Les Intrus
Le docteur Silberling est catégorique : qu’importe qu’Anna arrive ou non à percer à jour le mystère de ses cauchemars récurrents, elle est suffisamment rétablie pour quitter l’hôpital et recommencer à vivre normalement. Un an après l’incendie qui a causé la mort de sa mère gravement malade, la jeune femme, sans souvenir des détails de l’incident, rentre donc chez elle et découvre que son père s’est entiché de Rachel, leur nanny. Une situation qui lui déplaît autant qu’à sa sœur Alex, dont l’accueil est tout d’abord froid – elle reproche à Anna de l’avoir abandonnée pendant tout ce temps, comme si seule sa douleur importait – avant que leur complicité reprenne le dessus. Entre Rachel et Anna par contre, rien n’y fait ; et ce ne sont pas les cauchemars et autres hallucinations de la jeune femme qui vont y changer quelque chose. Ceux-ci font en effet naître en elle un tenace soupçon, quant à la culpabilité de la belle-mère en devenir dans la mort non seulement de sa mère, mais aussi d’inquiétants enfants qui ne cessent de lui apparaître d’outre tombe...
Si ce résumé vous paraît quelque peu familier, c’est normal ; The Uninvited est en effet le remake, non pas du film d’horreur coréen éponyme réalisé en 2003 par Lee Su-yeon, mais de 2 Sœurs, signé par l’un de ses compatriotes, l’autrement plus connu Kim Jee-woon. On pourrait tergiverser longuement sur la pertinence du repackaging d’une si sombre réussite ; pourtant en l’état, le film des frères Guard est loin d’être dénué d’intérêt.
Les Intrus en effet, est une véritable relecture du film d’horreur dont il s’inspire et s’éloigne, repensé en tant que thriller efficace. Si c’est aussi par le fantastique qu’il introduit la perversion de sa narration, les quelques joutes horrifiques qu’il met en scène ne rivalisent aucunement avec celles de Kim Jee-woon, à la pensée desquelles je frissonne encore largement, me rappelant m’enfoncer, lors de la vision de 2 Soeurs en salle, dans mon fauteuil, pour tenter en vain de m’extraire à leur redoutable insistance. Ce qui pourrait être une comparaison négative, est toutefois peut-être l’un des atouts de ce film qui ne cherche jamais à éclipser son modèle : une retenue à même d’en faire un véritable drame plus qu’un cauchemar malsain, et de lui donner un caractère affectif et émotionnel durable, à défaut de susciter une authentique épouvante.
Ce choix d’une retenue de mise en scène, se retrouve aussi dans le traitement des personnages. Contrairement aux inquiétantes héroïnes de 2 Soeurs, Anna et Alex sont moins fusionnelles, n’apparaissent jamais comme une entité unique. Alors que Kim Jee-woon puisait dans l’ignorance méprisante de la présence de Su-yeon matière à créer un véritable malaise, les frères Guard se contentent de créer un décalage, pas toujours crédible il est vrai, entre Alex (très bien choisie All American Girl Arielle Kebell) et les autres protagonistes, insistant de fait sur la nature de pivot narratif d’Anna.
Ce faisant, les réalisateurs facilitent certainement un peu trop la résolution anticipée du mystère des Intrus, puisqu’ils filtrent sa narration par la seule perception d’Anna, sans nous laisser nous perdre dans plusieurs niveaux d’images et de réalité. Mais on ne saurait leur reprocher de reposer leur film sur les épaules de la jeune Emily Browning – que les fans des Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire reconnaitront sans peine -, fantastique dans son incarnation physique, évidente, d’un être dual, entre la femme et l’enfant, la conscience et l’innocence. C’est en elle que se joue, implicitement autant qu’explicitement, l’angoisse psychologique distillée par cette réussite, certaine bien que sans grand éclat, d’appropriation modeste et mesurée.
Les Intrus est disponible en DVD zone 2 depuis le 20 octobre chez DreamWorks. L’édition est impeccable, enrichie d’un documentaire explicitant l’intérêt des réalisateurs pour le projet, de scènes coupées et d’une fin alternative moins pertinente que celle retenue pour le montage final. Au niveau des annonces de l’éditeur, c’est la fête au AAA : Transformers 2, Star Trek, GI Joe... le dimanche soir idéal en compagnie d’un home cinema !
Remerciements à Marion Lagarde et Way to Blue.




