Loved Gun
Aoi Miyazaki plus Masatoshi Nagase, j’avoue que cette simple addition avait de quoi me titiller, ayant un faible pour ces deux acteurs. Loved Gun, le film qui les réunit, et troisième long métrage de Kensaku Watanabe - réalisateur que j’avoue ne pas connaître du tout -, avait donc de quoi me séduire. Malheureusement, si le film n’est pas désagréable, il est très vite oublié.
Hayamada (Masatoshi Nagase) est un tueur à gage dont la particularité est de régurgiter des balles qu’il utilise pour son pistolet rouge nommé Akira. Un jour, après s’être endormi au volant et avoir percuté le pare-brise de son crâne, il rencontre Miyuki (Aoi Miyazaki), à qui il essaie de dérober son scooter, nommé Bobby. Miyuki est une adolescente un peu paumée qui vit seule depuis le double suicide de ses parents. Cependant, l’ancien mentor et père adoptif de Hayamada, lui aussi tueur à gage, se voit attribuer le travail d’abattre ce dernier. Avec un jeune partenaire, il part sur les traces de Hayamada que Miyuki recrute pour un travail.
Loved Gun est un film qui certainement fera le bonheur de certains festivals consacrés à l’Asie, et au Japon en particulier, en même temps qu’il ne fera que rajouter de l’eau au moulin des détracteurs de ce cinéma. Il faut dire qu’il est à la fois typiquement japonais (entendez par là très Kitanesque, pour le pire plus que pour le meilleur), hermétique si ce n’est incompréhensible (entendez par là qu’il n’y a rien à comprendre) et quelque peu surfait, et en même temps visuellement réussi, très bien interprété et souvent intriguant.
Pour faire court, disons que Loved Gun partage l’étrangeté de Takashi Miike sur Gozu, l’hermétisme séduisant de Kiyoshi Kurosawa sur Akarui Mirai ou plus encore Charisma, et le mutisme cool de Kitano (ou pas cool du tout mais ennuyeux avec Dolls). Certes, il est toujours un peu réducteur de parler d’un film en n’évoquant que ce à quoi il ressemble, mais force est de constater que Loved Gun a du mal à s’extraire de ce qui peut-être qualifié de cinéma contemporain typiquement japonais, un genre en passe de devenir une boutade.
Le monde de Loved Gun est un monde qui frôle l’immatérialité, quelque part entre onirisme et réalité, sérieux et humour, amour et haine, vie et mort. Kensaku Watanabe use (mais n’abuse pas) d’effets pour renforcer cette atmosphère d’étrangeté et de duplicité qui émane de presque chaque scène. C’est ici un ralenti ou un accéléré, là la superposition temporelle d’un même point de vue. Les personnages n’ont pas de position définie, quand ils ne se trouvent pas simultanément à divers endroits, et semblent souvent à la limite de se volatiliser. La lumière varie soudainement, les flashbacks alternent avec une construction qui met deux histoires en parallèle. L’ensemble est un film flou, qui met du temps à s’éclaircir.
Derrière un visuel extrêmement travaillé, quand il n’est pas carrément poseur, mais dans l’ensemble séduisant, Kensaku Watanabe peine à offrir quelque chose de très consistant. L’étrangeté semble être souvent là pour le plaisir de l’étrangeté (Hayamada qui parle à une tortue morte sur une plage) et le réalisateur sombre régulièrement dans le lourdaud, comme par exemple avec sa tueuse à nunchaku qui fait vraiment tâche. De plus, il ne parvient pas à s’émanciper de clichés qui nous font sans cesse avoir un sentiment de déjà-vu. Le couple de tueurs notamment, l’histoire d’amitié paternelle et les états d’âme des tueurs à gages sont des sujets que l’on nous a suffisamment ressassés, surtout dans le cinéma japonais, pour que l’on commence à sérieusement se lasser. A une ambiance de monde désincarné dont les personnages semblent être absents, Kensaku Watanabe n’a pas su offrir autre chose qu’une histoire d’une banalité affligeante qui ne permet pas aux acteurs principaux, le couple Masatoshi/Miyazaki avant tout, de rendre leurs personnages plus tangibles et de déployer pleinement leur talent.
Loved Gun illustre parfaitement cet adage japonais qui veut que lorsque l’on offre un cadeau, l’emballage a au moins, si ce n’est plus, d’importance que le cadeau lui-même. Loved Gun est un joli film pas désagréable, mais dont l’incroyable vacuité résonne de plus en plus fort au fur et à mesure que l’on avance dans le film. A vouloir aborder des concepts ambitieux (Amour, Mort, Vie, rien de moins), Kensaku Watanabe finit débordé par son propre film dont il ne reste qu’une jolie succession de poncifs.



