Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive
Rouge.
Wayne Wang, principalement connu pour ses collaborations avec Paul Auster, Smoke et Brooklyn Boogie, nous livre avec Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive un ovni dans sa filmographie. Au même titre que Schizopolis de Steven Soderbergh. Attention, âmes sensibles et amis de Brigitte Bardot passez votre chemin !
Un jeune américain d’origine asiatique est chargé de transporter une mallette au contenu mystérieux de San Francisco à Hong Kong pour la remettre à un certain M. Lo. Une fois arrivé à destination, il lui est impossible de rencontrer le destinataire. Membre de la mafia chinoise, celui-ci est confronté à des dissensions au sein de son organisation. La mallette est volée, et le nouveau venu au chapeau de cowboy se rapproche de la maîtresse du chef mafieux, Money, qui est attirée par une autre personne…
Cette réalisation de Wayne Wang est une plongée crue et parfois trash dans le Hong Kong d’après Tian’anmen et d’avant la rétrocession. Le rouge est la couleur dominante : le sang des canards qu’il a tués macule la chemise du vieille homme, dont le monologue ouvre le film, et les murs de la pièce dans laquelle se trouve. Life is cheap... but toilet paper is expensive explique celui dont le travail consiste à égorger et saigner des canards…
Le sang de la répression de Tian’anmen a eu à peine le temps de sécher lorsque le film est réalisé et le drapeau de la Chine communiste est appelé à flotter sur la ville 8 ans plus tard.
La plongée dans Hong Kong est littérale dans une des séquences phares du film : une course-poursuite à pied, partant du belvédère du pic Victoria, qui offre habituellement un superbe panorama de Hong Kong, jusqu’aux bas-fonds de la cité-État. Ces rues étroites, galeries commerciales et intérieurs d’immeubles dilapidés constituent la géographie hongkongaise bien connue des aficionados de la cinématographie de l’ex-colonie.
Le cinéaste sino-américain joue avec les codes du polar asiatique, qui est en pleine effervescence au même moment à Hong Kong, tout en ancrant son film dans la crue réalité de la future ex-colonie britannique. Comme dans les polars HK, il joue avec ses contrastes et son énergie unique. Wayne Wang a choisi de faire son film sous la forme libre d’une docufiction.
Il livre une vision brute d’un Hong Kong suspendu entre deux mondes, entre deux systèmes. Même si le personnage principal est d’origine asiatique, cette ville lui est d’autant plus étrangère qu’il ne parle pas la langue.
Hormis la visite au belvédère de Victoria Peak, Wayne Wang lui a concocté une visite de Hong Kong tout sauf touristique. Il croise des exécuteurs de canard, des spécialistes des effets sonore pour des films pornographiques, des "entraîneurs" de chiens de course…
Ce portrait acide de ce bout de terre où 5000 ans de culture chinoise et le capitalisme entrent en collision commence dans le sang et finit avec de la merde. Le message de Wayne Wang est passé.
Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive est édité en Blu-ray par Carlotta Films.




