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Hong Kong | Hors-Asie

Les Nuits rouges du Bourreau de Jade

aka Red Nights | Hong Kong / France | 2009 | Un film de Julien Carbon et Laurent Courtiaud | Avec Frédérique Bel, Carrie Ng Ka-Lai, Carole Brana, Stephen Wong Cheung-hing, Kotone Amamiya, Maria Chen, Jack Kao

Je défie quiconque de livrer un résumé à la première réalisation de messieurs Julien Carbon et Laurent Courtiaud (scénaristes de Running Out of Time et Black Mask 2) sur la base de ses premières séquences. Une voix off qui mentionne un poison perturbateur ; une longue séquence SM de « plastification » aux mains de Carrie Ng (Naked Killer, Rock ’n Roll Cop) qui se conclut en meurtre ; l’incertitude qui plane autour de Catherine, le personnage incarné par Frédérique Bel, visiblement en possession d’une antiquité à revendre, fraîchement meurtrière et recherchée par Interpol… Certes, il est a posteriori aisé de parler de la quête de Carrie, avide de retrouver un poison légendaire – accidentellement détenu par Catherine - qui permettait au Bourreau de Jade, exécuteur du premier Empereur de Chine, de démultiplier plaisirs et douleurs, mais le fil de la narration n’en fait pas une évidence tant que l’affaire n’est pas conclue, le générique de fin enclenché.

Les Nuits rouges du Bourreau de Jade incarne un objet de cinéma pour le moins osé, film-fantasme au sadisme raffiné, qui se plait à se refuser sans cesse au spectateur, reformuler son intrigue et ses enjeux, lui suggérer un érotisme douloureux pour mieux l’en priver. Ainsi l’édifice paraît-il longtemps conçu pour construire une confrontation idéalisée entre Carrie et Catherine, pervertir cette dernière. La séquence d’introduction du film nous offrant la fragile nudité, déviante, de la magnifique Kotone Amamiya, entièrement recouverte de latex pour son propre plaisir masochiste, on ne peut s’empêcher de projeter Catherine sous les griffes de jade de Carrie Ng. Frédérique Bel, dans un jeu déconcertant d’inadaptation forcée, avec sa prétention glaciale qui jamais ne s’accorde avec l’ambiance bigarrée du film, s’offre au fantasme SM à merveille, héroïne trop rigide d’un scénario qui la dépasse et la méprise, lui refusant ne serait-ce que la soumission.

Car oui, Les Nuits rouges du Bourreau de Jade réfute tout du long cette héroïne, la blesse, l’engonce et la dissimule, la prive d’épaisseur pour nous forcer à la fantasmer, pour finalement nous la retirer et lui préférer au supplice la magnifique Carole Brana, personnage incertain, mais compensation tout de même agréable à notre frustration. Le film de Carbon et Courtiaud, qui fait de cette frustration son singulier moteur, est un dominateur – ou devrait-on dire une dominatrice, puisqu’il est subordonné à la volonté de Carrie Ng, sa véritable héroïne – et le spectateur lui est soumis, devant se contenter d’un orgasme imposé alors que son désir a été ignoré, tout autant que le film qu’on l’avait encouragé à imaginer.

J’hésite entre dire que les deux réalisateurs/scénaristes se coupent ainsi constamment l’herbe sous le pied, ne racontent rien à force de maintenir leur propre film à distance, et louer la cohérence sadomasochiste de leur entreprise – cohérence qui résonne jusque dans la bande son, le travail de Seppuku Paradigm (Martyrs, Eden Log), en décalage enjoué, évoquant une danse provocante, simulacre de plaisir charnel privé de concrétisation, érotisme amputé de jouissance. L’appréciation du film se situe certainement entre les deux, l’agacement se disputant le dernier mot avec la satisfaction visuelle.

Dans ce film artifice, où la nuit ne tient pas ses promesses, et où seuls vivent des personnages, en l’absence de tout figurant, on croise Melville et Argento plutôt que Johnnie To. Le premier au travers de Catherine, de son attitude et son apparence, le second dans l’utilisation des couleurs et la mainmise de l’image sur la narration. Au point que lorsque le film atteint une étrange demeure, en fin de course, on s’attend presque à voir Carrie Ng gratter la peinture pour révéler un dessin d’enfant. Ces références stylistiques, respectables et respectées, emballent si bien les femmes qui portent Les Nuits rouges du Bourreau de Jade, qu’on lui pardonnerait presque ses manigances égoïstes.

- Article paru le lundi 26 mars 2012

signé Akatomy

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