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Hong Kong

Lost Souls

aka 打蛇 | Hong Kong | 1980 | Un film de Mou Tun-Fei | Avec Ngai Tim-Choi, Hung Fung, Chow Kin Ping, Chin Tsi Ang, Chin Feng, Wan Seung Lam

A un moment dans Lost Souls, une jeune femme, nue et fraîchement abusée en contre plongée suggestive, est littéralement lancée dans les airs, passant de bras en bras telle une balle disproportionnée, pour l’amusement d’une poignée de mafieux en shorts moulants, avec d’être simplement jetée par terre. Voilà qui symbolise à merveille le départ de ce film d’exploitation issu du catalogue de la Shaw Brothers, avec ses clandestins chinois qui, désireux de s’installer à Hong Kong, passent entre les mailles des forces de l’ordre pour mieux atterrir entre les mains de vilains trafiquants, lesquels se font dérober leurs prisonniers par d’autres trafiquants, et ainsi de suite. La situation se stabilise au bout d’un moment puisque ce bétail plein d’illusions, monnaie d’échange pour quiconque parvient à soutirer le numéro de leur proches domiciliés sur place, se trouve regroupé chez un seul et même exploitant, moustachu, libidineux et infâme. Dès lors, place aux goons en slip des années 80, aux masques exfoliants à base d’excréments, aux viols hétéro et homosexuels, à l’immolation et j’en passe. Ai-je mentionné que, dans ses premières images, Lost Souls prétend se faire l’écho d’une réalité politico-sociale, film engagé dans la défense des sans papiers de l’ex-colonie ?

Ce que j’ai omis de préciser par contre, c’est que Lost Souls est le fruit quelque peu gâté du travail de Mou Tun-Fei qui, après son départ de la Shaw, s’en ira jeter son dévolu sur les hommes qui œuvrent « derrière le soleil » avec le redoutable Camp 731 (aka Men Behind the Sun). Un homme de goût, versé dans le cinéma d’exploitation le plus hypocrite et opportuniste qui soit, qui préfigure les excès de notre ami Herman Yau sans jamais céder à l’humour, la fantaisie, ou la moindre référence au virus Ebola, chair en bouche.

Mou Tun-Fei lui, encourage plutôt ses protagonistes – au travers d’un prisonnier mieux traité que les autres, privilège d’une grenade menaçante fichée à sa ceinture – à s’enduire de merde pour ne pas se faire violer. Hommes, femmes et enfants traversent le film à poil – les mafieux les ont déshabillés pour leur ôter l’envie de s’échapper, la honte de la coquillette étant certainement plus forte que la peur de mourir, c’est bien connu -, souvent recouverts de déjections, donc, et tout de même violentés et abusés. Il y a bien une femme qui refuse d’enfiler sa tenue d’Eve et se réfugie, courageuse, dans des fils barbelés pour éviter qu’on la touche, mais Mou Tun-Fei et ses goons sont plus malins qu’elle, puisqu’ils l’enduisent d’essence et la crament sur place. Le réalisateur étant bien décidé à avoir le dernier mot ; j’y reviendrai.

Lost Souls n’est donc rien d’autre qu’une succession, terne et dangereusement uniforme, d’abus et d’humiliations, bercée par une palette de trois-quatre bruitages qui complètent l’omniprésence sonore des pleurs, complaintes et autres hurlements. Évidemment, public oblige, ce sont avant tout les femmes qui trinquent, exposent leurs atouts dérobés comme rarement dans un film HK. Mais, machiste forcené, Mou Tun-Fei déflore aussi l’intestin de l’un des « héros » masculins, qui défiait à tort son bourreau de le violer, pour mieux montrer du doigt à quel point un viol homo est plus répréhensible qu’un crime hétéro, l’anus d’un homme plus précieux que l’intimité d’une femme. Ce qui, du coup, justifie largement le bain de sang limite cannibale qui s’en suit, enragé et terrifiant, et marque le début d’une inversion du rapport de force, entre geôliers et prisonniers. Le tout se terminant sur de sympathiques tortures à base de litres d’eaux ingérés de force, l’entonnoir étant toujours une arme de choix.

Je vous disais ci-dessus que Mou – qui est plutôt un gros dur, tout de même – tenait à avoir le dernier mot. Cynique redoutable, il entraine l’un des seuls survivants de cette belle aventure, à faire pâlir Denis Brogniart, vers sa destination rêvée : Diamond Hill. Pour se rendre compte que, contrairement à ce que son nom indique, le lieu n’est pas un havre de fortune, mais le siège de squatteurs surplombant la colonie depuis l’insalubrité de bidonvilles. S’il y a un message dans Lost Souls, c’est peut-être que la Chine, finalement, c’était pas si mal. En produisant une telle œuvre, trop borderline – ce qui a au moins le mérite d’être pertinent avec la thématique frontalière – pour être réjouissante, les frères Shaw rejoignent, un peu, les David Friedman du monde. Sauf que Friedman lui, avait refusé que son vrai nom figure au générique de Ilsa, She Wolf of the SS, et que Dyanne Thorne - "Mon nom est Ilsa ! J’ai transformé mes amants en abat-jours !" - manque ici cruellement à l’appel. Mais c’est une autre histoire.

Lost Souls est disponible en DVD HK, sous-titré anglais, dans une édition remasterisée qu’il ne méritait peut-être pas !

- Article paru le samedi 17 avril 2010

signé Akatomy

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