Les Guêpes sont là

A Kalpitiya, village de pêcheurs du Sri Lanka, Victor est venu de la ville accompagné d’amis pour remettre de l’ordre dans les affaires de son père, un chef de pêche local, tombé malade. L’autre potentat du cru, Anton, ne voit pas d’un bon œil le retour d’une concurrence plus intense. Aux tensions commerciales vient s’ajouter la relation amoureuse entre Victor et Helen, qui était déjà promise depuis l’enfance à un homme du village.
 
Les scènes documentaires sur la pêche et les enchères organisées sur la plage éveillent des souvenirs de Profond plaisir des dieux de Shohei Immamura. Son homologue cingalais, Dharmasena Pathiraja met également en scène l’opposition modernité/tradition, mais la ressemblance s’arrête là. Ici, pas de dimension mythologique, le discours se veut politique.
 
Les Guêpes sont là sent fort la testostérone dès les premières scènes. Entourés d’amis et d’alliés, Victor et d’Anton passent leurs soirée en discutant et en se versant de généreuses rasades d’alcool. Leur conversation tourne autour des poissons et des femmes.
 
Victor débarque dans ce village comme un nouveau mâle alpha pénétrerait dans un écosystème fragile : l’un d’entre eux est clairement de trop. Dharmasena Pathiraja filme cette lutte de pouvoir et ses conséquences désastreuses pour la communauté.
 
Les deux négociants se font concurrence pour acheter les poissons, principale source de la richesse du village. Dans cette société patriarcale rétrograde, les femmes sont l’autre objet principal de convoitises.
 
Victor – très beau Vijaya Kumaratunga – joue de son pouvoir de séduction physique et de son statut de citadin pour séduire Helen. Oublieux des convenances, il ne pense qu’à lui et par son action piétine l’honneur de l’un des hommes du village.
 
Anton en possède une dans chaque île, comme le marin proverbial. Il voit sa position d’homme le plus puissant du village être menacée par Victor et ne le supporte pas. Pour se débarrasser de son rival, il utilise son ascendant et son pouvoir économique sur les villageois pour les manipuler.
 
Les Guêpes sont là se joue des frontières des genres. Film politique, il prend parfois des accents de films noirs. Dans la nuit cingalaise, couteaux et machettes servent à régler les comptes ayant vu le jour pendant la journée.
 
Dharmasena Pathiraja nous offre un magnifique noir et blanc. La sensuelle scène d’amour dans le sable où Helen s’abandonne à Victor est l’une des plus belles jamais filmées au cinéma. Rien n’est montré, tout est suggéré. Splendide.
 
Dharmasena Pathiraja renvoie dos à dos ces deux mâles alpha, qui par pur égoïsme, font le malheur de la communauté dont ils sont les chefs. Weerasena, ami hippisant de Victor, émerge comme le seul des personnages se préoccupant véritablement du bien-être des habitants de cette communauté. Voix de la raison, il ne se prive pas de critiquer les actions de Victor. Il est aussi la voix du réalisateur et le film se clôt sur son discours où il appelle à la lutte contre les exploiteurs.

L’interprète de Victor, Vijaya Kumaratunga, débutera plus tard une carrière politique dans un parti trotskyste avant de fonder son propre parti.