Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2009

Love Talk

aka Leobeutokeu – 러브토크 | Corée du Sud | 2005 | Un film de Lee Yoon-ki | Avec Bae Jong-ok, Park Jin-hee, Park Hee-sun

Second film de Lee Yoon-ki après This Charming Girl, primé lors de l’édition 2005 du Festival du film asiatique de Deauville, Love Talk est un film choral qui s’intéresse à un groupe de coréens déracinés, aussi bien émotionnellement que physiquement, puisque leurs cœurs blessés gravitent les uns autour des autres dans un microcosme coréen de Los Angeles. Son titre paradoxal – il est ici question d’amour bien entendu, mais celui-ci ne donne jamais lieu à une véritable communication, et encore moins un dialogue autre qu’anonyme – le film l’empreinte au nom de l’émission radio de l’une des protagonistes, talk show en coréen où Yeong-shin tente de régler les problèmes, amoureux et sexuels, de ses auditeurs. Sans jamais mettre en pratique ses propres recommandations.

Yeong-shin en effet, vit une relation distante avec un homme, dont elle ne parvient pas à s’accommoder. Pas plus que Sun-hee, employée d’un salon de massage privé, dont les attouchements sur commande seraient presque plus personnels que ses embrassades régulières avec l’agent de sécurité de l’établissement. Sun-hee par ailleurs, héberge le fraîchement débarqué Ji-seok, grand taciturne lui aussi perméable, en apparence, aux sentiments, ancienne relation de Yeong-shin figé dans le souvenir de leur proximité. En parallèle les uns des autres, ces trois êtres blessés traversent le quotidien sans le vivre, se croisent et interagissent sans jamais partager, en dépit de leurs désirs de rapprochements.

L’intérêt premier de Love Talk, est évidemment de s’intéresser à une société d’expatriés. Sous le regard de Lee Yoon-ki, Los Angeles, ville de cinéma par excellence, apparaît sous un jour nouveau qui est celui des protagonistes du film : une ville étrangère. L’idée de délocaliser ces coréens n’est pas innocente au propos du film, puisqu’elle permet d’accentuer leurs solitudes, et la façon dont leur isolement affectif renforce leur non appartenance sociale. Objet de cinéma, Love Talk n’a aucune velléité documentaire en faveur des immigrés coréens aux USA, et l’artifice bat son plein avec la mise en scène d’espace partagés par la communauté, au sein desquels se confrontent des tiraillements plus ou moins amoureux autour de la personnalité relativement inerte de Ji-seok. Alors que le regroupement dans ces espaces presque clos - en tout cas perméable à l’identité américaine - devrait être propice au rapprochement, l’absence de ce dernier, surtout dans le cas de la maison partagée par Sun-hee et Ji-seok, ne fait que démultiplier le sentiment de solitude et de désœuvrement omniprésent.

Love Talk pourra dès lors paraître un peu terne, avançant avec une nonchalance un tantinet pessimiste sur les traces de son protagoniste masculin impassible, qui ne sait que défendre ses sentiments et éventuellement ceux des autres, et non les affirmer. Heureusement, les femmes occupent une place prépondérante dans la narration, et elles sont magnifiques. En particulier Sun-hee, le personnage le plus intéressant du film, sublime « femme usée » de ses propres mots, qui ne cherche jamais à dissimuler son désespoir, palpable dans la moindre de ses attitudes. Chaque posture de cette femme, même lorsqu’elle se dénude pour faire l’amour, est un appel au secours pour une affection qui n’est pas de celles qu’elle reçoit. Comme si elle n’appartenait pas, ni à ce lieu ni à personne, et que cela entamait la réalité de son existence.

Reste que Love Talk est un peu long, et que l’on se perd notamment dans l’errance de Yeong-shin, femme enfant indécise. On sent bien le désir du réalisateur de refléter le déracinement chez tous les protagonistes du film – jusqu’à l’amie hispanique de Ji-seok, ou la mère de Yeong-shin qui cherche à justifier ses voyages – mais Lee Yoon-ki aurait certainement pu tenir le même discours en usant de moins de mots. Car il est certain qu’il avait à l’écran la femme pour le faire, à la simple force de quelques images : Chong-ok Bae, l’interprète de Sun-hee, radieuse de féminité tournant à vide.

Présenté lors de la 11ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2009) dans le cadre d’un hommage rendu à Lee Yoon-ki, Love Talk n’est aujourd’hui plus disponible qu’en VCD coréen, sous titré anglais (DVD épuisé).

- Article paru le dimanche 29 mars 2009

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