu’il a eu sur le cinéma de Jia Zhang-ke tient de l’évidence. Cette histoire de jeunes gens quittant leur morne village pour tenter leur chance à la ville a au demeurant des résonances universelles. Admirateur de Hou Hsiao-hsien, Jia Zhang-ke possède comme point commun avec lui cette capacité à transcender le réel, l’ordinaire grâce à la beauté de ses cadres. Ici, Hou Hsiao-hsien use et abuse du cadre dans le cadre en se servant des entrées, des fenêtres et des portes des décors. Il va pour la première fois consciemment éloigner la caméra de ses sujets afin de les montrer dans leur environnement. Hormis celles dans les appartements, toutes les scènes dans Kaohsiung sont prises sur le vif, caméra apparente ou pas.
Au fur et à mesure du déroulement du film, celui-ci devient plus mélancolique. Les liens avec ses deux camarades se distendent en raison de choix sentimentaux, professionnels... Le passage à l’âge adulte devient synonyme de séparations, de pertes. Cette idée s’impose avec le décès du père de Ah-ching, qui a toujours occupé ses pensées. Elle est l’occasion d’une des plus belles et plus poignantes séquences du film. Le réalisateur taïwanais nous fait ressentir l’émotion de Ah-ching lors de cet événement tragique, en reprenant le plan utilisé à plusieurs reprises au début du film de la chaise à bascule du père, toujours devant la maison mais désormais vide.
Les Garçons de Fengkuei fait partie des cinq films du début de la carrière de Hou Hsiao-hsien qui sortent le 3 août en version restaurée. Les autres sont Cute Girl, Green Green Grass of Home, Un Temps pour vivre, un temps pour mourir et Poussières dans le vent.
Remerciements à Elise Borgobello chez Carlotta Films.





